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La prostratine, l’arme de demain ?

samedi 1er août 2009

La prostratine est une molécule chimique de la classe des esters de phorbol, mais dénuée d’activité promotrice de tumeur. Des plantes (Homalanthus nutans) contenant ce composé sont utilisées par les guérisseurs polynésiens des îles Samoa pour traiter l’hépatite. Une hypothèse récente montre que cet extrait végétal serait susceptible d’activer le VIH latent des réservoirs. Amplifiée par l’usage conjoint d’inhibiteurs de HDAC la prostratine pourrait être une premier pas vers la purge du VIH.

Il est à noter que le mécanisme d’action de la prostratine n’est pas complètement élucidé. Cependant, parmi les interactions moléculaires ayant lieu à l’intérieur de la cellule conduisant à l’expression ou la répression de l’expression des gènes, une voie peut être affectée par ce composé. Il s’agit de la voie de signalisation du facteur nucléaire [1] NF-kappa B. La prostratine induit la dégradation d’un inhibiteur de ce facteur, ce qui lui permet de se lier à l’ADN et de moduler l’expression de certains gènes, dont le VIH intégré dans le génome d’une cellule infectée de façon latente. La prostratine est enfin capable de réprimer l’expression du récepteur principal du VIH, la protéine CD4, et du corécepteur appelé CXCR4. Tout cela a été démontré en laboratoire sur des cellules soit immortalisées en culture (ce que l’on appelle des lignées cellulaires), soit des cellules provenant directement de l’organisme (ce que l’on appelle des cultures primaires).

Des travaux publiés [2] en juin 2009 par des équipes belges et françaises montrent que la combinaison d’un inhibiteur de HDAC (soit l’acide valproïque, soit un composé appelé SAHA [3] ou vorinostat, utilisé comme anticancéreux contre certains types de lymphomes T) et de la prostratine est plus efficace que chaque composé utilisé seul, pour activer la production de VIH par des cellules infectées de façon latente. Cette combinaison permettrait d’activer plus de cellules au total dans les populations traitées que d’augmenter la production de VIH par un petit sous-groupe de cellules répondant aux composés seuls. Ceci est important, si on extrapole à l’effet attendu sur la purge des réservoirs où un maximum de cellules infectées doit être éliminé. Côté mécanisme, un HDACi (pour Histone DéACétylases Inhibiteur) augmente effectivement, et prolonge, l’action de la prostratine sur le facteur NF-kappa B et son inhibiteur.

Afin de se rapprocher de la situation clinique, les chercheurs de cette étude ont utilisé non seulement des lignées cellulaires, mais aussi des cellules prélevées chez des personnes à virémie contrôlée par antirétroviraux. Qu’il s’agisse de cellules mononuclées du sang périphérique – dépourvues de lymphocytes CD8 qui pourraient interférer par leur action virucide – ou bien de lymphocytes CD4 au repos, la synergie d’activation par les traitements combinés a été retrouvée dans bon nombre de cas, plus particulièrement avec le HDACi SAHA par rapport à l’acide valproïque. Cependant, les niveaux d’activation du VIH présentaient de fortes variations en fonction des personnes. Enfin, notons aussi que la prostratine n’amplifie pas les effets toxiques des HDACi observés quand on augmente leurs doses. Tout ceci est encourageant pour de futurs essais cliniques.

Pour l’heure, la prostratine ne fait l’objet d’aucun essai clinique. Cependant, l’AIDS Research Alliance de Californie envisage de commencer un protocole si les négociations avec les habitants des îles Samoa aboutissent pour leur garantir que la production de la prostratine sera par voie voie naturelle (purification à partir des arbres présents sur les îles Samoa, malgré les faibles rendement et quantités obtenues). Une piste artificielle est cependant envisagée depuis peu, une production par synthèse chimique qui devrait permettre d’obtenir des quantités suffisantes de produit de qualité.


[1Nuclear Factor en anglais

[2Dans le journal libre d’accès Public Library of Science (PLoS)

[3abréviation anglaise signifiant suberoylanilide hydroxamic acid