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Assemblée Mondiale de la Santé

vendredi 14 mai 1999

Du 17 au 25 mai se tenait à Genève l’AMS, réunissant les ministres de la santé des Etats membres de l’OMS. A cette occasion, la résolution intitulée « Stratégie Pharmaceutique Révisée (SPR) » était proposée au vote. Donnant mandat à l’OMS pour s’introduire dans les négociations internationales relatives aux politiques d’accès aux traitements, elle devrait lui permettre de contrebalancer les positions dangereuses soutenues par l’OMC (Organisme Mondial du Commerce) dans ce domaine et menaçant nombre de pays en développement. Pourtant, à l’occasion d’une table ronde sur le sida, l’OMS, se prêtant à des compromis honteux, ne nous a pas convaincus sur sa capacité réelle à jouer son rôle et imposer la santé comme une priorité absolue.

Dans le contexte actuel où s’exercent des pressions intenses autour de l’application des accords internationaux sur la propriété intellectuelle en matière de produits pharmaceutiques, les enjeux du vote de la SPR sont déterminants : l’OMS doit pouvoir jouer son rôle de garant des intérêts des malades des pays en développement. La SPR, dont une première version avait été rejetée en 1998 parce que jugée peu favorable aux intérêts commerciaux de certains pays industrialisés, reste clairement orientée en faveur d’un meilleur accès aux traitements dans les pays pauvres.

Pourtant, le jeu de l’OMS s’avère plus que douteux lorsqu’elle invite les ministres de la Santé autour d’une table ronde intitulée : « VIH/SIDA : stratégies propices à une réaction adéquate et durable face à l’épidémie à se poser la question suivante : « Comment les gouvernements peuvent-ils maîtriser les dépenses liées aux soins palliatifs et aux soins en phase terminale et freiner la demande croissante en thérapeutiques antirétrovirales ? » (ordre du jour de l’AMS, 19 mai 1999).

Ce texte est une véritable honte ! Face à une épidémie incontrôlable :
 l’OMS ne remet pas en question les coûts prohibitifs des traitements fixés par les compagnies pharmaceutiques qui les produisent, qui font des bénéfices exorbitants et qui conservent un monopole criminel sur le marché mondial des médicaments ;
 l’OMS ne pose pas la question de savoir comment trouver des ressources supplémentaires, publiques ou privées, pour permettre à des millions de personnes de ne pas mourir ;
 l’OMS ne s’interroge pas sur la solidarité ou l’équité de l’accès aux traitements, mais se demande comment faire taire les malades qui exigent cet accès aux traitements.

Faut-il purger l’OMS de certains de ses fonctionnaires pour espérer qu’elle joue son rôle ou est-ce toute l’institution qui campe sur des positions insoutenables ?

Face à l’ampleur de l’épidémie et aux menaces que font peser les compagnies pharmaceutiques et certains gouvernements occidentaux sur la santé de millions de personnes, il est grand temps que l’OMS agisse avec autorité pour garantir l’accès aux médicaments partout dans le monde, plutôt que de se laisser manipuler et d’accepter les compromis les plus scandaleux.

Act Up-Paris exige que Mme Gro Harlem Brundtland revienne sur les propos émis par l’institution qu’elle dirige et énonce les mesures qu’elle compte prendre pour répondre aux appels de millions de malades pour le moment condamnés.


Commentaire sur la table ronde VIH lors de l’AMS le 19 mai 1999.

Lors de l’AMS alors que plusieurs ministres de la Santé africains (Swaziland, Zambie, Côte d’Ivoire, etc.) tentaient d’alerter l’assemblée sur la tragédie que représente le sida dans leur pays, la menace qu’il représente au niveau mondial et la nécessité absolue d’une mobilisation internationale (« le sida dans notre pays, c’est la guerre ; une guerre qui ne se limite pas aux frontières des Etats... que peut-on faire lorsqu’une personne sur quatre est contaminée... » ministre du Swaziland, 19/5/99), la ministre de la Santé des Etats Unis, Dona Shalala, est intervenue tenant des propos d’une platitude consternante, en totale inadéquation avec la situation. Elle s’est cantonnée à un discours insupportable rappelant la nécessité de renforcer la prévention et faisant miroiter l’espoir de la découverte d’un vaccin.

15 ans de politique de lutte contre le sida orientée exclusivement sur la prévention par souci d’économie sont responsables de la situation actuelle. Nous savons pertinemment maintenant à quoi ont menée ces volontés farouches d’économie : une catastrophe humaine internationale, une catastrophe économique pour nombre de pays. Nous savons que sans accès aux soins et aux traitements, on ne peut espérer la mise en place de politiques de prévention efficaces, ni stopper l’expansion de l’épidémie ; nous savons que des moyens bien supérieurs à ceux qui ont été mis en oeuvre jusqu’à présent sont indispensables. Pourtant, la ministre de la Santé de la première puissance mondiale n’a pas même consenti à prononcer le mot « traitement », pas plus qu’elle n’a évoqué la prise en charge médicale.

Au-delà de la honte que représente une telle prise de position - au sein d’une Assemblée Mondiale de la Santé et devant une salle remplie de responsables politiques - on ne peut que s’alarmer et craindre le pire pour les années à venir.

Une chose est certaine, des décideurs politiques tels que D. Shalala portent et porteront la responsabilité de la propagation de l’épidémie de sida et des millions de morts à venir.


Commentaire suite au passage de la résolution sur la Stratégie Pharmaceutique Révisée.

Pour nous les choses sont claires, l’OMS devra faire ses preuves :
 utiliser le mandat qui lui a été donné,
 jouer enfin son rôle en garantissant l’équité de l’accès aux traitements dans le monde, aux médicaments essentiels, mais aussi à tous les traitements récents indispensables pour faire face aux maladies les plus meurtrières en tête desquelles se trouve le sida,
 défendre les intérêts des malades face à ceux des industries.

Bref, justifier de son existence en imposant la santé comme une véritable priorité lors des négociations internationales (et notamment les renégociations des accords de l’OMC en novembre 1999 à Seattle).