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Aids vaccine 2005 (1)

mardi 20 septembre 2005

Le vaccin est-il la solution ultime au cauchemar du sida ? Où en est la recherche sur un vaccin ? Est-il raisonnable d’espérer que les recherches aboutissent ? Plutôt que de tourner en rond avec nos questions, nous sommes allés voir ce qui se passe à Montréal où se déroulait du 6 au 9 septembre la conférence annuelle sur la recherche vaccinale « AIDS VACCINE 2005 ».

En préambule à la conférence les membres de l’AAVP (African Aids Vaccine Programme) conviaient les participants autour d’une session de réflexion sur les thèmes centraux de leur travaux : l’organisation des autorités de régulation en Afrique et la question de l’éthique des essais vaccinaux.

Cette organisation issue d’un groupe de chercheurs africains intéressé par la recherche vaccinale a pour objectif d’améliorer les structures destinées à l’organisation des essais de vaccins VIH en Afrique. L’organisation, hébergée par l’ONUSIDA, s’est dotée de nombreux groupes de travail, dispensation de l’information, formation des personnels soignants, mobilisation des ressources, études épidémiologiques mais aussi réflexions sur les considérations éthiques et questions stratégiques. La tâche n’est donc pas mince comme le soulignait Pontiano Kalebu, membre de l’AAVP et de l’institut ougandais de recherche virale puisque, si des règles et des structures capables d’assurer la régulation commencent à exister dans quelques pays d’Afrique, tous manquent encore d’expérience et de références sur l’art et la manière de conduire les essais vaccinaux. C’est pourquoi, leur objectif premier est aussi de développer un réseau entre tous les acteurs afin qu’ils travaillent sur les mêmes bases et partagent leurs travaux et leurs idées.

Dans cette optique, l’AAVP a mis en place un groupe de travail capable de construire des règles communes pour l’organisation des essais cliniques de vaccins anti-sida. Leur objectif est aussi de renforcer la coopération et d’aider les autorités de régulation nationales des différents pays qui participent à l’effort de recherche sur les vaccins dans leur tâche. Après avoir organisé plusieurs réunions de travail tant dans les pays d’Afrique d’expression anglaise que française, ce groupe tiendra son premier rassemblement en février 2006.

Sur la question de l’éthique des essais vaccinaux, Nicola Barsdorf a proposé aux participants l’ensemble des questions éthiques que soulèvent l’organisation d’essais vaccinaux en Afrique. Elle a aussi décrit le travail réalisé jusque là au cours des deux ateliers de Lagos et Kampala qui ont abouti aux documents sur la question de la propriété des données recueillies et sur l’accès aux traitements pour les personnes qui deviendraient séropositives en cours d’essai. Parmi les questions à l’étude du groupe figurent l’étude des législations et réglementations actuelles ainsi que la rédaction de documents guides.

L’AAVP organisera sa troisième réunion bisannuelle du 17 au 19 octobre prochains à Yaoundé (Cameroun).

Mitchell Warren au nom de l’association américaine pour la défense de la recherche vaccinale a expliqué ce que signifie la participation des communautés à la recherche. Il a défini d’abord la communauté des personnes susceptibles de se prêter à la recherche comme un dispositif concentrique autour des personnes dont les liens vont en se diluant. Il définit ainsi la communauté immédiate, les proches et les amis, la communauté environnante, milieu professionnel, cercle de loisirs, milieu associatif, entourage, la communauté élargie, associations concernées, médias et pouvoirs locaux, la communauté nationale, partis politiques, syndicats, administrations, et la communauté mondiale, ONG, agences internationales. On ne peut pas faire abstraction d’un de ces cercles quand on veut gagner une cause. L’ensemble se tient. C’est pourquoi, il est nécessaire pour réussir le défi de l’organisation des essais vaccinaux de sensibiliser et d’intégrer toutes ces souches dans le développement des programmes d’essais. Il définit aussi par analogie aux bonnes pratiques cliniques, ce qu’il appelle les bonnes pratiques communautaires et il précise que si les groupes de référence communautaires (Community advisory board) sont un système absolument indispensable pour réussir, ils ne sont pas pour autant suffisants. Il a terminé son intervention en citant l’affaire des essais de prophylaxie pré-exposition basés sur le ténofovir comme moyen de prévention de la transmission. Cet exemple montre l’importance de la participation active des communautés dans le processus de recherche pour aboutir à une recherche éthique et de qualité.

Session d’ouverture

Après les remerciements d’usage, Rafick-Pierre Sékaly, président de la conférence a présenté le programme de cette réunion consacrée entièrement à la recherche vaccinale contre le sida. Un programme d’une haute tenue scientifique fait de 350 résumés de travaux proposés au comité scientifique. La discussion sera favorisée autant que possible comme en attestent les tables rondes qui concluront chaque symposium. 50 pays sont représentés à cette conférence dont 39 le sont par une présentation écrite ou orale. Les sujets proposés vont de la recherche fondamentale et clinique aux défis logistique et socioculturels posés à la recherche vaccinale.

Anthony FAUCI, le directeur de l’institut américain des maladies infectieuses, le NIAID, a ouvert la série des discours inauguraux. Il n’a pas passé beaucoup de temps à convaincre l’auditoire conquis d’avance sur le besoin d’un vaccin compte tenu de l’ampleur de la pandémie. C’est la dernière solution qui nous manque encore dans le développement de la prévention contre le sida, a-t-il rappelé. Mais c’est un besoin incontournable pour contrôler l’épidémie. Cependant, c’est aussi un défi scientifique. Comparé au développement d’autres vaccins, le sida pose le problème de ne pas s’appuyer sur l’immunité naturelle. Au contraire, la réponse immunitaire est inadéquate, le VIH se dissimule et échappe par sa rapidité de mutation à l’immunité et même la détruit. Il reste donc un immense chantier pour aboutir au vaccin.

Mais le nerf de la guerre, en matière de recherche, ce sont les financements. Malgré une politique budgétaire difficile, le financement de la recherche sur le sida et sur le vaccin en particulier aux Etats-Unis ne faiblit pas grâce à la volonté présidentielle en la matière. Le Directeur du NIAID en profite d’ailleurs pour rappeler que les États-Unis sont de loin le premier financeur public de la recherche vaccinale avec 516 millions de dollars en 2004 face à 57 millions pour l’Union Européenne, 30 millions pour les autres contributions publiques et 68 millions de financement de l’industrie privée. Il rappelle néanmoins l’impérieux besoin de collaboration et de coopération entre les équipes afin de ne pas gaspiller les forces et les idées d’où qu’elles viennent. Il rend hommage à la Global Aids Vaccine Enterprise qui a reçu récemment le soutien des membres du G8 et qui permet une concertation au niveau mondial de tous les acteurs de la recherche vaccinale.

Enfin il a annoncé la création du CHAVI, le Center for HIV/AIDS Vaccine Immunology. Il s’agit d’une initiative du président américain à la suite de la réunion du G8 qui a souhaité la création de ce centre de recherches entièrement consacré au vaccin contre le VIH et dont la mission est de participer aux travaux concertés par la Global Aids Vaccine Enterprise.

Le vice-président ougandais, le Pr. Gilbert Bukenya présentait ensuite le tableau tristement connu des ravages de l’épidémie de sida en Afrique. Il complète cette description en exposant les solutions apportées par les gouvernements et les initiatives qui se mettent en place pour pouvoir accueillir les essais vaccinaux. Dans la grande lutte pour la découverte d’un vaccin, l’Afrique est prête à apporter sa contribution. Le vaccin, nous en avions besoin hier, concluait-il.

Stephen Lewis, l’envoyé spécial des Nations Unies sur le sida en Afrique, n’a pas ménagé l’auditoire. A l’adresse de Tony FAUCI, il n’a pas hésité à rappeler qu’on pouvait se réjouir des petits budgets concédés par le Congrès américain au NIAID et à la recherche sur le sida, quant au même moment les parlementaires américains votaient sans sourciller un budget de 80 milliards de dollars pour financer la guerre en Irak. Face aux millions de nouvelles contaminations annuelles et aux 3,9 millions de morts l’année dernière, cette logique reste incompréhensible. Il a ensuite déploré que le vaccin contre le sida ne fasse pas partie des agendas officiels de la prévention de l’épidémie. Il a aussi fustigé les membres du G8 qui ne financent toujours pas la recherche vaccinale. Alors qu’il revenait de la conférence de refinancement du fonds mondial qui vient de se tenir à Londres, il déploré le résultat de cette rencontre : 3,7 milliards de dollars pour 2006-2007 promis par les pays qui soutiennent le fonds. Il a rappelé que les besoins estimés par l’ONUSIDA sont de 16 milliards pour la seule année 2006 et de 18 milliards en 2007. Si le financement du strict nécessaire n’est pas assuré, c’est encore la recherche du vaccin qui sera sacrifiée.

C’est à une autre échelle qu’il faut voir les choses : face à une épidémie qui, dans les régions où elle frappe le plus, touche essentiellement les femmes, le vaccin représente un espoir extraordinaire. « Si seulement l’on pouvait franchir le Rubicon de la volonté politique... Je ne crois pas que le monde réalise à quel carnage nous allons être confrontés ». C’est pourquoi, il encourage tous les participants à la conférence à se faire les ardents défenseurs de la recherche vaccinale et à ne jamais laisser leur détermination faiblir. En conclusion, il raconte comment, en traversant récemment un village ougandais qu’il a connu il y a pas mal d’années, il a été frappé par le changement sinistre : le village n’est plus peuplé aujourd’hui que de vieillards et d’enfants, tous les adultes sont morts. Cette image, plus que toute autre discours montre à quoi nous faisons face.