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Édito

janvier 2009

Le 1er décembre dernier, journée mondiale de lutte contre le sida, des militantEs d’Act Up-Paris ont déployé une banderole : « sida - ni coupables, ni victimes » sur les marches du palais de justice de Paris aux cris de « pas de juges dans nos lits ». Par cette action, nous protestions contre la multiplication des procès liés à la pénalisation de la transmission sexuelle du VIH. La lutte contre le sida n’a rien à gagner dans ces procès, aux conséquences catastrophiques en termes de santé publique.

On ne lutte pas contre le sida en traînant des séropositifVEs devant des tribunaux puis en les jetant en prison. La pénalisation de la transmission du VIH porte atteinte au principe de responsablité partagée. Dans les relations sexuelles, il n’y a pas une personne qui décide ou non de se protéger et une autre qui subit cette décision. Il y a deux personnes - ou davantage - qui décident en toute responsabilité de se protéger ou non, puis assument cette décision solidairement. Dès lors, après une contamination, iI n’y a pas davantage un coupable et une victime : il n’y a que des malades qu’il faut soigner.

La pénalisation de la transmission a des conséquences catastrophiques en termes de santé publique. En effet, elle peut pousser des personnes à préférer rester dans l’inconnu quant à leur statut sérologique plutôt que de se faire dépister, de peur d’être ensuite poursuiviEs pour n’avoir pas informé leur partenaire de leur statut. L’intrusion de juges dans nos lits ne peut que renforcer la difficulté à dire son statut sérologique.

En France, la majorité des contaminations interviennent alors que le ou la partenaire infectéE ignorait être porteurSE du VIH. L’insuffisance du dépistage et le recours trop peu fréquent aux moyens de protection dans le cadre de relations de couples stables disent bien l’inefficacité des campagnes de prévention contre le sida menées par les pouvoirs publics, qui, par exemple, n’évoquent jamais la question de l’infidélité. Plutôt que punir, donc, il faut davantage et mieux prévenir. La pénalisation de la transmission est d’autant moins une solution que l’état des prisons en France est notoirement incompatible avec les traitements dont ont besoin les séropositifs.

Malgré cela, en France et dans la plupart des pays, les procès se multiplient après des cas de transmission sexuelle du VIH. Lutter contre le sida, ce n’est pas lutter contre les séroposifVEs. Lutter contre le sida, c’est faire de la prévention, c’est changer l’image de maladie honteuse qui plane encore trop souvent autour de ce virus, c’est lutter contre les discriminations et la stigmatisation ; Mettre les séropos en prison ne protège pas du sida.

En manifestant derrière le mot d’ordre « sida : prévenir, ne pas punir », nous avons pu constater que le thème de la pénalisation de la transmission du VIH par voie sexuelle prêtait à polémique ; nous proposons donc aujourd’hui une Assemblée Générale sur cette question. Pénalisation de la transmission sexuelle du sida : qu’en penser ? Comment réagir ? Le but de cette AG est d’ouvrir le débat en menant une réflexion avec le milieu associatif sida et LGBT, mais également avec des magistrats, des juristes, des responsables politiques, des médecins, etc.

Si en France, la transmission du VIH par voie sexuelle ne constitue pas un délit en soi, les plaintes aboutissent de plus en plus souvent à des condamnations pour « administration de substances nuisibles entraînant une infirmité à vie ». Les débats porteront entre autres sur : la dimension hétéronormée de la justice française, la différence de traitement d’unE accuséE à l’autre, les plaintes et leur aboutissement selon l’identité sexuelle, les condamnations ne concernant que des hétérosexuelLEs, les motifs de poursuite, l’invalidité des preuves scientifiques, l’ordre moral influençant le faisceau de preuves qui fera d’unE séropositifVE unE coupable ou une victime, tant dans sa dimension pénale que civile.


Assemblée Générale sur la pénalisation de la transmission sexuelle du VIH :
Jeudi 5 février 2009 à 19h
École des Beaux Arts (amphithéâtre des Loges)
14 rue Bonaparte, Paris VIe.