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Adéfovir Dipivoxil 10mg

fragile victoire

septembre 2001

Depuis juillet 2001, une Autorisation Temporaire d’Utilisation (ATU) nominative permet aux patients infectés par le virus de l’hépatite B (VHB) de disposer enfin d’une molécule qui contrôle les souches virales mutantes, résistantes au traitement par la lamivudine (Zeffix® pour les personnes monoinfectées par le VHB, Epivir® pour les patients coinfectés VIH/VHB). Cette molécule est produite par le laboratoire Gilead. C’est l’Adefovir Dipivoxil 10mg.

Négociations, Action.

Les thérapies actuellement proposées contre le VHB ne sont pas satisfaisantes : les médecins ont constaté des résistances du VHB à la lamivudine. A la suite de mutations, le virus reprend sa multiplication dans l’organisme, devenu insensible au produit. Les résistances liées au développement de souches virales mutantes sont fréquentes (20% par an). Les atteintes hépatiques dont les patients souffrent alors font peser sur eux une menace mortelle à court ou moyen terme, faute d’alternative thérapeutique efficace.

A cause de ces résistances, les traitements à base d’interféron alpha-2b, complémentaires de la lamivudine, demeurent moins efficaces : ces traitements sont actifs dans moins de 8 % des cas chez les personnes coinfectées VIH/VHB.

Or, l’Adéfovir Dipivoxil est efficace contre les VHB sauvages et mutants. Pourtant, les laboratoires Gilead ont refusé longtemps de mettre cette molécule à disposition en France, notamment pour les patients en situation d’échappement thérapeutique ; bien que de multiples essais aient présenté des résultats d’efficacité et de tolérance très favorables, à raison de 10mg/jour.

Depuis plus d’un an, les groupes interassociatifs TRT-5 (réunissant 7 associations de lutte contre le sida, dont Act Up) et AACHV (Activistes Associés contre les Hépatites Virales, réunion d’associations de lutte contre le sida et les hépatites comme TransHépat et SOS hépatites) demandaient l’ouverture d’une ATU.

Les négociations s’enlisaient ; l’urgence s’aggravait et nous perdions du temps. En mai, un zap contre Gilead a précipité les événements. Le 27 juin, le laboratoire rencontrait le TRT-5 et proposait la mise en place d’une ATU. Le 28 juin, il rencontrait l’AFSSaPS pour déterminer les détails de cette ATU. Des discussions serrées ont entrainé un retard : fin juillet, alors que la molécule était sur le territoire français, le médicament n’était toujours pas parvenu aux centres hospitaliers. Les patients dans l’urgence, eux, attendaient... C’est pourquoi nous demeurons extrêmement vigilants dans le suivi de cette affaire.

Critères d’accès à l’ATU nominative.

Pour obtenir de l’adéfovir, le médecin doit adresser sa demande à l’AFSSaPS (Agence Française de Sécurité Sanitaire des Produits de Santé, tél. : 01 55 87 36 11, fax : 01 55 87 36 12). Rappelons que les médicaments en ATU doivent être disponibles dans tous les départements français, y compris les DOM. 

Pour l’instant, les critères d’accès à l’ATU sont :
 1) la résistance à la lamivudine (Zeffix ou Epivir).
 2) un score métavir F3 ou F4.
 3) ne pas pouvoir être inclus dans les essais en cours concernant l’adéfovir.

Le score métavir définit l’état du foie et se donne grâce à deux lettres. La lettre « A » désigne l’activité de dégradation des cellules hépatiques. Cette activité s’échelonne de A1 à A4 (A1 : activité faible ; A4 : activité intense). La lettre « F » désigne l’état de fibrose du foie (les degrés s’échelonnent de F1, le foie est peu atteint, à F4, le foie est très atteint et les dégâts occasionnés peuvent faire craindre une cirrhose si l’activité virale persiste à provoquer des dégâts). Par exemple, on peut avoir un score métavir A3 F2.

Critère du score métavir : un critère d’exclusion ?

Les personnes qui ont un score métavir ne correspondant pas aux critères de l’ATU nominative peuvent néanmoins déposer une demande qui sera étudiée par l’AFSSaPS. Dans les mois à venir, les critères d’accès à une ATU de cohorte vont être redéfinis. Cette redéfinition s’impose et l’on peut s’interroger sur la validité du critère du score métavir. En effet, la restriction de l’obtention de l’adéfovir aux stades F3 ou F4 du score métavir s’apparente donc à une exclusion de certains patients.

Lorsqu’un patient prenant de la lamivudine constate une résurgence de la charge virale du VHB, il devrait être en droit de bénéficier d’un traitement alternatif pour que cette charge virale soit efficacement contrôlée, quel que soit son score métavir. Ceci notamment parce que si certains mutants VHB sont d’agressivité moyenne, d’autres sont très virulents et peuvent entraîner des dégradations importantes du foie s’ils ne sont pas maîtrisés immédiatement. Il est inutile de faire courrir pareil risque à un patient sous prétexte qu’il n’en est pas à un stade de fibrose F3 ou F4.

D’autre part, en raison du caractère relativement imprévisible de l’action du VHB, il est difficile de déterminer à quel moment un sujet en échappement va atteindre le stade F3 ou F4 - sinon en lui faisant régulièrement des biopsies.
Enfin, la prise d’adéfovir est susceptible d’entraîner une élévation temporaire des transaminases suscitée par des mécanismes immunitaires précédant un contrôle fort de la réplication de la charge virale. Cette élévation constitue un traumatisme hépatique aisément résorbable en F1 ou F2, mais plus difficile à réparer lorsque le patient est déjà à un stade de fibrose très avancé. Il faut donc éviter que l’action de l’adéfovir conduise un patient déjà gravement atteint vers la cirrhose, simplement parce que l’adéfovir lui a été administré trop tard...

L’adéfovir doit-il rester un traitement substitutif ?

A terme, si l’adéfovir 10mg présente un rapport avantage/inconvénient très favorable, il faudra bien considérer que ce traitement n’est pas seulement un recours substitutif aux défaillances de la lamivudine, mais bel et bien une alternative thérapeutique à part entière, prise concomitamment ou non avec la lamivudine ou d’autres médications.


ANRS et VHB.

L’affaire de l’adéfovir constitue surtout, pour tous, un enseignement : il est temps de solliciter de la part de l’ANRS (Agence Nationale de Recherche contre le Sida) l’élargissement de son champ d’action à la coinfection VIH/VHB, afin de faciliter les progrès thérapeutiques et leur diffusion. Forte des travaux qu’elle mène sur le VHC, l’ANRS se doit de déployer des essais sur le VHB. C’est une question de considération des patients. C’est une question de reconnaissance.