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Protocoles 67-68 - interview

Justin & OPTIPRIM

samedi 1er octobre 2011

Justin [1] est militant à Act Up-Paris, séropositif depuis 2010.
Il participe à l’essai Optiprim qui évalue chez les personnes en primo-infection une stratégie “frapper tôt, frapper fort”. 

A l’initiative du TRT-5, un relais spécifique a été mis en place pour répondre aux questions que vous vous posez sur cet essai. Vous pouvez contacter la ligne d’écoute de Sida Info Service, accessible tous les jours de 8h à 23h au : 0800 840 800

Quels sont les objectifs de cet essai ?

L’objectif est de réduire la charge virale au maximum, et le plus rapidement possible. L’essai comporte deux bras : l’un en pentathérapie, l’autre en trithérapie. Je suis dans la branche trithérapie. Mon traitement, c’est prezista® norvir® (darunavir/ritonavir) truvada® (emtricitabine / ténofovir).

Quelles ont été les conditions de ton entrée dans l’essai ?

J’ai demandé à mon médecin traitant à faire un test de dépistage. J’en faisais régulièrement parce qu’il m’est arrivé de prendre des risques. Quand il a reçu le résultat, il me l’a annoncé puis il l’a transmis à l’hôpital Tenon à Paris qui est proche de chez moi. Il m’a dit d’y aller, au service des maladies infectieuses. Là, un médecin m’a reçu et m’a expliqué en quoi consistait l’essai et m’a proposé d’y participer.

Combien de temps y a-t-il eu entre le rendez-vous avec ton médecin traitant et le moment où l’on t’a proposé de participer à l’essai ?

3 jours, je crois ; une semaine au maximum.

Comment s’est passé ce premier rendez-vous à l’hôpital ?

Quand j’ai appris ma séropositivité, j’ai eu un moment où j’étais un peu sous le choc. Mon médecin, lors de l’annonce, m’a rassuré sur les traitements et m’a conseillé de mettre mon copain au courant, ce que j’ai fait, à peine sorti de son cabinet. A l’hôpital, j’ai été examiné et le médecin chef m’a fait part du protocole de recherche. Je me suis dit que quitte à prendre un traitement, autant que ce soit dans le cadre d’un protocole de recherche et que cela puisse servir. Quand on m’a proposé l’essai, j’ai accepté tout de suite et j’ai signé.

T’a-t-on proposé une autre possibilité de traitement que ceux du protocole ?

On m’a dit que de toute manière, je serais sous traitement, donc que si je voulais, je pouvais participer au protocole.

As-tu eu l’impression que tu avais eu suffisamment d’explications et de temps lors de ce rendez-vous ?

J’ai des connaissances en biologie. On a pris un moment pour qu’il me remette en tête les bases. On m’a expliqué le protocole en me disant qu’il y avait deux bras : trithérapie et pentathérapie. C’est un tirage au sort qui détermine dans quel bras on se retrouve. En tout, le rendez-vous a duré une demi-journée, parce qu’il y a eu aussi des examens, des prélèvements.

Le résultat du tirage au sort trithérapie ou pentathérapie, tu l’as su quand ?

Lors du premier rendez-vous avec le médecin qui me suit désormais et qui s’occupe du protocole : environ une semaine après.

C’était une éventualité de commencer par une pentathérapie  : tu n’avais pas d’appréhension à l’idée de commencer par un traitement qui peut sembler très lourd, avec 5 molécules ?

Non, ça ne m’a pas vraiment soucié  ; ce que je voulais c’était commencer un traitement. Je n’avais pas spécialement de connaissance des traitements. Pendant les premiers mois de ma participation au protocole, je ne voulais pas en savoir plus, pas me renseigner. Je ne me posais pas de questions, je ne voulais pas.

Qu’est-ce qui te questionnait le plus alors, quand on t’a présenté l’essai, si ce n’était pas le traitement ?

C’était l’objectif de l’essai et comment ça allait s’organiser : quelle régularité de mes visites à l’hôpital ? Quels examens ? Quel médecin allait me suivre ? Je me suis concentré sur l’aspect scientifique et pratique pour ne pas à avoir à penser à autre chose. C’était une façon de repousser l’angoisse de tout ce que peut vouloir dire être séropo : le protocole de l’essai me donnait un cadre et ça avait quelque chose de rassurant. Je repoussais l’implication personnelle et pensais aux résultats que pourrait donner cet essai dans le cadre de la recherche, à l’intérêt collectif de l’essai plus qu’individuel. Avant cet essai, je ne savais pas en quoi consistait un essai clinique.

C’était aussi une façon de repousser un face à face avec ta séropositivité ?

Oui, je voulais me concentrer sur l’axe recherche et participation à la recherche - et mettre de côté le fait d’être séropo.

Pendant l’entretien avec le médecin où l’on t’a proposé l’essai, avez-vous pris un moment pour parler de l’annonce de ta séropositivité qu’on t’avait faite quelques jours auparavant ?

On en a parlé. Le médecin m’a rassuré. Il m’a dit que désormais il y avait des traitements qui marchaient très bien, que les personnes séropositives avaient une espérance de vie d’environ six mois inférieure à celle des personnes séronégatives. Il m’a ensuite dit que c’était une maladie que l’on pouvait désormais considérer comme assez proche d’une maladie comme le diabète en un sens. Maintenant je me dis que comparer vih et diabète, c’est pas un discours qui prend en compte la prévention… Le médecin voulait avant tout calmer mes peurs.

T’a-t-il proposé d’autres interlocuteurs que lui pour parler de l’annonce de ta séropositivité ?

Au niveau de l’hôpital on m’a proposé une assistance psychologique. J’ai des a priori sur les psychanalystes et je ne voulais pas que l’on me propose cela à ce moment-là, un moment de faiblesse, et je lui ai dit. Après trois mois de traitement, j’ai rencontré la psychiatre de l’hôpital qui me suit car j’avais des soucis du point de vue sexuel (pas ou plus trop d’envie et tout cela lié à mon infection VIH). Le fait qu’elle soit psychiatre me rassurait parce que ça voulait dire une approche scientifique et clinique  ; je ne voulais pas d’unE psychanalyste. L’entretien a duré 20 minutes mais ça m’a fichu une claque de la voir, elle m’a réveillé et ça m’a fait du bien. Elle m’a fait comprendre que je m’étais complètement fermé sur des connaissances sur le vih, elle m’a conseillé de me documenter, au CRIPS ou à Act Up, en consultant les guides par exemple.

Quelle est la fréquence de tes visites à l’hôpital ? Comment se passent les rendez-vous ?

Ca fait environ un an que je suis dans l’essai. Au début, les visites étaient tous les mois (pendant 3 mois), puis cela est passé à un rythme de tous les trois mois. Les premiers mois, je remplissais un questionnaire qui permettait d’exprimer mon ressenti de ma participation à l’essai. Je n’ai pas eu l’impression d’avoir eu beaucoup d’effets secondaires mais je me sens fatigué.
Les rendez-vous sont sur un même modèle  : discussion avec le médecin, analyse de mes résultats, et parfois un questionnaire à remplir. Je fais les prélèvements une semaine avant le rendez-vous. Ça me prend une heure environ.

Qu’est-ce qui te paraît le plus contraignant dans l’essai ?

Les premiers mois ont été un choc. Les prélèvements, c’est pas un tube, c’est vraiment conséquent : 6, 9, 12 tubes de sang prélevés. Je m’y suis habitué, mais au début ça fait un peu peur.
On m’a aussi proposé une sous-étude de l’essai qui m’a vraiment paru contraignante  : analyse de concentration de virus dans le sperme. Cette étude-là, je l’ai refusée.
Pour ce qui est de mes relations avec le personnel soignant, le médecin, je suis bien encadré et ça se passe bien.

Et concernant ta mise sous traitement  ?

Ce que j’avais complètement oublié pendant un temps, c’est que l’objectif de l’essai, après avoir pris un traitement fort et tôt, au bout de trois ans, tu n’as plus besoin de prendre de traitement.

Le médecin te l’a expliqué ?

Je ne m’en souviens pas. Je m’en suis rendu compte il y a 6 mois en parlant avec une infirmière qui m’a dit au moment d’un prélèvement : « vous en avez pour 3 ans [2], après c’est fini, c’est ça qui est bien avec Optiprim ». C’est là que j’ai réalisé la durée de l’essai et mise sous traitement. J’avais oublié. Pour moi l’objectif était de passer à la mise sous traitement, à cette étape, ça a été très vite et j’ai oublié pour un temps certains aspects de l’essai.

Revenons au traitement, au quotidien comment ça se passe ?

Il y a eu, à un moment, un changement dans mes cachets, quand je suis passé de l’ancienne formule de Norvir® à la formule sèche. C’est plus pratique évidemment à conserver. Il y a une prise par jour. Ce qui est vraiment difficile au début c’est la taille des cachets, j’ai eu du mal à m’y habituer.

Annonce de ta séropositivité, protocole d’essai proposé et signé au premier rendez-vous à l’hôpital quelques jours après…
Aurais-tu aimé avoir plus de temps pour réfléchir à ta participation à l’essai ?

Je voulais passer à l’étape traitement, je n’ai pas forcément été attentif à tout ce que l’on m’a dit lors du premier rendez-vous car encore un peu sous le choc de l’annonce de ma séropositivité. Ce que je savais c’est que je voulais participer à la recherche.
Pendant 3 mois, j’ai fait un blocage et je ne voulais pas en savoir plus. Etant à Act Up, j’apprends petit à petit sur les traitements en réunions et au rythme dont j’ai besoin.

l’essai OPTIPRIM

l’essai Optiprim évalue chez des patients en primo-infection l’impact sur les réservoirs [3] de 2 ans d’un traitement antirétroviral optimisé (pentathérapie) versus une trithérapie classique.
En tout la durée de participation est de 30 mois. Au bout de 2 ans, le traitement est arrêté pour les malades en succès (charge virale inférieure à 50 copies/mL et plus de 500 CD4/mm3). S’ensuit une phase d’observation de 6 mois, au cours de laquelle le traitement devra être repris si la charge virale remonte à plus de 50 copies/mL et/ou les CD4 retombent à moins de 500/mm3. Après, les critères de reprise restent les mêmes (recommandations du rapport Yéni).


[1prénom d’emprunt. Voir aussi le portrait de Justin "envie d’en être ?" dans Action 129

[2en fait cet essai dure 30 mois : 2 ans de traitement et 6 mois d’observation de l’arrêt de traitement, ndlr

[3cellules (dites "réservoirs” ou “sanctuaires”) dans lesquelles le virus reste à l’état latent et où les traitements actuels n’arrivent pas à l’éliminer