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Edito

jeudi 30 octobre 2008

Le prix Nobel de médecine vient d’être attribué à trois chercheurs et récompense leurs travaux pionniers en matière de découverte des virus associés à deux pathologies distinctes, le sida et le cancer du col de l’utérus.

Il s’agit de deux français, Françoise Barré-Sinoussi et Luc Montagnier, pour la découverte du VIH-1, (l’un des virus responsables du sida avec le VIH-2), et de l’allemand Harald zur Hausen pour la découverte de papillomavirus associés au cancer du col de l’utérus. Au-delà de la polémique de l’époque avec l’équipe de Robert Gallo aux Etats-Unis pour la paternité de la découverte du VIH, le comité Nobel salue la découverte de deux chercheurs qui est en fait le fruit du travail, initié dans les années 80 et publié en 1983, d’une équipe regroupant aussi leur collègue rétrovirologue Jean-Claude Chermann et les autres signataires de l’époque, Françoise Brun-Vézinet, Christine Rouzioux, Willy Rozenbaum, Françoise Rey, Marie-Thérèse Nugeyre, Sophie Chamaret, Jacqueline Gruest, Charlie Dauguet et Claudine Axler-Blin.

A l’heure de la banalisation de l’épidémie de sida dans l’opinion publique, mais aussi de sa féminisation, il est donc salutaire de voir récompensés les efforts de la recherche médicale, particulièrement dans le domaine du sida. En effet, les femmes séropositives pour le VIH infectées par certains papillomavirus sont plus susceptibles de développer un cancer du col de l’utérus, dont la forme avancée reste une pathologie classant au stade sida. Ce que récompense ce prix, c’est non seulement la découverte des virus en soi, mais aussi ce que cela a permis d’accomplir par la suite : la prise en charge médicale des personnes infectées et la possibilité d’enrayer la propagation de la pandémie.
 Pour le VIH, ceci regroupe la mise au point de tests de diagnostic fiables et la mise à disposition de traitements antirétroviraux de plus en plus pointus pour continuer à attaquer le virus et ses formes résistantes.
 Pour les papillomavirus, au-delà de la compréhension du mécanisme conduisant au cancer, cette découverte a permis de proposer aujourd’hui des vaccins préventifs à prescrire avant les premiers rapports sexuels puisque les papillomavirus se transmettent par cette voie. L’intérêt de ces vaccins pour les personnes séropositives reste encore à démontrer par le biais de recherches cliniques. Par contre, il ne faut pas espérer un vaccin préventif pour le VIH avant longtemps, les chercheurs internationaux ayant appelé en ce début d’année à revenir à une démarche fondamentale, une recherche pour mieux comprendre comment le VIH se joue des réponses immunes.

Si l’on veut que notre recherche, en virologie et en immunologie, continue à être récompensée dans les années à venir et, surtout, à permettre de déboucher sur de nouvelles pistes de traitements et d’outils de prévention, il est crucial de maintenir un engagement soutenu et durable en termes de moyens financiers et de chercheurs présents. Il y a néanmoins lieu de s’inquiéter. En 2008, le Ministère de la Recherche a baissé les crédits de l’Agence Nationale de Recherche contre le sida et les hépatites virales (ANRS), en les faisant passer de 40 millions d’euros annuels à 37,6 millions, soit une diminution de près de 6%. Le Ministère des Affaires Etrangères a baissé ses crédits de moitié, de 3 on est passé à près d’1,5 millions. Une chose est sûre : compte tenu du désengagement actuel de l’État dans la recherche publique en France, aucune recherche effectuée sur le VIH/sida aujourd’hui ne permettrait d’obtenir un prix Nobel de médecine d’ici 25 ans.