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La guerre aux labos continue

janvier 2001

Depuis bientôt deux ans, la situation des malades du sida en échappement thérapeutique est particulièrement inquiétante. Plusieurs laboratoires pharmaceutiques ont développé de nouvelles molécules dont l’efficacité a été démontrée, mais ils refusent de les mettre à la disposition de tous ceux qui en ont besoin et n’acceptent, dans le meilleur des cas, de les dispenser qu’au compte goutte. Parmi eux, Roche qui produit le T20.

Le T20 appartient à une nouvelle famille de traitements, les inhibiteurs de fusion, qui bloquent l’entrée du virus dans les lymphocytes CD4, y compris quand celui-ci est résistant aux médicaments actuels. Les essais de phase I et II ont en effet prouvé son efficacité pour les malades en échappement, ainsi qu’une relativement bonne tolérance. Aujourd’hui environ 8 000 personnes attendent cette molécule. Pourtant, prétextant les essais en cours et les difficultés de fabrication, Roche refuse de la mettre à disposition. Face à cette situation inacceptable, Act Up-Paris a décidé d’agir.

Une trentaine de militants d’Act Up-Paris ont ainsi bloqué l’accès à l’usine Roche de Fontenay-sous-Bois le lundi 27 novembre 2000, obligeant la direction du laboratoire à renvoyer les 400 employés du site chez eux. Une délégation de militants a finalement rencontré le directeur général de l’usine, Philippe Mougin, lui exposant clairement nos revendications :
 l’accès au T20 en compassionnel pour les malades en impasse thérapeutique, dès le début de l’essai de phase III, en janvier 2001,
 une augmentation du nombre, pour l’instant limité à 70 personnes en France, de malades en impasse thérapeutique qui pourront bénéficier de l’accès en compassionnel,
 la mise à disposition par Roche de la quantité de produit nécessaire à l’ANRS pour inclure le T20 dans son essai Puzzle - essai qui s’adresse aux malades en impasse thérapeutique et concerne, pour chaque molécule, environ une quarantaine de personnes.

Le directeur s’étant engagé devant les journalistes présents sur le lieu de l’action à fournir des garanties et un calendrier précis, Act Up a accepté de débloquer l’usine. Deux jours plus tard, la réponse du laboratoire arrivait enfin : par l’intermédiaire de la direction française, les responsables de la maison mère de Roche en Suisse ont rejeté chacune de nos demandes.

Invoquant la complexité de fabrication du produit, Roche prétend ne pas disposer du stock nécessaire pour permettre une utilisation du T20 hors de l’essai de phase III. Ce stock existe pourtant. En toute impunité Roche ment aux malades du sida.

Depuis 1999, ce laboratoire est informé que des milliers de malades sont en attente de nouvelles molécules en France. Cet état de fait devait être pris en compte dans le plan de développement du T20, dont la disponibilité est aujourd’hui une question de vie ou de mort pour de nombreux malades. Mais Roche se soucie avant tout du développement marketing de son produit, et comme l’ensemble des grands laboratoires, répugne à mettre à disposition son nouveau produit auprès de personnes lourdement prétraitées : les personnes naïves de traitement garantissent de meilleurs résultats et une bien meilleure publicité. Le cynisme des laboratoires à l’égard d’un marché qu’ils savent captif reste caricatural : que représente le décès éventuel de 8 000 personnes quand chaque année en France, le marché des antirétroviraux augmente avec 6 000 nouvelles contaminations ?

L’attitude de Roche est criminelle. Act Up-Paris mettra tout en œuvre pour que ce laboratoire satisfasse enfin aux besoins des malades.