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Réforme du système de remboursement : perspectives.

mercredi 1er décembre 2004

Nous, les malades du sida, sommes fréquemment confrontéEs à l’arrivée de marqueurs sanguins nouveaux qui déterminent plus finement l’évolution de notre pathologie et ses complications.

Il est donc important que ces tests soient rapidement inscrits à la Nomenclature des actes de biologie médicale pour être régulièrement prescrits et remboursés par l’Assurance maladie. Par exemple, depuis plusieurs mois, Act Up négocie l’obtention du remboursement des dosages plasmatiques, des examens d’ostéo-densitométrie, du New Fill, des tests de résistance génotypique, etc.
La décision du remboursement des médicaments et des actes médicaux nous concerne donc prioritairement, car elle engage notre santé.
Jusqu’à aujourd’hui, nous avions toutes les raisons de dénoncer la lenteur, la complexité et l’opacité des décisions de l’administration, ainsi que l’absence de représentation des usagerEs dans les instances qui décident du remboursement.
Mais à compter de 2005, l’application de la réforme du système de soins voulue par le gouvernement Raffarin va accentuer encore l’arbitraire. Comme si la Loi sur le droit des malades n’avait jamais existé. Comme si vingt ans d’épidémie n’avaient servi à rien.

Détails d’une politique à la fois ultra-libérale et conservatrice.

Depuis sa création en 1945, jamais l’Assurance maladie n’avait opéré un virage si peu en accord avec les aspirations des citoyenNEs. Pour légitimer les décisions gouvernementales, deux organismes vont être créés.

 D’abord, la verroterie clinquante : la Haute autorité de santé, pour faire strass. Des compétences et des missions très larges vont lui être conférées, dont seulement 8 hauts personnages de l’Etat seront dépositaires. Mais ne pas s’y tromper : cette « machine à dérembourser » aux compétences éléphantesques touchant tous les domaines d’activité de la santé ne livrera en réalité que des propositions. Les règles et les décisions relatives à l’inscription au remboursement par l’Assurance maladie seront prises par le Ministre, et lui seul, la Haute autorité servant à légitimer par ses avis les décisions les plus arbitraires. On aurait espéré une certaine indépendance : il faudra là aussi déchanter. Sur les 8 hautEs membres, 2 seront nomméEs par le Président de la République, 2 par celui du Sénat, 2 par celui de l’Assemblée nationale, 2 par le Conseil économique et social. La Haute autorité de santé ressemblera à un club VIP très select qui servira de paravent aux décisions du gouvernement.

 Ensuite, le miroir aux alouettes : l’Union nationale des caisses d’assurance maladie (UNCAM). Elle constitue l’autre nouvelle structure créée par Philippe Douste-Blazy. C’est en quelque sorte le symétrique exécutif de la Haute autorité. Elle réunira les Caisses nationales des trois principaux régimes d’Assurance maladie (celui des salariéEs, des agriculteurRICEs, des artisanEs et des commerçantEs). Le/la directeur RICE généralE sera nomméE par le gouvernement. Ses pouvoirs seront limités puisqu’elle fixera les taux de remboursement selon les conditions et les limites que lui auront dictées le Ministère de la santé et le gouvernement. Elle aura un rôle consultatif, non décisionnel : elle pourra proposer au gouvernement d’inscrire les actes médicaux et les prestations à la « Nomenclature », pour une prise en charge par l’Assurance maladie. Mais les décisions d’inscription à la Nomenclature continueront de relever de l’Etat.

De cette façon, les agences affectées au travail d’évaluation vont voir leur indépendance réduite au lieu d’être renforcée. L’Agence française pour la sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSaPS), l’Agence nationale d’accréditation et d’évaluation en santé (ANAES), le Comité de la transparence, le Fonds de promotion de l’information médical et médico-économique (FOPIM) [1] rendront des avis qui pourront être contredits au gré du lobby de l’industrie pharmaceutique et des contraintes budgétaires de l’Etat.

Au total, le gouvernement Raffarin a donc fait voter une réforme-écran de fumée pour faire croire à l’indépendance des Caisses maladie dans la fixation des taux de remboursements, mais en réalité, le dernier mot en reviendra toujours à l’Etat.

Les associations d’usagèrEs et les malades laisséEs pour compte.

Cette réforme aurait dû être l’occasion d’une réflexion approfondie sur la participation des usagèrEs dans les prises de décision qui concernent les domaines les plus importants de notre vie citoyenne. Le niveau local, c’est-à-dire là où le débat sur l’organisation concrète des politiques de santé a tout son sens, aurait pu trouver enfin l’importance que nous souhaitons lui accorder. Il n’en est rien. Tout cet édifice est envisagé au niveau national. Le niveau local demeure absent, tout comme la place des associations de malades. Aucune instance n’est prévue pour nous représenter.

Toute politique du médicament qui s’engagera se fera donc sans l’avis des usagerEs. Dans la perspective de démocratisation qui s’était esquissée avec la Loi sur le droit des malades, c’est un très grand recul, une formidable régression.

En revanche, une place importante a été accordée aux assurances privées : elles pourront désormais participer aux négociations avec les professionnelLEs de la santé et signer des accords avec l’assurance maladie ou les médecins. Elles donneront également leur avis sur les taux de remboursement.

Même l’OCDE n’y croit pas.

Les Ministres de la santé des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE ) se sont réunis à la mi-mai 2004 pour débattre des réformes des systèmes de santé. S’appuyant sur une étude menée dans trente pays, l’OCDE affirme qu’elle se montre réservée sur les politiques de déremboursement qui, non seulement ne peuvent conduire à des économies importantes, mais freinent l’accès aux traitements nécessaires. Enfin, l’introduction des assurances privées n’apparaît pas comme la solution miracle, tant il est « de plus en plus difficile d’instaurer et de maintenir des conditions de concurrence, tout en respectant l’obligation de couvrir toute la population ».

La droite ou la politique du gâchis.

Tous les acteurs et actrices de la santé conviennent qu’une adaptation du système de santé est nécessaire. Act Up-Paris aurait souhaité que la réforme soit le centre d’un vrai débat autour des enjeux de notre protection sociale. Mais les conservateurRICEs ont préféré, une fois encore, l’immobilisme. S’épargnant toute réflexion d’envergure, ils et elles ont exclusivement privilégié la gestion comptable.
Dans la réforme qui va être appliquée en 2005, les usagèrEs sont écartéEs des instances de décision qui touchent le remboursement des soins, a contrario d’une revendication citoyenne qui prône la co-décision.
Ce faisant, cette réforme de droite ménage l’industrie pharmaceutique, le pouvoir médical et la toute-puissance centralisatrice de l’Etat. Elle a aussi à cœur de culpabiliser les malades pour les faire payer plus. Avec la droite, une impression tenace demeure : celle d’une immense perte de temps.


[1le FOPIM a été supprimé par la loi du 13 août 2004 réformant l’assurance-maladie. Il a disparu officiellement le 1er janvier 2005, lors de l’installation de la nouvelle Haute Autorité de santé. L’ANAES et le Comité de la transparence y ont été intégré à la même date.