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Edito

jeudi 1er octobre 1992, par Didier Lestrade

Le licenciement quasi-général des employés de Gai Pied Hebdo, l’arrêt de sa publication, l’interdiction du minitel 3615 BOY et les menaces que cette interdiction portent sur la gestion de l’Agence Staff, qui édite le mensuel Illico prouvent, si besoin est, que la rentrée 92 s’annonce mal.

La presse homosexuelle française vivait déjà dans une situation de crise ; désormais, on peut parler de sa disparition prochaine. Avec Gai Pied, c’est tout un aspect de la prévention en direction des homosexuels qui disparaît aujourd’hui. C’est surtout un média symbolique qui a été le vecteur de 14 années de vie homosexuelle en France, quelque chose qui dépasse de loin le simple créneau médiatique occupé par GPH.

Act Up-Paris est, c’est évident, prêt à se mobiliser pour protester contre l’interdiction du 3615 BOY et pour défendre ce qui reste de Gai Pied aujourd’hui. Mais il ne faudrait pas oublier que si GPH fait face aujourd’hui à de tels problèmes, c’est sûrement à cause d’un manque de courage rédactionnel autant remarqué par les collaborateurs de l’hebdomadaire que par ses lecteurs. Gai Pied Hebdo, depuis deux ans, c’était l’ennui total. Et c’est là le fond du problème. Face à l’épidémie de sida, face à une homophobie désormais institutionnalisée, face à des tabassages d’homosexuels et de lesbiennes dont personne ne parle, il fallait bien plus qu’une ligne éditoriale et politique modérée, quand elle n’était pas carrément molle. Gai Pied avait le pouvoir et le devoir de faire face à ces problèmes de société, de mettre le sida au centre de toutes ses préocupations et de mobiliser une communauté qui ne pouvait se créer qu’autour du journal. A l’échelon le plus élevé de Gai Pied Hebdo, on a toujours refusé d’assumer cette responsabilité.

La lutte contre le sida et le développement de la communauté gaie ne peuvent pas se passer d’un média. Regardons à l’étranger. Si on peut ressusciter Advocate, pourquoi pas nous ? Si un hebdo aussi brillant que Queer Weekly existe à New York, pourquoi pas à Paris ? Nous avons la force et les moyens de le faire.

Ah oui, j’oubliais. A partir du 27 septembre 92, je ne serai plus président d’Act Up-Paris. Désormais, d’autres personnes écriront ces éditoriaux (ouf !). Je voulais remercier tout le monde, à Act Up et dans les autres associations de lutte contre le sida, pour ces 3 années à la tête d’Act Up. Vous avez été géniaux. Continuons le combat. Act Up ! Fight back ! Fight Aids !