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Edito

août 1996, par Didier Lestrade

Les déclarations homophobes du Pr Albert Germain et d’Edith Cresson, cet été, sont à remplacer dans le même contexte que la tentative de répression menée par le Sénat au printemps dernier. Elles sont symptomatiques d’un état dans lequel il n’existe plus de contrôle face aux tentatives bigotes des adversaires de la prévention et de la tolérance.

C’est parce qu’il n’y a pas de discours politique français sur le sida, c’est parce que l’Agence française de lutte contre le sida (AFLS) n’est qu’une agence sans pouvoir d’arbitrage (ou même sans pouvoir tout court) que les homophobes et les sidaphobes peuvent se permettre de perdre tout self-contrôle éthique. Car les réactionnaires savent bien que personne n’est en charge du dossier sida en France. Dans le cabinet Bianco, notre nouveau ministre des Affaires sociales, il n’y a pas un seul conseiller sida. À la Conférence de Florence, le ministère de la Santé n’était même pas représenté. L’absence de campagnes de prévention réellement efficaces laisse la porte ouverte à tous les dérapages. La passivité de l’Agence nationale de recherche sur le sida (ANRS) permet aux laboratoires Mérieux de retirer purement et simplement l’Imuthiol sans donner la moindre explication.

Encore une fois, ce sont les séropositifs et les malades du sida qui subissent le plus durement ces attaques. Qu’importe si l’AFLS voit l’ensemble de sa politique de prévention ternie par les seules déclarations du Pr Germain. À la rigueur, elle le mérite. Que ses dirigeants démissionnent, s’ils n’ont pas les moyens financiers et politiques de travailler ; on pourra difficilement trouver pire. Tandis que les personnes vivant avec le VIH voient, une fois de plus, leur place dans la société reculer, les obligeant à se réfugier dans la peur. La communauté sida naissante fait face à un nouvel ordre moral institué par une nouvelle génération de technocrates sida dont l’éthique est totalement dépassée par les besoins concerts des malades.

Face à ces attaques, il n’y a plus de place désormais que pour la colère et l’action. Les malades doivent clairement montrer leurs exigences et obliger les pouvoirs publics à prendre des sanctions contre ces abus de langage. Nous avons déjà un Le Pen, nous n’avons pas besoin d’un Germain ou d’une Cresson.