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Edito

mercredi 30 avril 2003, par Victoire Patouillard

Act Up est du côté de la vie. Quand je suis venue en réunion hebdomadaire (RH) pour la première fois, en avril, il y a neuf ans, c’est cette vitalité qui m’avait impressionnée. Animé d’urgences vitales, le groupe dégageait par ses actions, ses réunions, ses manifestations une force qui allait à l’encontre des représentations traditionnelles de la maladie. En ce sens, le premier coup de force d’Act Up dans la lutte contre le sida a sans doute été d’inventer une image héroïque et combattive des séropositifs quand on voulait les contraindre dans de grands élans romantiques à un destin de souffrance et de mort. Nous savions les conséquences politiques de telles représentations : il est facile pour un homme politique de ne rien faire ou de prétendre qu’« il n’y a pas que le sida » quand le sida est une « fatalité ». De la même façon, l’image fantasmagorique du séropositif meurtrier - agitée par le Front National mais pas seulement lui - pouvait justifier une politique de santé publique fondée sur le contrôle social et l’ostracisme.

La politique en matière de lutte contre le sida peut aujourd’hui se lire à travers les représentations qui sont données des malades ou de la maladie : fatalité au Sud, fraude et pouvoir de mort en France. Ainsi, au niveau international, contre la « fatalité » d’une épidémie hors de contrôle, nous nous battons pour un accès aux traitements pour tous les malades et mettons les Etats du G8 devant leurs responsabilités en terme d’engagement financier. En France, la dénonciation du « fraudeur » devient un lieu commun du discours politique qu’il s’agisse des intermittents du spectacle ou des étrangers malades du sida. Il s’agit bien de faire peser le soupçon sur toute une catégorie de la population afin de remettre en cause leurs droits peut être interprété comme un premier signe. Les déclarations du Professeur Henrion de l’Académie de médecine appelant à une criminalisation de la transmission consciente du VIH ne suscitant aucune réaction de la part du corps médical en sont un second signe.

L’image du séropositif animé d’un prétendu pouvoir de mort alimente un discours d’exclusion et souvent d’homophobie. Elle permet aux politiques et aux médecins de se dédouaner de leur responsabilité en matière de prévention en déplaçant la question du côté de l’imaginaire social. Enfin certains médecins, portés par ce fantasme, se sentent alors tous les droits y compris celui d’enfreindre leur propre déontologie en constituant des bases de données nominatives à partir des informations recueillies au centre de dépistage ; le but étant d’identifier un homme présumé responsable de contaminations afin de livrer son nom à la population. Cela se passe au CHU de Reims.

S’attaquer à ces représentations et aux politiques qui les sous-tendent est une urgence vitale et notre programme pour les mois à venir.