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Drogues : information ou flicage, la MILDT sait-elle encore où elle en est ?

septembre 2001

Cet été la MILDT, en partenariat avec le CFES (Comité Français pour l’Education à la Santé), diffusait une campagne d’information destinée à sensibiliser les « adultes » aux problèmes de drogues des « enfants ». Sous le prétexte d’un dialogue bienfaiteur, le slogan annonce aux premiers « il n’y a pas de meilleure influence que la vôtre ». Déclinée en quatre affiches, la campagne leur propose de déchiffrer les signes de consommation de psychotropes chez les « jeunes », avec mise en garde des parents inconscients vis-à-vis des « risques de l’usage de drogues ».

Avec cette campagne la MILDT opère une réorientation radicale. Le mot d’ordre « Savoir plus, risquer moins » ouvrait la transparence, en tablant notamment sur une meilleure réception des messages de prévention, dès lors que tous les effets des produits - y compris bénéfiques - seraient mentionnés. L’assimilation de la prévention à l’abstinence était, pour une fois, officiellement dépassée. Aujourd’hui, on revient en arrière. Le message marque cette fois la rupture : parents d’un côté, enfants de l’autre, entre lesquels la MILDT a choisi son camp. Au premier degré on questionne le comportement des parents sur le thème récurrent de leur démission. Mais au fond, ce pathos auquel nul ne croit (avec cette campagne, des parents jusqu’ici « je m’en foutistes » commenceraient à s’intéresser à la consommation de drogues de leurs enfants ?) ne fait qu’accréditer des attitudes hostiles envers les usagers de psychotropes.

Dramatisant la réalité (la défonce du samedi soir, la consommation « au moins dix fois par an » du cannabis, l’auto-production de chanvre, le jeu sur les effets par la polyconsommation...), le message s’adresse à un public ignorant et opposé aux drogues. Sur la base de statistiques et de visuels déclinant quelques résultats d’enquêtes, elle conforte les ignorances et les stigmatisations alliées dans la grande peur des drogues.

En attisant la suspicion, ce n’est pas le dialogue « toxicomane »/« non toxicomane » qui devient possible, mais la clandestinité des pratiques qui se renforce. La mise en scène des usagers dans le rôle de suspects les assigne à la position de « toxicomane délinquant ». Comme en écho aux campagnes américaines des années 80 qui incitaient les enfants à dénoncer leurs parents usagers de drogues, l’appel, moins franc, de cette campagne à la délation, n’en est pas moins dangereux pour les consommateurs de drogues.

Dans le même temps :
 on continue d’incarcérer des usagers : actuellement, près de 3000 personnes sont emprisonnées pour usage ou détention de produits illicites ;
 l’usage de seringues est toujours interdit en prison, quand bien même il est maintenant reconnu que des drogues y circulent ;
 la palette des produits de substitution reste réduite au minimum, elle n’a pas évolué depuis six ans ;
 les projets de salle de shoot et de distribution médicalisée d’héroïne sont toujours bloqués dans les ministères ;
 on attend encore les campagnes de prévention des risques de contamination virale par injection (VIH, VHC, VHB) et par sniff (les virus de l’hépatite B et C se transmettent pas la paille) que justifierait, notamment, la gravité des coinfections par deux ou plus de ces virus ;
 les structures d’accueil d’usagers de drogues battent pour la plupart de l’aile, laminées par le manque de crédits ou les retards de paiement.

L’abandon de tout effort en matière de réduction des risques est symptomatique de l’inertie des politiques de santé publique, depuis quatre ans. Tant que le gouvernement n’admettra pas que lutter contre l’usage de drogues contrarie les efforts de réduction des risques, la sécurité, la santé, la vie des usagers de drogues resteront tributaires des aléas de la répression.

Il est temps d’abroger la loi de 1970. Nous demandons :
 le retrait de cette campagne ;
 la diffusion de messages explicites au grand public pour la prévention des risques de contamination et de toxicité des produits en circulation ;
 la mise en œuvre d’une politique d’information exhaustive sur les produits, leurs usages et leurs effets, notamment par une éducation aux drogues au cours de la scolarité ;
 l’abolition de la prohibition pour tous les psychotropes.