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Conférence internationale de Mexico

Chroniques de Mexico (7) : Discours au coin du feu

Où Nicolas Sarozy couvre de ridicule les institutions françaises sans que nous ayons à faire quoi que ce soit.

mardi 5 août 2008

Ce mardi, l’ensemble des déléguéEs et journalistes de la conférence ont eu, en une matinée seulement, la preuve éclatante que nos critiques concernant la politique française de lutte contre le sida étaient justifiées. Et le plus beau, c’est que nous n’avons pas eu besoin de faire la moindre action pour cela. Le Président de la République s’en est chargé tout seul, couvrant par la même occasion de ridicule l’ensemble du gouvernement français.

La veille, en fin de journée, des journalistes ainsi que des représentantEs de l’IAS et de l’administration française nous annoncent que le programme de la session plénière du lendemain matin est bouleversé. Il a fallu trouver un peu de place pour que l’ambassadeur sida de notre beau pays, Louis-Charles Viossat, puisse lire un court discours de la part du Président de la République. Bien sûr, le programme de la conférence est fixé depuis de nombreuses semaines. Et la date de la conférence prévue depuis plus de deux ans. Mais Nicolas Sarkozy attend la veille pour demander à ce qu’on répande sa bonne parole. La pression que nous faisons monter depuis plusieurs jours sur l’absence de politiques françaisEs à Mexico n’est évidemment pour rien dans cette décision de dernière minute...

Nous réussissons à nous procurer une version de travail du discours. On y trouve les mêmes mensonges flagrants sur l’investissement financier de la France. Il n’est pas question pour nous que ce discours soit lu sans que nous réagissions. Nous préparons donc des pancartes sur lesquelles on peut lire, en gros, « LIAR » (menteur). Nous ne prévoyons pas d’interrompre le discours, mais de nous placer devant l’orateur, et de lever les pancartes à chaque mensonge proféré, puis, de demander la parole une courte minute pour corriger les erreurs et interpeller publiquement les responsables françaisEs.

En nous rendant à la session, le mardi matin, nous croisons deux journalistes qui nous indiquent que l’Elysée a finalement annulé l’intervention. Peur d’un zap d’Act Up ? Sentiment que le Président s’est par trop enfoncé dans les mensonges et ne peut plus continuer ainsi ? On ne le saura pas. Par acquis de conscience, nous nous rendons tout de même à la session. Pas d’ambassadeur sida, pas de discours de Sarkozy. On apprend qu’il sera simplement mis en ligne.

La suite tourne au grotesque : l’Elysée fait savoir à certainEs journalistes qu’il y a eu un malentendu, que le discours ne devait jamais être prononcé en public. Sarkozy invente le discours de chevet, qu’on ne fait que lire, le soir dans son lit. C’est d’autant plus ridicule que cela est démenti immédiatement par les responsables de l’IAS, furieuxSEs que l’on mette à mal l’organisation de la conférence. Les journalistes s’en donnent à coeur joie. Dans les heures qui suivent fleurissent articles et dépêches sur le sujet. Et puisque l’Elysée ne veut pas parler, c’est surtout la communication des associations françaises, dont celle d’Act Up, qui est relayée.

 Un détail croustillant : la version de travail que nous nous étions procurée indiquait que la France était « le premier contributeur du Fonds mondial » et reprenait la communication mensongère du MAE en indiquant que la France donnait 360 millions d’euros par an à la lutte contre le sida. Dans le discours définitif, aucun montant n’est donné et la France est « le premier contributeur après les Etats-Unis ».

On pourrait se réjouir totalement de ce fiasco si le discours de Nicolas Sarkozy n’était pas essentiel à certains égards. Le Président y affirmait l’opposition de la France à la pénalisation de la transmission du VIH ou encore aux restrictions aux frontières dont sont victimes les séropos dans de trop nombreux pays. Il réaffirmait aussi - même si la propre politique de répression qu’il mène à l’égard des minorités en France rend cette partie du discours parfois peu crédible - l’importance d’un travail avec les usagèrEs de drogues ou des travailleurSEs du sexe. Politiquement, ce discours aurait eu un impact dans une conférence où la question des droits des minorités et des séropos est au coeur des débats. Mais la couardise politique de Nicolas Sarkozy n’a d’égal que son indifférence vis-à-vis de la situation des personnes vivant avec le VIH.

Nos propres actions sont la cerise sur ce gâteau offert par l’Elysée. Nous diffusons à plusieurs milliers d’exemplaires l’affiche « Missing », où nous nous inquiétons de la disparition de Roselyne Bachelot-Narquin à un concours de bowling à Pékin, et publions une video sur Nicolas Sarkozy.

Le reste de la journée est ponctué par notre participation à diverses manifestations, comme celle du New York City AIDS Housing Network qui tente de mobiliser l’opinion sur la question de l’hébergement des personnes séropositives. Devant la salle médias, les militantEs organisent un campement : nous nous alleongeons, comme pour un die-in, et on nous recouvre de bâches. Notre présence ne se discute pas : étant donné les problèmes de logement auquel les séropos sont confrontéEs en France, notamment à Paris, nous partageons ce combat.

Nous marchons aussi derrières les travailleurSES du sexe du Mexique. Beaucoup de personnes parlent d’eux/elles, parlent pour eux/elles, mais on les entend très peu. Elles manifestent du Village Global jusqu’à la salle média de la conférence criant en espagnol « Mon corps m’appartient, le choix me revient ».