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Le raltégravir, ami des hépatocytes ?

dimanche 1er août 2010

La prise d’un inhibiteur d’intégrase pourrait-il éviter certaines dérégulations métaboliques liées à la prise des traitements antirétroviraux ? Il le semblerait, d’après une étude préclinique sino-américaine.

Publiée dans le numéro d’août du Journal of Pharmacology and Experimental Therapeutics, cette étude indique que non seulement, le raltegravir (Isentress®) n’induirait pas lui-même d’accumulation de lipides dans le foie, mais il pourrait empêcher celle associée à la prise d’inhibiteurs de protéase.

La prise de traitements antirétroviraux contre le VIH peut s’accompagner de modifications lipidiques, que l’on nomme les dyslipidémies, c’est-à-dire des troubles du métabolisme des lipides (augmentation des triglycérides, du mauvais cholestérol et diminution du bon). Ces dyslipidémies sont un facteur de risque de développement de complications cardiovasculaires. Le siège prioritaire des altérations lipidiques suite à la prise d’un traitement antirétroviral est le foie.

En s’appuyant sur des expériences réalisées au laboratoire avec des cellules de foie (hépatocytes) de rat mises en culture et sur des travaux réalisés ensuite chez la souris, les chercheurs ont évalué l’effet sur le profil lipidique du raltegravir seul ou associé à certains inhibiteurs de la protéase du VIH, lopinavir et ritonavir (Kaletra®).

Les travaux réalisés sur les hépatocytes montrent, d’une part, que le raltegravir n’est pas toxique et qu’il peut empêcher la toxicité des inhibiteurs de protéase sur ces cellules et, d’autre part, que non seulement il ne conduit pas à l’accumulation de lipides dans ces cellules, mais il empêche celle induite par ces mêmes inhibiteurs de protéase. Le travail des chercheurs a aussi consisté à mieux disséquer les mécanismes moléculaires impliqués dans cette protection, mais nous ne les détaillerons pas – notons cependant que ces observations ne sont pas le résultat d’un changement de disponibilité des antirétroviraux lors de la combinaison : le raltegravir n’affecte pas la disponibilité des inhibiteurs de la protéase du VIH dans les cellules et vice-versa. (Les études cliniques n’ont pas montré d’interactions entre le raltegravir et les inhibiteurs de protéase, c’est-à-dire que le taux des inhibiteurs de protéase circulant dans le sang n’est pas affecté par le raltegravir et vice-versa, alors que le ritonavir augmente le taux de lopinavir par exemple (effet booster).)

En complément de ces travaux sur des cellules en culture, les chercheurs ont voulu vérifier si la protection observée avec le raltegravir était toujours présente chez l’animal. Ils ont pour cela injecté les antirétroviraux à des souris pendant quatre semaines et dosé les lipides dans le sang. Les inhibiteurs de protéase seuls font augmenter les taux de triglycérides et de cholestérol total et le raltegravir empêche bien cette augmentation. Une analyse plus approfondie sur des coupes de foie prélevé chez les souris après traitement montre aussi que le raltegravir empêche l’accumulation des lipides dans les hépatocytes.

Ce travail suggère que le raltegravir pourrait prévenir les effets des inhibiteurs de protéase sur les modifications lipidiques au niveau du foie. Comme l’indiquent les auteurs de ce travail, il s’agit de travaux préliminaires et il faut donc rester prudent quant aux conclusions. Cela se produit-il aussi dans l’organisme humain ? Affaire à suivre. Les chercheurs vont néanmoins jusqu’à proposer qu’un inhibiteur d’intégrase, en dehors de son effet antirétroviral, pourrait prévenir les complications consécutives à l’accumulation de graisse au niveau du foie, comme ce qui est observé dans la maladie du foie gras (NAFLD en anglais pour non-alcoholic fatty liver disease, voir Protocoles N° 61 de mai 2010.).