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Edito

Vivantes et belles et plus que jamais combatives

avril 2008, par Marjolaine Dégremont, Rachel Easterman-Ulmann

Ce n’est pas une femme, mais deux, qu’Act Up-Paris a désignées à sa tête [1]. Nous sommes des anciennes d’Act Up, nous avons connu de nombreuses phases de l’épidémie. À nous deux, nous sommes séropo, salariée, allocataire AAH, lesbienne, hétéro, chaudasse, vraie jeune fille, libertaire, fières, en colère, artistes, activistes...

Issue de la communauté homosexuelle, Act Up-Paris a toujours défendu toutes les personnes touchées par le VIH, qu’elles soient gays, femmes, trans’, putes, usagerEs de drogues, étrangerEs, en prison. Cette élection est aussi le signe d’une volonté profonde de lutter pour une meilleure reconnaissance des spécificités féminines de l’infection à VIH, pour une meilleure prévention chez les hétérosexuelLEs. Aujourd’hui, en France, les femmes représentent 42 % des nouvelles contaminations. Les rapports hétérosexuels sont devenus le premier mode de contamination. Dans le monde, 48 % des séropositifs sont des séropositives.

Les voix des femmes séropositives se font enfin entendre, vingt cinq ans après le début de l’épidémie ; elles sont fortes et multiples et leurs revendications sont connues. Cette année nous allons tout mettre en oeuvre pour obtenir des résultats concrets, par exemple, dans le domaine de la recherche thérapeutique où les effets spécifiques du virus et des traitements sur les femmes sont encore niés, et aussi poursuivre le chemin entrepris pour une sexualité plus libre, dégagée de la domination masculine où les femmes accèdent à tous les outils de prévention.

La veille de notre élection, nous manifestions contre la précarité des malades au sein du collectif « Ni pauvre, ni soumis » ; une marche des handicapéEs, des parias, de ces hors-castes que nous sommes en train de devenir, et que nous sommes déjà pour beaucoup d’entre nous.

La claque électorale reçue par le parti au pouvoir n’empêche pas Nicolas Sarkozy de poursuivre une politique résolument hostile aux malades et aux handicapéEs. On nous dit qu’il n’y a plus d’argent dans les caisses de l’Etat pour augmenter réellement les minima sociaux, pour que la France finance l’accès universel aux traitements contre le sida comme elle s’y est engagée au dernier G8. Pourtant, Nicolas Sarkozy a bien réussi à se passer de 14 milliards d’euros par sa politique fiscale. 14 milliards d’euros que l’on ne prend pas aux plus riches, et qui ne peuvent donc pas servir aux plus vulnérables.

Cette politique tue : des logements sociaux inexistants et un droit au logement opposable difficile à utiliser ; des franchises médicales qui précarisent un peu plus les malades ; le déremboursement de plus en plus de médicaments et une remise en cause prochaine de l’ALD ; l’augmentation du prix des aliments de base alors que l’Allocation Adulte Handicapée (AAH) n’est revalorisée que de 5 %, sous la pression de la rue. Qui pourra dire qu’unE malade précaire peut vivre et se soigner correctement dans ces conditions ? Comment est-il possible de vivre avec comme seul revenu l’AAH, 628,10 E par mois, quand on est malade, que l’on a besoin d’un logement correct pour pouvoir penser à sa santé, par exemple être observantE sur les prises de traitements ?

Pendant combien de temps encore faudra-t-il répéter ces évidences et qu’enfin un pouvoir politique nous entende ? En tout cas, nous sommes prêtEs au combat. Nous sommes 2, nous sommes 8, nous sommes 100, nous sommes 200 000, nous sommes des millions. Nos corps sont des champs de bataille.


[1Dimanche 30 mars 2008, les militantEs d’Act Up-Paris réuniEs en Assemblée Générale ont élu un nouveau Conseil d’administration. Marjolaine Degremont et Rachel Easterman-Ulmann ont été élues Co-Présidentes, Sébastien Glandut Trésorier et Cécile Cadu, Clémence Garrot, Pauline Londeix, François Berdougo-Le Blanc et Frédéric Bladou Vice-PrésidentEs.