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Dossier Oh my gut !

Tube digestif et système immunitaire

janvier 2010

Les microbes digestifs, en particulier les bactéries, participent à la défense immunitaire de l’organisme. Mais quelles sont les spécificités du tube digestif en rapport avec l’immunité ? Cette partie du dossier décrit les cellules immunitaires qui y résident et comment la flore intestinale influe sur leurs spécificités.

On commence à mieux comprendre l’influence des micro-organismes de la flore intestinale, et de certaines espèces de bactéries, sur le développement et l’équilibre de notre système immunitaire au niveau intestinal. Il existe deux grands types de défense immunitaire : innée et adaptative. C’est le système immunitaire dit inné qui est initialement activé par les bactéries de la flore intestinale.

Reconnaissance immune innée intestinale

Le système immunitaire inné est rapide (il réagit en quelques heures) et repose sur la reconnaissance de structures générales présentes à la surface des microbes par des récepteurs cellulaires spécialisés [1]. Il existe aussi un système inné qui permet de reconnaître des composants microbiens qui ont réussi à pénétrer dans notre organisme [2]. Ces reconnaissances entraînent la production, par la cellule porteuse de ces récepteurs, de diverses molécules à visée pro-inflammatoire. Les cellules capables de conduire l’immunité innée sont celles de l’épithélium intestinal, mais aussi des cellules dendritiques et des macrophages présents localement [3]. Les récepteurs participant à l’immunité innée permettent une défense rapide contre les microbes présents dans le tube digestif. Pourtant, à terme, le contact permanent avec la flore influence les cellules assurant l’immunité innée et les rend plus tolérantes, en partie par une expression réduite de ces récepteurs. L’inflammation normalement attendue sera donc réduite pour atteindre un équilibre avec la flore intestinale.

Parce que la reconnaissance des structures générales microbiennes est non spécifique, le système immunitaire inné est plus ‘grossier’ que le système adaptatif qui repose sur une reconnaissance fine d’antigènes très spécifiques de chaque corps étranger. La réponse immune dite adaptative se met en place plus lentement et est orchestrée par tout un ensemble de cellules immunitaires spécialisées - ces mécanismes ne sont pas spécifiques du tube digestif, mais la sollicitation permanente de ces cellules par les microbes conduit à un équilibre entraînant la tolérance des microbes au sein du tube digestif, tout particulièrement dans l’intestin, siège du plus grand nombre de microbes. Pour cela, un véritable tissu spécialisé s’y est développé.

Reconnaissance immune adaptative intestinale

Le tube digestif constitue une surface d’entrée importante pour des corps étrangers. Il est donc important qu’un système de défense efficace soit mis en place. Plusieurs types de cellules immunes y sont ainsi retrouvés, soit isolées, soit au sein de structures spécialisées. Le tissu intestinal est bordé d’un épithélium, c’est-à-dire une couche de cellules dites épithéliales. On l’appelle encore muqueuse, une structure que l’on retrouve dans d’autres organes, dans les poumons ou les organes génitaux. Au-delà de cette couche épithéliale, le tissu est constitué d’une partie sous-muqueuse, appelée savamment la ‘lamina propria’. Celle-ci assure le soutien de l’épithélium et contient du matériel fibreux, principalement des collagènes, et divers types cellulaires.

Les lymphocytes sont présents à l’état isolé au niveau de l’épithélium et dans la lamina propria, mais ils sont aussi regroupés dans la sous-muqueuse dans des structures spécialisées appelées les plaques de Peyer. Ce sont des tissus lymphoïdes [4] organisés, au même titre que les ganglions lymphatiques ou les follicules lymphoïdes de la rate. Les tissus lymphoïdes qui assurent la formation et la maturation des lymphocytes sont le thymus et la moelle osseuse, appelés organes lymphoïdes centraux. Les organes lymphoïdes dits périphériques sont les ganglions, la rate et les structures spécialisées du type de celles rencontrées dans l’intestin (plaques de Peyer). Dans d’autres muqueuses, comme dans les poumons, des structures similaires existent.

A chaque site de l’intestin - épithélium, lamina propria et plaque de Peyer - les types et fonctions des lymphocytes diffèrent. Dans l’épithélium, il s’agit majoritairement de lymphocytes T CD8 [5] et ils semblent exprimer un répertoire de reconnaissance d’antigènes étrangers relativement limité. Dans la lamina propria et à l’état isolé, il s’agit de populations mélangées : des lymphocytes T CD4 et des lymphocytes B. Les plaques de Peyer contiennent un cœur de lymphocytes B et un petit nombre de lymphocytes T CD4.

L’intestin est donc riche en lymphocytes T CD4 qui sont des cibles privilégiées du VIH. Ces lymphocytes T CD4 disparaissent du tube digestif très rapidement après la contamination par le VIH. Vu leur rôle crucial dans l’équilibre entre nos tissus intestinaux et la flore microbienne, ainsi que dans la lutte contre les agents étrangers à notre corps, cette perte n’est pas anodine.

A retenir

Les deux types d’immunité, innée et adaptative, participent à la reconnaissance des microbes intestinaux. Loin de les éliminer, elles contribuent à la mise en place d’un équilibre avec ces microbes, ceux-ci rendant les cellules immunitaires intestinales plus tolérantes. L’intestin est riche en lymphocytes, en particulier ceux du type T exprimant le marqueur CD4, le récepteur principal du VIH.


[1Il s’agit ici des récepteurs appelés TLR (pour toll-like receptors en anglais).

[2Il s’agit là des récepteurs baptisés NOD (nucleotide oligomerization domain).

[3Il s’agit de deux types de cellules dérivées des monocytes sanguins : les cellules dendritiques sont impliquées dans la présentation aux lymphocytes de fragments de corps étrangers à l’organisme - des antigènes - et les macrophages ont la capacité d’absorber et de digérer ces corps étrangers.

[4Le terme de tissu lymphoïde renvoie aux organes de notre corps contenant les lymphocytes et les autres cellules de l’immunité.

[5Type de lymphocyte ayant pour fonction d’éliminer les cellules ‘malades’ - infectées, tumorales, etc.