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Los Angeles 2007, 14ème conférence américaine

Le tour de la planète

mai 2007

Du 25 au 28 février dernier, deux membres de la commission Traitements & Recherche d’Act Up-Paris ont suivi la 14ème Conférence sur les rétrovirus et les infections opportunistes (CROI). Entre recherche fondamentale et résultats d’études cliniques, cette conférence fut dense et notre compte-rendu ne pourra être exhaustif, lire pour cela les chroniques quotidiennes.

Prévention

Le symposium sur les déterminants de l’épidémie qui mettaient du même coup en exergue certains aspects essentiels qui font la part belle à la propagation du virus, a permis de découvrir une vue d’ensemble des solutions nouvelles pour se battre contre l’extension parfois trop rapide des contaminations avec cette présentation sur les nouveaux outils de prévention.

La situation de l’épidémie en Europe est très variable selon les régions (Ouest, Centrale et Est). Tandis que l’Europe de l’Ouest a connu la drastique chute de mortalité qui a suivi l’arrivée des trithérapies il y a dix ans, elle peine aujourd’hui à améliorer une situation pour le mieux stagnante et où domine très largement la contamination par voie sexuelle. C’est tout le contraire à l’est où l’épidémie est beaucoup plus récente et encore très mal maîtrisée mais qui est surtout présente chez les usagers de drogues. Si elle tend à se stabiliser, ce n’est pas gagné car l’absence dramatique de prévention fait craindre une invasion par la voie sexuelle.

L’épidémie chez les gays dans le monde

Si l’histoire est assez bien connue dans les pays occidentaux où l’épidémie atteint beaucoup plus fortement la communauté gay que le reste de la population et où le relâchement de la prévention en fait le seul segment de population dans lequel l’épidémie continue de progresser, la dissémination du sida dans la communauté gay est beaucoup moins connue ailleurs dans le monde. En Amérique latine, le principal problème est l’absence problématique de prévention ciblée envers la population homosexuelle. Totalement ignorée des campagnes d’information, elle a, comme ailleurs, une prévalence nettement aggravée. En Afrique, la situation est plus dramatique encore. Mais cela est dû principalement à l’absence totale de reconnaissance de la question. Dans la moitié des pays africains, l’homosexualité est même condamnée par la loi. La situation est loin d’être meilleure en Asie où les gays sont très majoritairement atteints. La criminalisation, la stigmatisation, l’homophobie et les tabous limitent drastiquement l’accès à la prévention, aux traitements et aux soins des gays partout dans le monde. Cela en fait une population extrêmement vulnérable d’autant plus que l’épidémie est mal connue et sous-étudiée dans beaucoup de pays.

Se pose toujours le lien entre transmission du VIH et présence des maladies sexuellement transmissibles. On sait bien que les infections augmentent le risque de transmission, voire se font le vecteur de la dissémination du VIH, du coup on s’étonne d’entendre encore le besoin d’insister sur l’intérêt que présente la prise en charge des maladies sexuellement transmissibles pour la prévention du sida.

Une synthèse des très nombreuses recherches menées sur les techniques prophylactiques, incluant la recherche vaccinale, les microbicides, la prophylaxie pré-exposition, la circoncision et les essais d’intervention comportementale a permis de poser la question essentielle qui est de savoir ce que l’on fera si ça marche. Mais la question se pose évidemment dans l’autre sens : que faire si ça ne marche pas ? Malgré son dynamisme, cette recherche a donné peu de résultats positifs. Les essais vaccinaux, les microbicides testés, les tentatives d’intervention comportementale : autant d’échecs qui ont jalonné la route jusque là. Quelques espoirs sont venus récemment éclaircir le tableau avec les remarquables résultats des études sur la circoncision. Il reste malgré tout encore de nombreuses pistes en cours d’évaluation comme les prophylaxies pré-exposition. Il est donc plus que nécessaire de se préparer à l’application à plus grande échelle de ces techniques parce que le bénéfice attendu, la diminution des nouvelles contaminations, n’aura lieu que consécutivement et encore, à condition que l’ensemble des mesures prises se réalise avec l’accompagnement nécessaire.

Africa is burning

Malgré les effets d’annonce, les difficultés à faire parvenir des traitements en Afrique ont produit des problèmes aux funestes conséquences. La compilation de données d’innombrables études de cohorte issues de 42 pays et de 176 sites de recherche a permis de faire un tour d’horizon de la situation. Un site internet est en train de rassembler toutes ces données ainsi que de proposer une observation régulière du devenir des personnes sous traitement antirétroviral. C’est donc une vision du devenir des personnes en traitement dans le monde à laquelle nous avons été conviés. Les conditions dans lesquelles les personnes vivant avec le VIH commencent un traitement diffèrent selon les régions. Le compte moyen de lymphocytes CD4 des personnes au moment de la mise sous traitement est de 164 au Canada, 187 aux Etats-Unis, 102 dans les Caraïbes, 150 à 180 en Amérique du Sud, 200 en Europe de l’ouest, 179 à l’est, entre 123 et 86 en Afrique, entre 163 et 57 en Asie. Si une moyenne proche de 200 est à peu près stable au fil des années dans les pays occidentaux, elle est passée de 50 en l’an 2000 à 100 en 2005 en Afrique subsaharienne. Ces valeurs nous montrent que partout au monde, les traitements sont démarrés trop tardivement si l’on se réfère aux diverses recommandations. Sans surprise, ils sont d’autant plus retardés quand on est dans un pays pauvre.

Pour ce qui est des médicaments, les traitements les plus utilisés en première ligne sont la lamivudine, la zidovudine et l’efavirenz en Amérique du Nord ; la lamivudine, la zidovudine et le lopinavir/ritonavir en Europe ; la lamivudine, la stavudine et la névirapine en Asie et en Afrique. Mais la diversité des combinaisons n’est pas du tout la même selon la disponibilité des traitements. Ainsi pour 90 % des malades, on utilise 59 combinaisons différentes en Amérique du Nord, 47 en Europe, 11 en Amérique du Sud et 3 en Afrique et en Asie. Puis vient la question du suivi. En compilant les données de 16 programmes d’accès aux traitements, on remarque que 4 % des personnes ne reviennent pas après la première visite et que ce sont jusqu’à 16 % des malades qui sont perdus de vue au cours des six premiers mois de traitement. Ce nombre de perdus de vue augmente avec le temps ainsi que chez les personnes ayant un compte de lymphocytes CD4 bas.

La réponse au traitement ne diffère pas lorsque l’on compare une cohorte de 2 000 malades africains avec la cohorte suisse pour ce qui est de la réponse initiale ou des rebonds de charge virale. En revanche, le nombre de changement de traitements est deux fois moindre en Afrique. Les maladies opportunistes ne sont pas les mêmes et ne se présentent pas du tout avec la même incidence. Si les malades africains sont surtout atteints de tuberculose (25 %), d’herpès (8 %) ou de cryptococcose (2,5 %), les Suisses connaissent des maladies différentes et surtout à une incidence bien plus faible, tuberculose, sarcome de Kaposi ou rétinite à CMV sont toutes en dessous de 2,5 %.
Enfin les taux de mortalité montrent une différence certaine entre le nord et le sud. Les données d’une cohorte africaine comparées à la cohorte européenne ART montrent 14 % contre 5 % de mortalité à un an. Le risque de mortalité dans le temps est systématiquement supérieur dans la cohorte africaine lorsqu’on l’analyse en fonction du compte de CD4 : la mortalité à un an pour plus de 200 CD4 est encore supérieure dans la cohorte africaine à ce qu’elle est à moins de 50 CD4 dans la cohorte européenne. Une analyse de l’évolution dans le temps comparant des cohortes africaines à des données des pays industrialisés montre que la mortalité est environ 8 fois supérieure à un mois en Afrique, cinq fois à 4 mois, et reste à 1,5 fois supérieure au-delà jusqu’à plus de quatre ans. Elle est de 9 à 10 % dans la cohorte africaine contre 0,25 à 5 % dans les cohortes Europe Etats-Unis. Mais lorsqu’on normalise ces données en fonction de l’âge, du sexe, du compte de CD4, de l’année et de l’état de la maladie, les valeurs africaines se confondent avec les données occidentales. Ceci confirme clairement, s’il le fallait encore, qu’il est possible d’obtenir les mêmes résultats en Afrique pour peu qu’on démarre les traitements plus tôt avec un suivi adéquat.

Lait maternel ou l’étrange paradoxe

Depuis de nombreuses années, la transmission de la mère à l’enfant a toujours été un des sujets de préoccupation essentiels de la recherche clinique. La prévention de ce mode de transmission par l’utilisation d’antirétroviraux est connue depuis plus longtemps que les antiprotéases. Les meilleures techniques ont permis de réduire cette transmission, initialement d’environ 30 %, à moins de 1 % dans les pays industrialisés.
Au Sud, l’accès aux antirétroviraux est beaucoup moins fréquent, essentiellement pour des raisons de prix des traitements. Depuis quelques années, les cliniciens ont renforcé les traitements préventifs afin de mieux prendre en charge la maladie de la mère et de ne pas risquer le développement de résistances. Les traitements utilisés pour réduire la transmission de la mère à l’enfant n’étaient mis en place que dans l’optique de sauver l’enfant. Il a été démontré ensuite que la faiblesse des traitements donnés à la mère pouvait provoquer des résistances rendant la molécule inefficace ensuite, voire même des résistances à tous les médicaments de cette classe. Les trithérapies ont donc été recommandées. Parallèlement, l’accent a été mis sur le risque de transmission que présentait l’allaitement au sein puisque le virus est présent dans le lait maternel. Dans les pays développés, il avait été observé que lorsque les enfants étaient nourris au lait maternel, la transmission s’élevait en moyenne à 22 %. Ce chiffre a pu être amélioré grâce à l’utilisation d’un traitement efficace chez la mère. Une trithérapie réussie réduit alors ce taux à 2 %. Mais dans les pays du Sud, les résultats sont tout autres. La mortalité infantile est beaucoup plus élevée et le fait de nourrir les enfants au lait maternel leur confère une protection indispensable contre nombre de maladies infantiles. En effet, la mère, par son lait maternel, transmet à son bébé tous les éléments de son immunité que l’enfant ne possède pas encore.

Divers essais montés en Afrique ces dernières années ont donc conclu à l’intérêt de poursuivre l’allaitement au sein malgré le risque de transmission du VIH. Il a ainsi été observé un gain intéressant en matière de prévention des diarrhées, de malnutrition et de mortalité infantile par les maladies infectieuses. La principale cause de problèmes est l’insalubrité. L’accès à l’eau potable étant souvent un luxe, souvent la balance bénéfice/risque va pencher en faveur de l’allaitement maternel. Poursuivant ses recherches, une équipe de sud-africaine a présenté un modèle complet : parmi les facteurs de risque aggravant la transmission, il y a le taux de CD4 de la mère. Ce risque est divisé par deux au-dessus de 200 CD4. Mais c’est aussi un droit pour la mère de disposer d’un traitement pour elle-même. Les résultats nouveaux portent sur l’usage de l’allaitement exclusif au sein. Les chercheurs sud-africains dévoilent leurs résultats qui montrent clairement un bénéfice en matière de transmission du VIH dans ce cas. Avec de tels résultats, il montre également la faisabilité en expliquant que les comportements sont adaptables pour peu qu’on mette en place l’accompagnement nécessaire. Enfin, il formule une recommandation qui permet de discerner les situations où l’allaitement maternel apporte un bénéfice : dans les pays où la mortalité infantile dépasse 25 pour mille. Il nous a bien semblé à la sortie de cette session que nous venions d’assister à un tournant dans l’histoire de la transmission mère-enfant, la controverse semblait enfin dissipée.

Nos amies les bêtes

Pour étudier la pathogenèse du VIH, les chercheurs travaillent avec des singes qui sont infectés par un virus presque identique au VIH, le virus simien VIS. Grâce à ces modèles, il est possible d’étudier la maladie chez les animaux pour tenter de comprendre le lien qui existe entre virus et maladie. En effet, même après 25 ans de recherche, il subsiste des zones d’ombre dans la compréhension de ce qui fait le lien entre l’infection virale et le développement de la maladie, autrement dit, la pathogenèse. En particulier, les spécialistes du sida n’ont pas d’explication claire et satisfaisante sur ce qui fait disparaître les lymphocytes CD4 au fil des ans chez un séropositif.

Les singes sont ici d’un grand secours puisqu’ils permettent, entre autres, d’étudier une maladie dans d’autres conditions que celle de l’homme. En effet, le VIS ne provoque pas chez tous les animaux un développement comparable de la maladie. Certains singes contrôlent très bien l’infection. En comparant les paramètres de développement différents, on arrive à la conclusion que ce n’est pas tant l’activité virale qui détruit l’équilibre du système immunitaire et conduit à la disparition progressive des lymphocytes CD4, que l’activation immunitaire elle-même qui est la cause de la maladie. Le sida peut donc être considéré dans ce modèle comme une insuffisance de reconstitution du stock de lymphocytes mis à mal par une activité débordante. Dès lors, il faut considérer l’intérêt d’une immunothérapie avec l’interleukine 7.

Dangereuse reconstruction

L’IRIS, le syndrome inflammatoire de reconstitution immunitaire est une des préoccupations majeures des cliniciens depuis l’arrivée des trithérapies. En effet, très rapidement après leur introduction, on a remarqué qu’un certain nombre de malades avaient des réactions parfois violentes de leur immunité en reconstruction. Ce syndrome peut être considéré comme une réaction aberrante de l’immunité cellulaire à des agents infectieux précis. Il existe une différence entre réponse immune excessive qui est une maladie de la restauration immunitaire et réponse ineffective qui est une maladie causée par l’immunodéficience. Lorsque l’on parle d’IRIS, c’est bien du premier type d’affection dont il est question, d’où le terme d’IRD (Immune Restauration Disease). Ce syndrome est plus fréquent dans le monde en développement où l’espérance de vie après le démarrage d’un traitement est beaucoup plus faible que dans les pays industrialisés. Une bonne partie de cette différence est sans conteste due aux IRIS.

L’essentiel de ces affections se produit au cours des trois premiers mois suivant le démarrage des antirétroviraux et elles sont le plus souvent dues à des cryptocoques - méningites - ou des mycobactéries - essentiellement la tuberculose - et d’autres parasites comme la leshmania ou l’histoplasma mais peuvent aussi être le résultat d’infections virales à cytomégalovirus (CMV), certains virus herpès, le virus JC - responsable de LEMP, voir plus loin - ou encore des virus hépatiques. Le syndrome est ici causé parce que la reconstitution immunitaire provoquée par l’utilisation des antirétroviraux démasque une infection qui n’était pas visible en provoquant une réaction immune excessive. Dans d’autres cas, il s’agit d’une réactivation paradoxale d’une infection préexistante. Mais l’IRD peut aussi intervenir tardivement, jusqu’à 24 mois après le début d’un traitement. Il s’agit alors le plus souvent d’uvéites à CMV, de méningites et d’autres pathologies à cryptocoques, de lymphadénopathies à MAC ou à histoplasmes. Une étude de cohorte d’Afrique du sud a montré les incidences typiques de ces syndromes. Environ 25 % sont atteints de cet effet de démasquage. Le type paradoxal, lié au cryptocoque ou aux tuberculoses à Mycobactéries concerne entre 4 et 50 % des participants de la cohorte - une forte variation puisque cela dépend essentiellement d’un autre facteur typique de risque de développer un tel syndrome : le compte de lymphocytes CD4 au moment de débuter un traitement antirétroviral.

Le développement des IRIS est en fait la conséquence de l’accumulation de différents critères. En premier lieu, le développement de ces syndromes est fréquemment facilité par la présence chez les malades d’une susceptibilité de leurs propres gènes à certains agents pathogènes, en particulier dans les cas des virus herpès ou bien des maladies à mycobactéries. En deuxième lieu intervient la présence de certains agents pathogènes. Il peut s’agir d’infections opportunistes qui sont actives au moment de commencer un traitement antirétroviral ou qui n’étaient pas détectables, notamment lorsque l’immunité était trop faible, ou bien dues à des agents non viables. Dans une étude particulière sur la tuberculose, on a pu constater aussi que le temps qui sépare le diagnostic d’une infection de ce type et le démarrage d’un traitement antirétroviral est essentiel. Plus la prise d’antirétroviraux est précoce, plus le risque est grand, suggérant que le traitement des maladies opportunistes et la maîtrise de ces infections, c’est-à-dire le contrôle, doit précéder le traitement antirétroviral pour diminuer le risque de développer un IRD. C’est aussi remarquable dans le cas des hépatites comme l’a montré l’étude TICO menée à Bangkok et dont les résultats montrent que le risque d’hépatite fulgurante au démarrage du traitement antirétroviral est plus fréquent avec une charge de virus VHB forte préexistante.

Enfin, comme il a été dit, un compte de lymphocytes CD4 en dessous de 50 prédispose de toute évidence plus au risque d’IRIS. Ainsi, les personnes qui commencent un traitement antirétroviral avec un compte de lymphocytes CD4 faible sont exposées plus que les autres à un risque de dysfonctionnement de l’immunité. C’est ce qu’on a déjà vu depuis plusieurs années puisqu’on a montré notamment que la reconstitution immunitaire provoque chez certaines personnes la production de lymphocytes T effecteurs qui favorisent l’inflammation (Th1) au détriment de ceux qui la modèrent (Th2), créant ainsi un déséquilibre. Parmi ces cellules effectrices, on a aussi découvert récemment le rôle de lymphocytes appelés Th17, favorisés par l’interleukine 6 et qui jouent un rôle dans l’inflammation et les lymphocytes régulateurs sur lesquels on manque encore de connaissances. L’hypothèse présentée est que l’IRIS est un phénomène de déséquilibre entre les deux familles de cellules de l’immunité, à savoir entre les lymphocytes T effecteurs et T régulateurs. Un certain nombre d’observations viennent étayer cette hypothèse, comme le taux élevé d’IL-6 et le rôle dans ce phénomène des lymphocytes Th17. Mais on a aussi observé chez des personnes ayant un IRD un taux anormalement élevé de cellules régulatrices. Il est possible que des cellules dendritiques (celules ramifiées) susceptibles de provoquer cette dérégulation aient un rôle pathogène par la sécrétion excessive des cytokines de l’inflammation, interféron gamma et IL-10. Une étude vient de démarrer pour apporter des preuves à cette hypothèse. Il faudra donc se revoir à Sydney lors de la prochaine conférence de l’IAS sur la pathogenèse et les traitements de l’infection à VIH pour en avoir les résultats et ainsi avancer sur ce terrain difficile des IRIS.

Organismes génétiquement différents

Devant l’énorme disparité d’évolution de la maladie chez les séropositifs, le domaine de recherche en grand développement est l’étude des disparités génétiques. Mais il s’agit avant tout de travaux d’observation où l’on tente de comprendre si cette disparité permet d’expliquer avec précision la différence des comportements en matière d’infectivité, de développement de la maladie, de vitesse de réaction ou de différences par rapport à une thérapie. On a pu assister lors d’une session de présentations orales à tout un ensemble de données sur ces sujets. Ainsi le risque de surinfection est différent selon les individus et dépend de la capacité à développer des anticorps neutralisant contre le VIH. Ceux qui en sont capables arrivent à bloquer la transmission du virus de leur partenaire ou même d’autres. Mais ce n’est pas, loin s’en faut, le cas de tout le monde. Plusieurs résultats d’étude sur la variabilité génétique des outils essentiels que notre système immunitaire possède pour reconnaître les agents étrangers, les protéines HLA, permettent d’expliquer que la progression de la maladie est plus ou moins rapide selon les individus. En effet, il y a une forte corrélation entre la qualité de reconnaissance des protéines virales et l’efficacité des cellules immunitaires à détruire les lymphocytes infectés.

Nouvelles molécules

Les résultats intermédiaires des essais Motivate I et II sur le premier anti-CCR5, le maraviroc, chez des patients ayant une forte expérience de traitement montrent que la piste est intéressante. Certes, la réduction de charge virale, 1,03 log dans le bras placebo contre 1,82 à 1,85 log dans les bras de traitement est assez impressionnante, surtout avec le décorum et les courbes en cinq mètres de haut. Mais qui a vu ces résultats passés rapidement, dans lesquels on constate que chez les personnes pour qui les autres molécules du traitement sont toujours actives, le maraviroc ne rajoute rien, contrairement à d’autres traitements ? Peu de gens sans doute : l’illusion est à son comble, l’empereur de l’industrie pharmaceutique a fait son show. Il réussit même à faire oublier le principal problème que pose l’utilisation de ce traitement à ce jour : il n’est efficace que sur les virus qui infectent les cellules en utilisant le co-récepteur cellulaire CCR5. Or le test permettant de déterminer cela est l’exclusivité d’un laboratoire américain, coûte une fortune, n’est pas remboursé et manque sérieusement de précision.

C’est une présentation des essais Benchmark I et II qui suit. Il s’agit des derniers résultats de l’anti-intégrase de Merck, le MK-0518 baptisé désormais raltegravir. Voilà des résultats intéressants d’un nouveau produit qui promet de renforcer utilement la palette des traitements antirétroviraux. Pour ce produit aussi, l’étude réalisée chez des personnes ayant eu plusieurs traitements, la comparaison de l’efficacité selon le nombre de molécules encore actives a été faite. Et dans ce cas, même lorsque le traitement de base est encore totalement actif, le raltegravir rajoute de l’efficacité. Cependant, dans ce cas également la prudence est de mise. Le laboratoire a toujours eu du mal à communiquer sur deux aspects de ce nouveau traitement qui risquent d’interrompre ce beau rêve un peu brutalement. D’une part, les résistances à ce traitement pouraient se développer extrêmement rapidement, plus facilement peut-être qu’avec les non nucléosidiques. De plus, les connaissances actuelles sur l’intégration laissent planer un doute sur le fait que bloquer l’intégrase suffise à empêcher totalement l’intégration du génome viral. D’autre part, ce mécanisme totalement nouveau intervient dans un milieu extrêmement sensible : les protéines ayant une action sur l’ADN. Une certaine prudence est donc de mise avant d’être sûr d’avoir éliminé tout risque de toxicité du produit à long terme.

Le poster présentant les résultats de l’essai ANRS 125 montre qu’un traitement antirétroviral intensifié et contenant de l’enfuvirtide (Fuzéon®) pouvait accélérer la reconstitution d’une immunité contre le virus JC responsable des leuco-encéphalopathies multiformes progressives, les LEMP. Les résultats préliminaires de l’essai, présentés ici, suggèrent que cette intensification améliore la survie des malades et associe à ce constat une diminution des traces de virus dans le système nerveux central ainsi que l’apparition d’une réponse immunitaire dirigée contre le virus JC.

Un autre poster présentait l’enquête ANRS EN19 Mortalité 2005. Il montre que la baisse de la mortalité due au sida amorcée il y a dix ans avec l’apparition des trithérapies se poursuit bien que le sida reste toujours la principale cause de mortalité des séropositifs. Dans l’évolution de la maladie, la mortalité est principalement due aux conséquences d’un lymphome non Hodgkinien. La proportion de décès de cancers non liés au sida, de maladies cardiovasculaires et de maladies du foie est en augmentation et pourrait s’expliquer par l’âge et les co-morbidités ainsi qu’au moins deux facteurs modifiables du comportement que sont la consommation de tabac et d’alcool. En conséquence, en plus des soins spécifiques à l’infection à VIH, l’accompagnement des personnes vivant avec le VIH devrait systématiquement comporter une prévention de ces comportements et une détection précoce des morbidités qui y sont liées.