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Edito

jeudi 1er septembre 2005, par Jérôme Martin

Rions un peu avec la droite. Le 17 juin dernier, paraissait dans Valeurs actuelles une tribune intitulée « Act Up, une provocation de trop », signée par une quinzaine de députéEs de droite, rejointEs un mois plus tard par une centaine d’autres. Selon ces parlementaires, nous recevons des financements publics pour la lutte contre le sida ; le mariage de deux femmes organisé le 5 juin n’aurait rien à voir avec cet objectif. Conclusion sous-jacente : il faut nous couper les vivres.

Le 10 juin, Marine Le Pen s’était déjà couverte de ridicule en demandant au Conseil régional d’Ile-de-France, qui ne nous a jamais versé le moindre centime, de ne plus nous subventionner. Nos parlementaires, eux, ignorent que nous devons justifier l’utilisation des financements publics par un compte d’emploi, étudié par les administrations. L’argent qui n’a pas été utilisé comme prévu doit évidemment être rendu. Claude Goasguen, président du groupe UMP au Conseil de Paris, qui est à l’initiative de la tribune, réclame par voie de communiqués et de questions au gouvernement des contrôles qui existent déjà ! Dire que ces gens, qui affichent si crânement leur incompétence en matière de financements publics, décident des budgets au niveau national !

Le 24 février 2003, le groupe UMP du Conseil de Paris avait voté une subvention municipale à Act Up. Une élue de droite avait même publiquement plaidé pour que nous obtenions plus que ce que la Mairie nous accordait. A en croire le compte-rendu de séance, son discours avait été « applaudi sur les bancs des groupes UMP et UDF ». Claude Goasguen, présent ce jour-là, a-t-il averti les co-signataires de la tribune du rôle que l’UMP a joué dans ce financement ?

Selon ces parlementaires, nous aurions empêché des personnes « de pratiquer librement la foi qu’elles ont choisie », nous ne tolérerions pas que « d’autres aient une croyance ». Autant d’accusations mensongères qui visent à invalider notre revendication, l’égalité des droits, et à poser la religion catholique en pseudo-victime du méchant-lobby-gay. Ces députéEs ne font que relayer le ressentiment des catholiques intégristes. Tout à leur haine de ce que nous sommes, ils, elles, ne peuvent supporter cette irruption joyeuse, pacifique, solennelle mais déterminée - c’était un mariage ! - de gouines , pédés et trans dans un lieu où l’on nous déteste tant. Rien que pour cela, ce zap est une magnifique réussite.

Militer pour l’égalité des droits, ce serait, comme ils, elles, disent, « élever un comportement intime en revendication sociale ». Ces éluEs soi-disant républicainEs s’opposent à un principe républicain : l’égalité. Ils et elles passent volontairement sous silence combien l’homophobie fait le jeu du sida : elle nourrit la censure et l’autocensure qui excluent les minorités concernées des campagnes de prévention ; elle produit des effets dramatiques dès lors que la maladie et la mort surgissent dans un couple, difficultés que le PaCS est loin d’avoir entièrement résolues.

Dans cette tribune, on nous parle de « liberté individuelle » ou d’« élémentaire respect des principes humanistes ». Parmi ceux et celles qui, sans rire, nous donnent de telles leçons, on trouve : Jacques Myard, qui a comparé les homosexuelLEs à des zoophiles ; Dominique Dord, qui proposait que le PaCS soit signé par des services vétérinaires ; Christine Boutin, qui... non, ce serait trop long ; Claude Goasguen, ennemi de l’avortement, de la pilule du lendemain ou du PaCS (avec une obsession très « républicaine » pour les supposés PaCS blancs entre couples bi-nationaux). Bref, ce sont des homophobes, des sexistes, et pour certainEs d’entre eux et elles, des xénophobes, qui prétendent nous donner des leçons d’humanisme. AucunE signataire de cette tribune n’a le moindre scrupule à voir son nom à côté de celui de Christian Vanneste, « l’élu de la Nation », qui plagie Hitler pour parler des homosexuelLEs. Qui souhaite accorder le moindre crédit à leurs « principes humanistes » ?

Enfin, cerise sur le gâteau, nos parlementaires en appellent à la Littérature : rendez-vous compte, Act Up a souillé la cathédrale qui a inspiré François Villon, Victor Hugo et Paul Claudel. On se dépêchera donc de lire les Ballades en jargon homosexuel de Villon, sans doute inspirées par ce saint lieu pour se plonger ensuite dans Notre-Dame-de-Paris, où l’on apprendra qu’un prêtre peut être concupiscent et porter de faux témoignages. Un homme d’église, avoir une libido, mentir, accuser des personnes innocentes ? Non, ce n’est pas possible ! Et pourtant, si, selon Victor Hugo. Et c’est Claude Goasguen qui nous en conseille la lecture.

Puisqu’on parle de respect de lieu de culte... Il y a neuf ans, la droite ouvrait à coups de hache les portes de l’église Saint-Bernard pour y déloger violemment les sans-papièrEs qui l’occupaient. Ce sont les mêmes qui nous font aujourd’hui la leçon ; qui organisent des rafles et l’expulsion commune avec des pays européens de sans-papièrEs en charters « groupés » ; qui restreignent depuis plus de deux ans l’Aide médicale de l’état (AME), seul dispositif d’accès aux soins pour les sans-papièrEs.

Sur ce sujet, Nicolas Sarkozy s’est encore illustré par son incompétence. Le 30 juin, il a déclaré au Figaro : « Aujourd’hui, un étranger en situation irrégulière a plus de droits aux soins gratuits qu’un smicard qui paie ses cotisations ». Il ne sait pas que les sans-papièrEs paient taxes et impôt, à commencer par la TVA. Il oppose une catégorie fondée sur une situation administrative à une autre fondée sur un niveau de ressources. Ceux et celles qui usent d’une analyse rigoureuse savent bien que les étrangèrEs en situation irrégulière ont un niveau de ressources le plus souvent inférieur au SMIC, et même au seuil de la Couverture médicale universelle (CMU) complémentaire. Mais le ministre de l’Intérieur ne sait pas compter. Selon sa propre communication, entre 200 000 et 400 000 sans-papièrEs vivraient en France, alors qu’on comptait, à la fin du premier semestre 2005, 148 000 bénéficiaires de l’AME. Cela donne une idée du nombre de personnes privées de soins. Le droit à la santé est inscrit dans la Constitution que le ministre de l’Intérieur est censé connaître.
Nicolas Sarkozy a fait un bref passage à Bercy, où il aurait pu améliorer concrètement la situation matérielle des smicardEs. Cela aurait été plus efficace que de les mettre en concurrence avec une population particulièrement défavorisée pour la pointer comme bouc-émissaire.

Restrictions de l’AME et de l’accès à un titre de séjour, remise en cause du droit d’asile, arbitraire administratif en hausse constante. Les politiques de stigmatisation ont un impact sur la santé et la vie des personnes : malades refouléEs aux portes des hôpitaux sans y avoir reçu les soins nécessaires, associations de terrain débordées par une population croissante de précaires excluEs des soins, retard au dépistage, foyers de tuberculose chez les sans-papièrEs, etc. Dans le cadre du collectif interassociatif « SIDA Grande Cause Nationale », Ikambere et Act Up-Paris coordonnent, pour le mois de septembre, avec d’autres associations communautaires, des actions de visibilité et de revendications sur les questions liées au sida chez les migrantEs. L’occasion d’exiger la régularisation de touTEs les sans-papièrEs et l’ouverture de la CMU à touTEs les étrangèrEs en situation irrégulière. Avec l’espoir que nous soyons un peu plus nombreuxSES à mesurer la catastrophe sanitaire et humaine vers laquelle cette majorité, illégitime, xénophobe et incompétente, nous entraîne ; et que nous soyons par là même plus nombreuxSES à y opposer notre expertise, nos forces et notre détermination.