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Editorial - J’ai 20 ans : le PS passe, mon sida reste !

samedi 9 juillet 2016

Action 135

FièrEs d’être toujours là, fièrEs de tout le chemin parcouru, nous marchons aujourd’hui, séropo comme séroneg, côte à côte. Nous avons su être nous-même et sommes allés au-devant de ceux qui ne voulaient pas de notre existence. C’est d’ailleurs avec plaisir que nous constatons le tournage de scènes d’un film sur Act Up-Paris à l’intérieur même de cette marche.

FièrEs d’être en colère, c’est au sein d’un cortège radical qu’Act Up-Paris marche aujourd’hui. Un cortège radical pour lier toutes nos colères les unes aux autres et les rendre plus fortes. Elles n’ont pas faibli, elles sont toujours bien présentes suite aux trahisons du gouvernement. Il s’agit notamment d’exiger la PMA pour touTEs, l’établissement de la filiation par simple déclaration devant un officier d’état civil, en dehors du mariage ; le changement d’état civil libre et gratuit, sur simple déclaration de la personne, devant un officier d’état civil en mairie, sans aucune condition médicale ni homologation par un juge ; des moyens pour des politiques de santé publique, notamment de prévention en matière de santé sexuelle et pour améliorer la prise en charge des séropositif.ve.s, et pour des politiques de lutte contre les LGBTIphobies ; le respect du droit d’asile et des papiers pour les migrant.e.s victimes de persécutions et/ou malades.

Nous appelons à la solidarité dans cette communauté. Nous appelons à l’écoute et à l’entraide dans cette communauté, qui voit ses liens se distendre. Pédés, gouines, trans, biEs, séropos, séronegs, travailleurs/euses du sexe, migrants, raciséEs, nous ne pouvons que apprendre les uns des autres. Nous dépasserons les meurtres commis contre nous il y a longtemps ou il y a peu qu’en étant rassembléEs. Une communauté se mesure à ses solidarités !

Étant au plus près de l’épidémie, Act Up-Paris voit avec regret encore et toujours des manques de solidarités ayant trait au VIH. La sérophobie est toujours bien présente, que cela soit dans nos vies familiales, intimes, professionnelles ou dans l’administratif et le juridique.

Aussi il est regrettable que deux séropos couchent ensemble sans oser se dire leur statut sérologique, par peur du rejet et parce que la norme c’est d’être séroneg bien portant. Cela arrive plus souvent qu’on le pense. Ils pourraient partager leurs expériences, s’aider à se relever, à se retrouver ou à conforter leur équilibre personnel.

Il ne faut pas s’étonner d’un manque de solidarité lorsqu’on se cache derrière des écrans, des applications, pour montrer ce qu’on n’est pas, pour ne surtout pas connaitre l’autre.

Le VIH est bien présent dans notre communauté, le nier c’est lui laisser le champ libre. Il faut le dire à nos jeunes, ilLEs ne s’en rendent pas compte et c’est logique, ilLEs sont trop occupés à vouloir vivre. On doit leur raconter notre histoire, leur parler de nos morts qui nous manquent, leur montrer la nécessité de se protéger.

À ces jeunes séropos qui disent que tout va bien pour eux, qu’ils n’ont aucun problème et qui s’indignent quand on utilise les mots malades, tristesse et précarité, on se réjouit pour eux, et on leur parle de nos amis qui nous répètent :

« Moi je voulais vivre, j’ai perdu les limites, j’ai contracté le virus et aujourd’hui je ne m’en remets pas, la tristesse m’envahit... »

« Moi je viens de loin, je dois faire le trottoir, je suis seul et je fais comme je peux pour faire suivre mon VIH »

« Moi j’ai connu la grande épidémie, mes amis et amants sont tous morts depuis longtemps, je ne sais pas pourquoi moi j’ai survécu et pas eux »

« Moi je n’ai pas pu travailler étant trop malade il fut un temps, je ne sais pas quelle retraite j’aurai »

« Moi mes parents voulaient me détruire à coup d’insultes et de dépréciations constantes parce que trop faibles pour accepter mon homosexualité. J’ai alors perdu mes repères, je me suis contaminé. J’ai 20 ans, le PS passe, mon sida reste. »