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Edito

mai 2005

Depuis l’été 2004, trois firmes pharmaceutiques sont entrées dans la phase décisive de développement d’une nouvelle génération d’antirétroviraux, les anti-CCR5. Nous nous sommes battuEs pour que cette nouvelle piste thérapeutique soit menée de façon éthique.

Ces molécules bloquent la réplication du virus par l’inhibition de récepteurs membranaires (les CCR5) nécessaires à l’entrée du VIH dans ses cellules cibles. Pour les malades, la perspective de l’arrivée d’une nouvelle classe de molécules est donc une bonne nouvelle : nous ne pouvons en effet que nous réjouir d’un élargissement possible de la palette des traitements anti-VIH disponibles, tant les besoins thérapeutiques demeurent importants.

Pour Schering-Plough, Pfizer et GlaxoSmithKline, les laboratoires impliqués dans cette "course aux anti-CCR5", la bonne nouvelle se double bien sûr d’une bonne affaire. En particulier pour le leader qui l’emportera, imaginez l’aubaine : le premier anti-CCR5 sur le marché marquera la mémoire des médecins. Une publicité idéale en direction des actionnaires dans une période où l’innovation se fait si rare. Dopés par les enjeux financiers, les trois labos se sont donc lancés dans une compétition effrénée, au risque d’en oublier les principes élémentaires de protection des personnes participant à la recherche clinique.

Ces laboratoires ont élaboré des protocoles qui mettent en danger la vie des malades. Tous prévoyaient, au départ, de tester leur médicament sur des personnes très immunodéprimées, en dessous de 200 CD4, et qui n’avaient encore jamais pris de traitements. Or prendre des molécules dont on ne sait que très peu de choses concernant la tolérance et l’efficacité leur fait courir un risque en termes de mortalité, alors que, ces malades doivent bénéficier d’un traitement efficace validé. Les essais des anti-CCR5 doivent donc être réservés aux séropositifVEs ayant un statut immunitaire leur permettant de ne pas courir de risque face à l’éventuelle inefficacité de cette nouvelle molécule.

A la suite de plusieurs rencontres avec les associations de malades au cours des derniers mois, GlaxoSmithKline et Schering Plough ont choisi de nous écouter et de se conformer aux exigences de l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (AFSSaPS) en modifiant leurs protocoles. C’est une victoire pour les séropositifVEs qui ont su se faire entendre et faire respecter leurs droits par deux des trois laboratoires engagés dans cette course aux anti-CCR5.

Cette victoire est toutefois relative puisque Pfizer, qui n’a pas encore d’antirétroviraux dans sa gamme de médicaments, veut être le premier à mettre sur le marché cette nouvelle molécule. Malgré les multiples tentatives de négociation engagées par le TRT-5 en France, ainsi que par les associations de malades des autres pays européens et de l’European Aids Treatment Group (EATG), le laboratoire a choisi le mépris. Dans les trois pays, France, Espagne, Allemagne où les agences sanitaires se sont exprimées pour soutenir les inquiétudes des malades, Pfizer a décidé de ne pas mener les essais en question. Pire encore, Pfizer revient sur un accord de principe passé avec l’EATG en novembre 2004 qui prévoyait de ne pas inclure dans ces essais des malades en dessous de 100 CD4. Le laboratoire a ainsi choisi de ne pas modifier le texte de son protocole d’une virgule et de délocaliser ses essais cliniques dans des pays où la réglementation est moins contraignante, l’éthique plus galvaudée et l’accès aux soins plus difficile qu’en France.

La décision de Pfizer revient de fait à punir les séropositifVEs qui se mobilisent pour leur droit à bénéficier d’une recherche menée dans le respect des règles éthiques. Elle met aussi en danger les malades qui résident dans des pays où elles et ils sont seulEs face au laboratoire. Le 26 avril dernier, nous avons ensanglanté la façade du siège social de Pfizer France pour signifier au laboratoire que, s’il a choisi de refuser de nous écouter et de délocaliser son essai, nous ne le laisserons pas pour autant poursuivre en paix sa politique de mépris des malades.