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Les mesures d’expulsion

jeudi 1er avril 2010

Les mesures d’expulsion au sens strict du terme (AME et APE, arrêtés ministériels et préfectoraux d’expulsion, et ITF, interdiction du territoire français) diffèrent, dans leurs effets, des mesures d’éloignement. Non seulement elles permettent le renvoi forcé, mais une fois exécutées, elles interdisent l’entrée sur le territoire français, temporairement ou définitivement. Les malades étrangers remplissant les conditions de délivrance d’un titre de séjour pour raison médicale sont protégés de ces mesures (sauf situation exceptionnelle).

L’arrêté d’expulsion

 Qu’est-ce qu’un arrêté d’expulsion ?

L’arrêté d’expulsion est une décision administrative prise contre un étranger dont la présence sur le territoire français constitue « une menace grave pour l’ordre public ». Il peut être prononcé par le ministre de l’Intérieur (Arrêté ministériel d’expulsion, AME) ou après avis consultatif de la Commission départementale d’expulsion par un préfet (Arrêté préfectoral d’expulsion, APE). Les arrêtés d’expulsion : autorisent le placement dans un centre de rétention ; autorisent l’exécution forcée de l’éloignement ; empêchent le dépôt d’une demande de titre de séjour ; une fois exécutés, interdisent l’entrée en France. Ces effets sont illimités dans le temps, mais l’autorité qui a pris un arrêté d’expulsion doit en réexaminer la nécessité tous les cinq ans.

 Quelle protection pour les malades étrangers ?

Les malades étrangers répondant au critère de délivrance d’un titre de séjour pour raison médicale bénéficient d’une protection contre ces mesures (Article L521-3, 5° du CESEDA) sauf en cas de « nécessité impérieuse pour la sûreté de l’Etat ou la sécurité publique », ou de « comportement de nature à porter atteinte aux intérêts fondamentaux de l’Etat, ou lié à des activités à caractère terroriste, ou constituant des actes de provocation explicite et délibérée à la discrimination, à la haine ou la violence ».

 Que faire en cas d’arrêté d’expulsion ?

Les voies de recours contre les arrêtés d’expulsion sont celles du droit commun : ils peuvent être attaqués dans un délai de deux mois devant le juge administratif. Ce recours n’est pas suspensif, il faut donc y joindre un référé-suspension pour s’assurer que la mesure ne soit pas exécutée avant le jugement définitif.

Nous vous déconseillons de quitter volontairement le territoire français pour engager une telle demande car cela risque de vous faire perdre votre ancienneté de résidence sur le territoire français. Sauf si vous vous trouvez déjà hors de France ou si vous êtes incarcéré, il est nécessaire de demander une assignation à résidence (voir infra). Si vous êtes incarcéré, que votre libération approche et que vous faites toujours l’objet d’une mesure d’expulsion, il faut impérativement demander l’aide du SPIP et obtenir une assignation à résidence afin d’éviter une expulsion à la sortie de la détention. Contactez la Cimade.

Les interdictions du territoire français

 Qu’est ce qu’une ITF ?

L’ITF est une peine qui peut être prononcée à l’encontre d’étrangers condamnés pour certains crimes et délits définis par le Code Pénal. Les effets de l’ITF sont similaires à ceux de l’arrêté d’expulsion. Une ITF peut être temporaire, d’un an à plusieurs années, ou définitive.

 Quelle protection pour les malades étrangers ?

Seuls les étrangers bénéficiant d’un titre de séjour pour raison médicale sont protégés contre les ITF (Article 131-30-2, 5° du Code Pénal). Cette protection est absolue. Ceux qui remplissent seulement les critères sans avoir obtenu de titre ne sont pas protégés des conséquences d’une ITF. Mais ils peuvent néanmoins mettre en avant auprès du juge pénal les conséquences médicales d’une exceptionnelle gravité, celui-ci pouvant passer outre l’ITF.

 Que faire face à une ITF ?

L’ITF étant une sanction pénale, si vous venez d’être condamné à une telle peine il est possible de faire appel ou d’aller en cassation. Demandez conseil à une association ou à un avocat spécialisé car vous pouvez voir votre peine alourdie en appel.

Si la condamnation ne peut plus faire l’objet d’un recours, il faut distinguer deux situations : les ITF prononcées à titre principal (quand elles sont l’unique sanction prononcée) et les ITF prononcés à titre complémentaire (en surplus d’une sanction principale, le plus souvent une peine d’emprisonnement).

Pour les ITF prononcées à titre complémentaire il est possible de former une requête en relèvement auprès du parquet de la juridiction qui a prononcé la condamnation. Cette requête doit mettre en exergue les conséquences médicales d’une exceptionnelle gravité que pourraient avoir une expulsion. Tout comme les demandes d’abrogation d’un arrêté expulsion, la requête en relèvement doit être faite hors de France, en prison, ou sous assignation à résidence. De surcroît elle ne peut être déposée que six mois après la condamnation (sauf en cas d’incarcération).

L’assignation à résidence

 Qu’est ce qu’une assignation à résidence ?

Il ne faut pas confondre les assignations à résidence qui constituent une alternative au placement en rétention d’un étranger interpellé et celles qui suspendent l’exécution d’un arrêté d’expulsion ou d’une ITF. Concernant les malades étrangers qui remplissent les critères médicaux de délivrance d’un titre de séjour (voir supra), l’administration est tenue de prendre une telle mesure lorsqu’ils font l’objet d’une mesure d’expulsion.

 Quelles sont les effets de l’assignation à résidence ?

Les effets de l’assignation à résidence des malades étrangers faisant l’objet d’une mesure ou d’une peine d’expulsion sont multiples. Elle empêche l’exécution de la mesure ou de la peine, elle permet le dépôt d’une demande d’abrogation de l’arrêté d’expulsion ou de relèvement de l’ITF, l’intéressé se voit délivrer une Autorisation Provisoire de Séjour (APS) assortie avec autorisation de travail. En contrepartie, la préfecture conserve le passeport de l’intéressé et celui-ci doit se présenter tous les mois à la préfecture et ne pas quitter un certain périmètre géographique (le plus souvent le département). En cas de manquement à ces obligations, l’intéressé est passible d’une peine d’emprisonnement de trois ans au plus.

 Quand et comment demander une assignation à résidence ?

Dans le cas des malades étrangers, l’assignation à résidence doit être demandée dès que vous avez connaissance d’une mesure ou d’une peine d’expulsion devenue définitive. Si vous êtes incarcéré, il est important de faire une telle demande avant votre sortie de détention. Demandez une assistance auprès du SPIP pour cela. Il est parfaitement possible de faire en même temps une demande d’assignation à résidence et d’abrogation d’un arrêté d’expulsion. Concernant les ITF, il est par ailleurs possible d’en demander le relèvement sans attendre la réponse de la demande d’assignation à résidence. La demande se fait auprès de l’autorité qui a pris l’arrêté d’expulsion (Ministère de l’Intérieur ou préfecture). Au bout 4 mois, une absence de réponse vaut refus implicite.

 Quelle est la durée d’une assignation à résidence ?

Sauf les cas où l’autorité médicale considère que la prise en charge médicale nécessaire en France est de courte durée, l’assignation à résidence est prise sans limitation de temps. Deux cas peuvent être distingués :

  • Cas 1 : la peine ou l’arrêté d’expulsion a disparu. Il convient alors de déposer une demande d’abrogation de l’assignation à résidence car celle-ci n’est pas automatique. Même une fois le risque d’expulsion écarté, la personne concernée restera plusieurs mois sans pouvoir demander un titre de séjour dans l’attente de l’abrogation de l’assignation à résidence. Pendant ce temps, ces obligations et celles de l’administration restent inchangées.
  • Cas 2 : l’administration souhaite abroger l’assignation à résidence alors que la peine ou l’arrêté d’expulsion peut encore être exécuté. Dans ce cas, l’administration est dans l’obligation de vous informer de cette possible décision et vous permettre de lui adresser un complément d’informations.

La rétention

La rétention administrative est une privation de liberté spécifique pour les étrangers faisant l’objet d’une mesure d’éloignement. Elle est décidée par le préfet « pour le temps strictement nécessaire à son départ », et en tout état de cause pour une période maximale de 32 jours.

 Le cadre de la rétention

Les étrangers placés en rétention ont la possibilité de communiquer avec toute personne de leur choix, avec leurs autorités consulaires et avec un avocat. Ils ont un libre accès à des cabines téléphoniques (et peuvent généralement conserver leur téléphone portable quand celui-ci ne peut pas prendre des photos).

Ils ont droit aux visites dans les plages horaires prévues.

Des intervenants extérieurs assurent des permanences dans les CRA : une association parmi les six habilitées à être présentes au sein des CRA (la Cimade, l’Ordre de Malte, Forum Réfugiés, Collectif Respect, France Terre d’Asile et l’Assfam), une équipe médicale, composée d’infirmiers et de médecins du Centre hospitalier qui a passé une convention avec la préfecture, l’OFII.

 Vos recours

Vous êtes protégé contre la décision de mesure d’éloignement sur les mêmes critères que pour le droit au séjour pour raison médicale, si votre « état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d’une exceptionnelle gravité, à condition qu’ils ne puissent effectivement bénéficier du traitement approprié dans le pays de renvoi. »

Vous pouvez faire une demande d’abrogation de cette mesure, une demande d’assignation à résidence et un recours contentieux contre la mesure d’éloignement.

En parallèle, si vous êtes dans les délais pour le recours contentieux (un mois pour contester une OQTF, 48h pour contester un Arrêté préfectoral de reconduite à la frontière remis en main propre), saisissez le Tribunal Administratif. Le Juge Administratif est en charge de contrôler la légalité de la mesure de rétention.

Si vous avez dépassé les délais, saisissez l’Administration d’une demande d’abrogation de l’APRF ou de l’Arrêté d’expulsion, ou d’une demande d’assignation à résidence.

Il s’agit de transmettre au médecin de l’Administration les informations médicales permettant d’évaluer les risques que vous encourez en cas d’éloignement vers votre pays d’origine.

S’il existe un risque d’exceptionnelle gravité du défaut de prise en charge médicale, le médecin de l’Unité médicale du Centre de rétention administrative doit transmettre au Médecin Inspecteur de Santé Publique (MISP) les informations médicales vous concernant. Il établit un rapport sur le modèle de la demande de titre de séjour pour soin, qu’il envoie en urgence au MISP de la DDASS du département du CRA qui transmet au plus vite son avis au Préfet. Le Préfet statue en urgence sur la demande d’abrogation de la mesure d’éloignement ou sur la demande d’assignation à résidence.

Attention ! La fin d’une mise en rétention sur critères médicaux ne régularise pas votre situation. Il vous appartient de déposer une demande de titre de séjour pour soin, en vérifiant que la mesure d’éloignement a été effectivement abrogée. Pour vous conseiller, prenez contact avec la Cimade.