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Edito

samedi 1er janvier 2011

L’affaire dite du Médiator a fait exploser le débat sur les connivences entre les institutions publiques et les laboratoires pharmaceutiques. Pourtant, la nocivité de ces liens entre l’univers politique, administratif et privé en santé est documentée depuis longtemps. Avec l’épidémie d’hépatite C, c’est la même problématique qui est la cause de l’exclusion dans laquelle se retrouvent les 35 000 malades co-infectéEs VIH-VHC, dont un tiers déjà en cirrhose.

En 1997, l’OMS annonçait l’épidémie d’hépatite C, mais ce n’est qu’en 2010 que se profile enfin une trentaine de molécules anti-VHC. Aucune institution ne peut dire qu’elle n’a pas pu se préparer depuis 13 ans aux conséquences de cette épidémie, comme cela avait pu être le cas pour le sida, la plupart de ces institutions n’existant pas encore.

Ces nouvelles molécules sont très attendues pour remplacer la bithérapie actuelle, qui n’est efficace que pour 30 % des co-infectéEs traitéEs et très lourde en effets indésirables, alors même que ces malades développent plus fréquemment et plus rapidement une cirrhose et un cancer du foie, comparativement aux mono-infectéEs VHC.

Depuis toujours, Act Up-Paris dénonce les choix assassins de l’industrie pharmaceutique. En écartant de leurs essais les co-infectéEs VIH-VHC (considérés comme « difficiles à traiter »), au moins pour les deux premières molécules (le télaprevir de Janssen, et le bocéprevir de Merck), les laboratoires espèrent préserver de meilleurs résultats d’efficacité et accélérer l’obtention de l’Autorisation de mise sur le marché (AMM). Mais leur erreur est de ne pas tenir compte des spécificités de la co-infection VIH-VHC dès le début des essais de leur molécule. La complexité de tels essais augmenterait la listes des effets indésirables de leur produit : impossible, quand l’intérêt est le profit et non la santé.

Nous sommes sacrifiéEs à plus d’un titre par l’industrie pharmaceutique. En refusant l’inclusion des co-infectéEs dès les essais précoces, l’industrie limite les données qui nourrissent les recommandations précises pour une meilleure prescription. Les informations disponibles viennent quasi-exclusivement de la recherche publique via l’ANRS, l’industrie pharmaceutique exploitant ces résultats sans aucune contrepartie. Parce qu’elle a refusé d’inclure des co-infectéEs dès les essais de phase II, l’industrie pharmaceutique nous dit aujourd’hui qu’elle n’en sait pas assez sur les risques spécifiques pour autoriser les co-infectéEs les plus malades à bénéficier d’un accès compassionnel (ATU) en même temps que les mono-infectéEs VHC. Quand les molécules seront autorisées, peut-être l’industrie procédera-t-elle à quelques essais de phase IV pour valider l’usage dans le cadre de la co-infection. Au lieu d’avoir 5 ans de recul sur les effets indésirables spécifiques aux co-infectéEs, on aura un recul d’à peine quelques mois. Ce sera encore aux associations de tirer la sonnette d’alarme. Pourtant, en termes de santé publique, une molécule testée précocement par des malades co-infectéEs, plus à risques, sera alors validée dans des conditions plus contraignantes et sera donc, au final, plus fiable pour un plus grand nombre de malades.

Or, c’est là que l’Afssaps entre en jeu, devant exercer au plus tôt son rôle de « police sanitaire », afin de garantir que les nouveaux médicaments, sûrement hors de prix, puissent concerner touTEs les malades. En 2010, la FDA, agence américaine du médicament, a publié des recommandations pour l’industrie spécifiant clairement que la mise en place d’essais précoces pour des co-infectéEs sera un argument favorable à l’obtention d’une AMM. En 2005, l’Agence européenne du médicament (EMEA) a publié ses recommandations devant être révisées en janvier 2011. Le 17 décembre, à notre dernier rendez-vous à l’Afssaps, son directeur, M. Marimbert, nous disait « regretter le fait que l’industrie n’ait pas tenu compte de ces recommandations » … et nous donc !

A sa conférence de presse sur le Médiator, Xavier Bertrand a voulu minimiser l’hémorragie avec des promesses superficielles en guise de pansement. Plus que jamais, l’Etat n’affirme pas de politique contraignante envers cette industrie pharmaceutique vorace.

Souhaitons que l’affaire du Mediator aboutisse à une vraie réforme du système, qui donne aux autorités publiques un pouvoir de contrôle indépendant et fort, en jouant sur les prix des médicaments pour des sanctions claires à l’industrie pharmaceutique. Une telle remise à plat mettra les usagèrEs et les malades au coeur du dispositif de contrôle et non pas juste sur des strapontins. Mais en attendant cette indispensable réforme, nous, les co-infectéEs VIH-VHC allons être nombreuxSES à payer le prix de cette lâcheté politique, de la voracité des laboratoires et de la négligence de l’Afssaps.