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Super virus ? Quelques précisions

mardi 19 juillet 2005

En février dernier, la presse s’est fait l’écho d’un cas clinique publié le même mois dans une grande revue scientifique. Nous revenons ici à froid sur cet événement médiatique.

Le cas de New York, comme il a rapidement été désigné, concerne un homme âgé d’une quarantaine d’année vraisemblablement contaminé par le VIH, en octobre 2004 et dont la situation de santé s’est très rapidement détériorée. Moins de cinq mois après la date supposée de sa contamination, cette personne a été considérée comme entrée en stade sida. Pour les médecins, responsables de la prise en charge et auteurs de l’article scientifique, le caractère exceptionnel du cas de New York tient essentiellement en trois points. Tout d’abord, le virus responsable est résistant à la quasi-totalité des antirétroviraux actuellement commercialisés à l’exception de l’enfuvirtide et de l’efavirenz. Par ailleurs, l’infection par ce virus regroupe deux sous-populations, l’une R5, utilisant le co-récepteur CCR5 pour pénétrer à l’intérieur des CD4, et l’autre R5 X4, capable de s’associer soit aux co-récepteurs CCR5, soit aux co-récepteurs CXCR4. Enfin, le troisième argument soulignant l’originalité de ce cas est la rapidité extrême avec laquelle la personne contaminée a progressé vers le sida.

Contre-enquête

Cependant, 4 mois après, un certain nombre d’arguments amène à relativiser le caractère exceptionnel du cas de New York.
 À propos de la progression rapide vers le sida, on estime que chaque année, aux États-Unis 28 personnes contaminées par le VIH, évoluent vers le sida en moins de 6 mois et 180 en moins d’un an.
 De même, à propos de la transmission d’un virus multirésistant, les antirétroviraux étant utilisés depuis presque dix ans, plusieurs études ont déjà démontré que des mutations* de résistances pouvaient se transmettre.
 Enfin, concernant l’argument d’un virus ayant à la fois un tropisme pour les co-récepteurs CCR5 et CXR4, un certain nombre d’études, dont certaines datent de plus de dix ans, ont déjà montré que cette coexistance de deux souches virales X4 ou R5X4 au début de l’infection s’accompagne d’une perte de l’immunité, souvent rapide.

En grande majorité les personnes contaminées par le VIH, le sont par une souche R5, qui évolue en fin de parcours vers une souche X4. Mais on trouve aussi quelques exemples d’infections par une souche virale X4 ayant rapidement basculé vers une souche R5 et d’autres cas où la persistance de la souche X4 entraîne une progression rapide vers la maladie. Il semble d’ailleurs que l’absence de réversion d’une souche X4 vers une souche R5 soit plutôt le fait de facteurs individuels que celui du virus à proprement parler.

Pistes plus réalistes

Plutôt que l’émergence d’une sorte de « super virus », qui plait tant aux médias, les spécialistes voient plutôt dans le cas de New York une surcontamination par deux souches virales distinctes du VIH (lire Protocoles N°37). Quatre arguments vont dans ce sens.
 On sait tout d’abord que l’homme contaminé a eu plusieurs rapports non protégés avec différents partenaires et ceci sur une courte période.
 Cet homme a présenté une augmentation brutale de la charge virale entre décembre 2004 et février 2005, une situation déjà rencontrée lors de cas avérés de surcontamination.
 De plus, lorsqu’on compare le phénotype* et le génotype* du virus en cause, on constate certaines divergences qui confortent l’idée que la personne héberge deux populations virales distinctes, R5 et R5X4, c’est ce qui a été constaté.
 Le dernier argument est d’ordre génétique et prêche pour l’idée d’une surcontamination, par la présence possible de virus recombinant obtenus à partir de deux souches virales initiales distinctes.

La morale de l’histoire

Comme preuve de leur bonne foi, les auteurs de l’article du cas de New York rappellent les enjeux de santé publique qu’est susceptible de constituer un tel cas clinique. Pour eux, la description d’un cas de contamination par un virus multirésistant avec évolution rapide vers le sida signifiait l’exposition possible à ce virus de plusieurs centaines de personnes. Bien qu’ils admettent la possibilité d’un cas de co-infection ou de surcontamination, la description de ce cas constituait avant tout un moyen d’attirer l’attention sur les risques pris en cas de rapports non protégés et de consommation de drogues récréatives. Ils en veulent pour preuve le fait que suite à la publication de leur article, New York connaît un regain d’intérêt et une réflexion autour du safe sex et de la consommation d’ecstasy, de cristal et autres méthamphétamines, d’une incitation au dépistage en cas de prise de risque et d’une surveillance plus poussée de la transmission de virus multirésistants. Pour eux le cas de New York souligne plus que jamais la nécessité de combiner les efforts des communautés scientifique et médicale avec ceux qui ont en charge la politique de santé publique, des associations, et des personnes affectées par le VIH afin de prévenir au mieux la progression du fléau.

A retenir

Quatre mois après les effets d’annonce de l’apparition d’un virus plus agressif que la moyenne, les spécialistes retrouvent aujourd’hui des propos plus mesurés. Le cas de New York serait en fait une combinaison de situations diverses mais non exceptionnelles pris séparemment : terrain génétique, multirésistances du virus, co-infections proches dans le temps. Si ce virus ne s’avère donc pas le phénomène annoncé, ce cas doit inciter à la reprise des pratiques de prévention délaissées depuis quelques années. Seul le préservatif préserve de la contamination par le VIH.