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Prisons : le fric, l’air, la vie

juin 2000

Aujourd’hui, la France compte quelque 60.000 personnes incarcérées — soit 50 % de plus qu’en 1983. La hausse de la population carcérale ne correspond que trop bien à une tendance générale en Europe : la criminalisation de la pauvreté, politique qui conduit de fait à une paupérisation croissante des milieux pénitentiaires. Cette dernière frappe les détenus, qui sont confrontés à des conditions de survie alarmantes (manque d’hygiène, nourriture mal équilibrée, bâtiments crasseux et délabrés).

Une telle misère n’est pas sans incidence sur la politique de soins menée dans les prisons. Indéniablement, des progrès ont été réalisés : depuis 1994, les structures de soin des milieux pénitentiaires sont ainsi rattachées aux hôpitaux de proximité, permettant ainsi théoriquement un accès au soin équivalent à celui de l’extérieur. Cette réforme était indispensable — mais elle ne suffit pas : concrètement, les conditions d’accès aux soins en prison restent précaires. Les traitements antirétroviraux nécessitent un suivi médical rapproché, une posologie stricte et un environnement stable. Ils exigent trois conditions difficiles, sinon impossibles, à respecter dans les conditions carcérales actuelles. Comment, en effet, réussir à concilier les horaires de prise de ces traitements avec ceux, rigides, des repas ? Comment garder secrète sa séropositivité quand on partage ses 12 m2 avec trois co-détenus, et que les médicaments sont délivrés en cellule ?

Le manque de moyens et la surpopulation carcérale influent donc directement sur l’observance des détenus séropos. A ces difficultés propres aux structures de la détention vont s’ajouter les obstacles que le travail en prison impose : les séropos sont en effet contraints de taire leur maladie et de cacher leurs traitements s’ils veulent obtenir un emploi. Cet emploi, peu formateur (ah, les joies du pliage de cintres...), est sous-rémunéré (le SMIC n’est pas appliqué en détention) et précaire (pas d’assurance maladie, ni d’assurance chômage) mais il constitue pour la plupart l’unique source de revenus : le RMI disparaît 60 jours après l’incarcération, l’Allocation adulte handicapé (AAH) tombe à 12% de son montant extérieur, soit légèrement plus de 450 francs par mois.

Les vitamines ne sont pas gratuites, pas plus que les compléments nutritionnels, les produits frais ou le matériel d’entretien et d’hygiène. Tous ces achats indispensables au maintien en bonne santé ont un coût, que les séropos incarcérés ne peuvent pas assumer. Les pouvoirs publics doivent donc d’urgence étendre le système de minima sociaux au milieu carcéral, et revaloriser l’AAH. Il est plus que temps de rompre avec ce mythe du détenu nourri/logé/blanchi.

Le seul recours pour les personnes malades qui voient leur état de santé se détériorer est de demander une grâce médicale. Or, son obtention passe par un système long, complexe, et n’aboutit presque jamais. Voici maintenant 4 ans que des mesures de réformes de ce système a été demandé.

 La commission Prisons d’Act Up-Paris a été créée en 1991 afin de faire entendre la voix des personnes incarcérées séropositives et malades auprès des institutions concernées.

Au sein de la commission plusieurs militants d’Act Up correspondent avec les détenus qui nous sollicitent. Nous rencontrons les médecins responsables des unités de soin en milieu carcéral de la région parisienne, voire au delà (Châteauroux et Orléans). Nous travaillons en étroite collaboration avec l’Observatoire International des Prisons, ainsi qu’avec d’autres associations impliquées dans les milieux pénitentiaires (AC !, Aides, Génépi, Syndicat de la Magistrature, etc.). Outre le soutien que nous apportons aux détenus dans leurs démarches administratives et afin de faire respecter leurs droits, les cas particuliers que nous suivons nous permettent d’identifier les blocages et les difficultés concrètes que les personnes incarcérées rencontrent dans les conditions actuelles de détention. C’est surtout vers les pouvoirs publics (Administration Pénitentiaire, Direction Générale de la Santé, IGAS) et les parlementaires qu’Act Up-Paris se tourne pour exiger l’amélioration des conditions de vie des détenus et le développement d’alternatives à l’incarcération pour les personnes atteintes de pathologie grave.