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Enquête

Résultats du questionnaire TRT-5

janvier 2003

Au printemps 2002, des associations membres du TRT-5 (Act Up, Actions Traitements, Aides) activaient leurs réseaux pour lancer une enquête sur les effets neuro-psy des traitements antirétroviraux. Quelque mille questionnaires nous sont revenus et ont été traités dès le mois de juillet. En voici les résultats. Ils montrent bien l’intérêt de faire des études à long terme et de manière longitudinale.

contexte

Cela fait déjà quelques années que nous nous battons pour obtenir des données à long terme des traitements antirétroviraux. Il n’existe pas d’études longitudinales appropriées sur l’effet à long terme des non-nucléosidiques, et peu sur les antiprotéases. Pourtant, certains antiviraux sont connus pour leur effet sur le moral, notamment l’interféron. L’éfavirenz pour sa part est connu pour être neurotoxique. A être confrontés, à l’absence de données et à des laboratoires qui refusent de mettre en place des études de phase IV, nous avons décidé de prendre l’initiative et de lancer ce questionnaire.

qui et quoi

Sur les 831 questionnaires reçus, 828 étaient exploitables, et nous en avons reçu 150 hors délais. Sur les 828 réponses, l’âge moyen est de 41 ans, 22% sont des femmes, 61% ont le bac, 39% ont un logement très confortable, 50% n’ont pas d’emploi, 34% vivent en couple et 51% ont un partenaire principal. Ces facteurs nous font dire que l’échantillon représenté n’apparait pas particulièrement précarisé, malgré le nombre important de chômeurs.
Concernant les caractéristiques biomédicales, là encore les 828 personnes ne sont pas forcément représentatives de l’ensemble des patients infectés par le VIH : 74% ont plus de 500 CD4, 13% entre 500 et 200 et 13% en ont moins de 200. 67% ont une charge virale indétectable ; ce chiffre est très supérieur aux données du DMI2 (recueil de données hospitalières françaises).
Au moment de l’enquête, 50% prennent une combinaison comprenant une antiprotéase. En moyenne, toutes combinaisons confondues, la combinaison actuelle est en cours depuis 16 mois. 18% déclarent des effets secondaires très gênants, 35% assez gênants, 31% peu gênants, 16% non gênants ou inexistants. Parmi les traitements pris, 24% sont traités par éfavirenz, 3% par Interféron et 28% par abacavir.

comment

Concernant les problèmes psy, les chiffres obtenus sont très importants au vu du relatif bon état clinique général. Pour classer les réponses, une échelle de dépression a été utilisée, il s’agit du CES-D. 62% des personnes ont ainsi été définies comme déprimées, 21% déclarent prendre des antidépresseurs. Ce chiffre est important, car seuls les antidépresseurs réels ont été retenus, c’est à dire que le Lexomil® par exemple n’en fait pas partie. La moitié des répondants ont été pris en charge au moins une fois au cours de leur vie pour une dépression, dont la moitié plusieurs fois. 16% déclarent avoir assez souvent ou tout le temps des pensées suicidaires. Ces trois catégories de réponses (classés déprimés par le CES-D, sous antidépresseurs, ou ayant des pensées suicidaires) représentent 70% des répondants et ont été considérés comme déprimés.

comparaison

La nature transversale de l’enquête a permis de comparer les personnes ayant arrêté l’éfavirenz avec celles qui le poursuivent. Il en résulte que sur les 828 personnes, plus de la moitié (478) n’ont pas été exposées à l’éfavirenz. 175 personnes prennent de l’éfavirenz depuis plus de 6 mois, 23 depuis moins de 6 mois et 152 personnes ont pris et arrêté l’éfavirenz soit 46%, sur une durée moyenne de 4 mois. Certains facteurs ont été considérés comme significatifs à l’arrêt de l’éfavirenz : le sexe féminin, l’absence d’emploi et les antécédents multiples de prise en charge pour dépression. Le fait d’être une femme multiplie par 2,2 le fait d’arrêter l’éfavirenz.
D’autres facteurs ont été associés à la dépression. Dans l’ordre d’importance : la santé et la vie sociale arrivent en tête ; les antécédents de dépression jouent un rôle presque aussi important que les effets secondaires des traitements. Enfin, la prise d’abacavir est impliquée chez un bon nombre de répondants, mais ce dernier critère ne s’étend pas à la prise de Trizivir®. Curieusement, les personnes sous éfavirenz se sont révélées moins déprimées sur l’ensemble des répondants.

anticipation

Certes cette étude a des limites, concernant notamment la représentativité des répondants par rapport à la file active des personnes séropositives de notre pays. Mais nous avons été surpris du nombre de personnes atteintes de dépression. On nous reprochera sans doute également le biais de sélection des répondants. Car pour la plupart il s’agit d’abonnés de journaux associatifs ou de personnes en contact avec les associations, donc de personnes informées. La nature transversale de l’enquête n’a pas permis d’obtenir des données rétrospectives, sauf sur l’éfavirenz. Mais grâce à ces données, nous savons que près de la moitié des personnes qui en ont pris ont dû l’arrêter et pas seulement au cours du 1er mois, comme le répète sans cesse le laboratoire producteur. De plus, des critères liés à l’arrêt de l’éfavirenz ont été identifiés, que seules des études de phase IV auraient pu faire émerger. Certes, cette étude, menée par nos propres moyens, est critiquable sur certains points, elle n’en révèle pas moins l’intérêt et la nécessité d’études post-AMM.