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Quand le VIH nous fiche les glandes...

jeudi 1er décembre 2005

Aujourd’hui, dans le cadre de l’infection par le VIH, les malades sont de plus en plus fréquemment confrontés à des difficultés médicales qui semblent liées « à la durée de la maladie » et paraissent imputables à une toxicité à long terme des traitements antirétroviraux et/ou à la présence du VIH dans l’organisme.

Au cours de la journée de réflexion scientifique organisée par le TRT-5, le 1er avril 2005, dont le thème était « le corps malmené par le VIH et les traitements », plusieurs clinicienNEs impliquéEs dans la prise en charge de personnes vivants avec le VIH, se sont succédéEs autour de tables rondes, pour aborder les différentes atteintes sur l’organisme, de ce virus et des traitements antirétroviraux.

Voici rapportés, les témoignages de clinicienNEs présentEs au cours de cette journée, traitants de differents problèmes endocriniens, tels que le diabète insulino-resistant, la ménopause précoce, les troubles hormonaux dans les dysfonctions sexuels, ainsi que les troubles thyroïdiens. Vous pouvez retrouver l’ensemble du programme de cette journée ainsi que les diapositives des intervenantEs sur le site du TRT-5, à l’adresse suivante : www.trt-5.org

Diabète et VIH.

 Dr David Zucman
Réseau ville-hôpital Val de Seine
Hôpital Foch (Suresnes)

Nous parlons bien souvent de diabète quand la glycémie (quantité de glucose dans la sang) à jeun est supérieur à 2 g/l ; or il faudrait s’en inquiéter bien plus précocement quand la glycémie à jeun atteint 1,25 g/l, et dès ce stade, parler de « diabète ». Il est possible de parler de pré-diabète, quand la glycémie se situe légèrement au-dessus de 1,10 g/l, soit une valeur très proche de la normale qui est à 1 g/l. Quand le diabète est avéré, avec une glycémie franchement supérieure à 2 g/l, il y a des signes cliniques tels qu’une polyurie (uriner en grande quantité), polydipsie (soif importante), polyphagie (faim permanente), amaigrissement... Afin de dépister de manière plus formelle, ces troubles du métabolisme, il devrait être proposé plus systématiquement, quand la glycémie se trouve déjà à un taux même légèrement supérieur à la normale, une épreuve appelé « charge en glucose » qui est en fait une hyperglycémie provoquée par voie orale. Cela permet de dépister un pré-diabète, par absorption défectueuse du glucose, après une charge en sucre. De plus en plus de patients traités, développent ce type de diabète , ce qui était assez rare avant l’ère des trithérapies. Après 2 années de prise d’antirétroviraux, on note que 5 à 10% des patients développent un diabète. C’est donc un problème iatrogène. Quand sera t-il après 15 ans de traitement ? Il faut donc à chaque bilan, que le médecin surveille la glycémie à jeun. Le diabète accroît le risque cardiovasculaire, avec l’élévation de triglycérides. Après une dizaine d’années de diabète, celui-ci peut entraîner des cécités par atteinte de la rétine, des neuropathies, des troubles de la fonction rénale.

Parmi les causes de ce diabète :
Les inhibiteurs de protéase, ainsi que inhibiteurs nucléosidiques, des études ont démontré qu’ils provoquent cette insulino-résistance. Les facteurs génétiques (prédisposition). L’âge. L’hépatite C, même hors co-infection. Les pancréatites médicamenteuses ou alcooliques.

Afin de prévenir l’apparition de ce type de diabète, par insulino-résistance :
Il est conseillé de choisir des molécules antirétrovirales parmi les moins diabétogènes, dépister le plus rapidement possible ces troubles du métabolisme, limiter son alimentation en sucres rapides, faire un minimum d’exercice physique, marche...

Une fois installé :
Il faut traiter, et informer le plus possible le patient par une éducation thérapeutique qui lui permet de mieux comprendre sa maladie ; et par cette meilleure connaissance, de lui donner les moyens de pouvoir contrôler les variations de la glycémie.Parmi les traitements oraux : la metformine, les sulfamides hypoglycémiants, et les glitazones ; ils sont utilisés dans le cas d’un diabète gras, non-insulino-dépendant. Il faut parfois avoir recours à des injections d’insuline lorsque sa production par le pancréas est insuffisante. Il y a nécessité d’une prise en charge pluridisciplinaire : infectiologue, diabétologue, cardiologue, diététicienne, psychologue...

Ménopause et VIH : faut-il traiter ?

 Dr Isabelle Heard
Service d’immunologie clinique
Hôpital Européen Georges Pompidou (Paris)

La ménopause est définie par l’arrêt des règles depuis au moins un an, associé à un ensemble de manifestations cliniques : bouffées de chaleur, prise de poids et une atrophie des muqueuses génitales pouvant s’expliquer par un « vieillissement » des ovaires ; l’ovaire cesse de fabriquer des œstrogènes (oestradiol), ce qui entraîne l’augmentation des hormones hypophysaires FSH (folliculo-stimulante) et LH (lutéinisante). Dans la population générale, la ménopause survient entre 50 et 55 ans. La séropositivité ne semble pas avancer l’âge de la ménopause, contrairement à une théorie avancée. L’âge moyen de la ménopause des femmes séropositives est de 51 ans, d’après une compilation d’études. Mais d’autres facteurs rentrent en ligne de compte. Dans une étude comprenant 761 femmes, seulement 8% (52) avaient semble t-il une ménopause précoce. Après dosage de la FSH, seulement 2 femmes dans ces 8% avaient effectivement une ménopause précoce. (ces 2 femmes étaient toxicomanes).

Avant la ménopause, les femmes sont mieux protégées du risque cardio-vasculaire (du fait de leurs hormones) que les hommes. A la ménopause, les femmes rejoignent les hommes en terme de risque coronarien et le risque d’ostéoporose devient plus important pour la femme. De plus, nous savons que les femmes séropositives sous HAART, ont un risque accru de problèmes cardiovasculaires, et d’ostéoporose par rapport aux femmes séronégatives. Jusqu’à il y a 4 ans, on pensait que le traitement hormonal substitutif (THS) protégeait les femmes ménopausées des accidents cardio-vasculaires et de l’ostéoporose. Puis une série d’études publiées, de grande envergure, dans la population générale, ont démontré que le THS n’est pas si bénéfique que ça, il serait même délétère. Le risque coronarien est augmenté, surtout si le LDL cholestérol est augmenté. Le risque de cancer du sein est augmenté, surtout si le THS est pris plus de 5 ans et il y a 2 à 3 fois plus de risque de maladies veineuses thromboemboliques. Pour les femmes séropositives, qui ont déjà un risque cardiovasculaire élevé dû à l’infection par le VIH et les traitements, le THS représente donc un sur-risque coronarien, que ce soit le THS standard (oestroprogestatif) ou les oestrogènes seuls. Le seul effet bénéfique du THS serait sur la prévention de l’ostéoporose et du tassement vertébral, mais il n’améliore pas l’ostéoporose avancée.

Les femmes séropositives ne confiant pas toujours à leur gynécologue, leur statut sérologique, elles reçoivent le THS sans en connaître les risques. Il faut donc étudier chaque cas en fonction de la balance bénéfice/risque et en informer les femmes séropositives.

Place des troubles hormonaux dans les dysfonctionnements sexuels.

 Dr Francis Lallemand
Hôpital Saint-Antoine (Paris)

Dans le cadre de l’infection à VIH, il existe une forte prévalence des troubles sexuels, de 20 à 60% selon les études, avec davantage de données sur les homosexuels et les bisexuels. Ces troubles concernent la libido, l’érection et l’éjaculation, et sont donc des sujets difficiles à aborder en consultation. Ces problèmes semblent d’autant plus marqués que la dégradation de l’état clinique est avancé. Après un passage en revue de la littérature scientifique (pauvre, une dizaine d’études), on voit que les données et les résultats sont souvent contradictoires. Il est à regretter que les répercutions psychiques sur l’individu de l’infection à VIH, ainsi que le retentissement sur l’observance au traitement, la relation à l’autre dans sa crainte de transmettre le virus, n’aient pas été évalués, au cours de ces études.

Le plus souvent, les taux d’hormones sexuelles (prolactine, testostérone, FSH, LH) sont dans les normes. Les patients en « wasting syndrom » (ou cachexie : amaigrissement important), ont une baisse plus marquée de la testostérone, et une correction de cet hypogonadisme entraîne une amélioration de la libido, de la masse musculaire et de la dépression. Mais en dehors de ces cas d’hypogonadisme prouvés par des dosages hormonaux, les troubles sexuels seraient plus corrélés avec l’âge, l’ancienneté de la contamination, la prise d’anti-protéases, la durée de prise des traitements, la lipodystrophie et la dépression. Les hommes peuvent aussi avoir un taux trop élevé d’hormones « féminines » (17 bêta oestradiol, prolactine). Devant des troubles sexuels et/ou des symptômes évocateurs de l’hypogonadisme (fatigue, amaigrissement, dépression, baisse de la libido), il est souhaitable de vérifier les taux hormonaux, de savoir s’il y a ou non des érections matinales et d’essayer d’identifier la possible dépression psychologique (les antidépresseurs étant générateurs de « pannes sexuelles » ). Les corrections de l’hypogonadisme se font par de l’Androtardyl® en intramusculaire.

Dans la majorité des cas, ces dysfonctionnements sexuels sont plus d’origine psychologique, liés au vécu souvent difficile de la séropositivité et à la prise de traitement. Le traitement pris tous les jours rappelle la séropositivité, la contamination possible de son partenaire.

Des espaces de consultations spécifiques traitant des troubles sexuels doivent être crées. Les traitements pour les troubles sexuels existent (Viagra®, Cialis®, Levitra®, Uprima®, les injections intra caverneuses).

Il est à noter que certaines associations médicamenteuses sont à déconseiller, tel que Viagra-Norvir, qui peut occasionner un temps d’érection trop long, voire un priapisme !
Les traitements ont chacun leurs avantages et leurs inconvénients et comme pour les traitements VIH, il faut trouver celui qui convient le mieux à chaque personne.

Les dysfonctionnements thyroïdiens au cours de l’infection à VIH

 Dr Bruno Fève
Hôpital Bicêtre (Kremlin-Bicêtre)

La thyroïde est une glande endocrine. Elle produit des hormones thyroïdiennes T3 et T4, qui ont de nombreux effets sur le métabolisme, la croissance, le poids, l’humeur, le sommeil. La production de ces hormones est stimulée par une hormone hypophysaire, la TSH (la thyréostimuline). Il y a un système de rétro-contrôle, la T3 va exercer un contrôle régulateur sur l’hypophyse pour freiner ou augmenter la TSH selon les besoins. Lors des troubles thyroïdiens, la montée ou la baisse de la TSH sera le premier signe biologique, avant l’apparition de symptômes cliniques. Dans le cas d’une hypothyroïdie, on note une augmentation de la sécrétion de TSH, ainsi qu’une baisse des hormones thyroïdiennes T3 et T4. Dans le cas d’une hyperthyroïdie, il y a une baisse de la TSH, accompagnée d’une élévation des T3 et T4. En plus du dosage de ces hormones, il est parfois nécessaire de doser les anticorps (anti-TPO et anti-TG), responsables le plus souvent d’hypothyroïdie auto-immune, dirigés contre certaines protéines de la thyroïde. Au contraire, dans certains cas d’hyperthyroïdie, il y a des anticorps « anti-récepteurs de la TSH » qui vont induire une augmentation des T3 et T4, ainsi qu’une diminution du TSH, qui vont signer le diagnostic de la maladie de Basedow, traitée par des anti-thyroïdiens de synthèse. Dans ce cas, la scintigraphie thyroïdienne sera l’examen clef.

Avant les trithérapies, on voyait des thyroïdites destructives lors de certaines infections opportunistes (pneumocystose, cytomégalovirus), donnant soit des hypothyroïdies, soit des hyperthyroïdies. Maintenant, c’est surtout lors du traitement de l’hépatite C des patients co-infectés que l’on peut voir des dysfonctionnements (soit hypo, soit hyperthyroïdies) dus à l’interféron. Les experts pensent que ces problèmes thyroïdiens surviennent surtout chez des personnes prédisposées et qu’il faut essayer de les détecter avant le traitement par des dosages d’anticorps spécifiques. Si les anticorps, anti-TPO (anti-thyroperoxydase) et anti-Tg (anti-thyroglobuline), sont positifs et élevés, le risque de développer une hypothyroïdie sera 10 fois plus élevé. Pendant le traitement de l’hépatite, il faut doser la TSH tous les 2 ou 3 mois, explorer et traiter en fonction des symptômes et des dosages. Les dysfonctionnements peuvent varier dans le temps pour un même patient, même après le traitement.

Plus rarement, on peut voir des dysthyroïdies (hypo ou hyperthyroïdies) lors de la restauration immunitaire (lorsque les CD4 remontent avec les traitements antirétroviraux), voire même à distance, un ou deux ans après cette restauration. Il faut donc parfois penser, dès l’apparition de certains signes cliniques, à des causes thyroïdiennes, en dosant les T3, T4, TSH ainsi que certains anticorps, de manière régulière.