Accueil > International > Sida, nous pouvons mieux faire

Sida, nous pouvons mieux faire

mercredi 2 février 2005, par Amédée Thévenet, Jean-Luc Roméro, Jérôme Martin, Luc Barruet, Pierre Bergé

Les ministres des Finances des sept pays les plus riches de la planète se réunissent ce vendredi à Londres. A l’agenda : les engagements pris en l’an 2000 pour le développement des pays pauvres, parmi lesquels figure la lutte contre le sida. Or, mercredi dernier, à l’occasion du Forum économique mondial, le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé a rendu public un rapport d’étape sur l’initiative « 3x5 », lancée le 1er décembre 2003 et visant à mettre 3 millions de malades du sida sous traitement VIH d’ici à fin 2005 dans les pays pauvres.

Il apparaît qu’à l’échelle mondiale, le nombre de malades du sida ayant accès au traitement anti-VIH dans le monde a fait un bond sans précédent en 2004, avec une augmentation de plus de 75 %.

C’est en Afrique subsaharienne « la région au monde la plus touchée » que les avancées ont été les plus spectaculaires, avec un doublement du nombre de malades traités au cours des six derniers mois, de 150 000 à 310 000. En Asie, quasi doublement aussi, de 60 000 à 100 000. Dans plus de dix pays d’Amérique latine et un pays d’Afrique (le Botswana, où 40 % des adultes sont séropositifs), au moins la moitié des malades ont pu bénéficier d’un traitement l’année dernière. Deux autres pays ravagés par l’épidémie, l’Ouganda et la Thaïlande, devraient atteindre les 50 % dans les prochains mois.

Dans les pays où l’accès aux thérapies anti-VIH a le plus progressé, les médecins observent, par ailleurs, des changements fondamentaux en matière de prévention. En effet, l’amélioration manifeste de la santé des personnes touchées par le VIH/sida influe sur le comportement du reste de la population, éloigne la peur panique de la maladie et les attitudes stigmatisantes à l’égard des malades ; l’espoir de bénéficier d’un traitement efficace devient plus fort que la crainte de tout perdre : les individus recourent plus facilement au dépistage, ils dépassent le tabou et osent discuter de leurs pratiques sexuelles avec les acteurs de la prévention.

Les bénéfices de l’élargissement des programmes d’accès aux traitements dépassent de loin la santé des malades et les comportements préventifs, ils profitent à l’ensemble de la société.

Un effort sans précédent a donc été accompli l’an dernier par les habitants et les gouvernements des pays les plus touchés par le sida, et ce n’est qu’un début : d’après les experts de l’OMS, sur les 6 millions de personnes qui ont besoin de traitement cette année, 3 millions pourraient être sauvés si le monde continue sur sa lancée.

Mais l’Organisation mondiale de la santé a également tiré la sonnette d’alarme : il manque près de la moitié de l’argent nécessaire pour mener à bien « 3x5 ». Ce sont 2 milliards de dollars que les pays donateurs doivent apporter en urgence.

Cela est encore possible. L’annonce par Tony Blair du doublement du budget britannique dévolu à la prévention du sida dans les pays en développement, de 350 à 700 millions d’euros entre 2004 et 2005, prouve qu’il n’y a pas d’impossibilité intrinsèque à trouver beaucoup d’argent. Concernant les délais, la tragédie du raz de marée en Asie montre que, face à des enjeux humanitaires exceptionnels, les pays riches sont susceptibles de se mobiliser en quelques semaines.

Le gouvernement français a fait du sida la « grande cause nationale » pour l’année 2005. Nous, associations françaises impliquées dans la lutte contre le sida, appelons aujourd’hui le président de la République à envoyer un signal fort à la communauté internationale. A l’occasion de la réunion des ministres des finances du G7 ce vendredi, nous demandons au président de la République de contribuer à hauteur de 700 millions d’euros à la lutte internationale contre la pandémie, et de participer ainsi au sauvetage de l’initiative « 3x5 », dont la vie de 3 millions de malades du sida dépend cette année.


Pierre Bergé, président de Sidaction-Ensemble contre le sida ; Luc Barruet, fondateur et directeur de Solidarité sida ; Jérôme Martin, président d’Act Up-Paris ;Jean-Luc Roméro, président d’Elus locaux contre le sida (ELCS) ; et Amédée Thévenet, président de Sida info service.

Cette tribune est parue mercredi 2 février 2005 dans Libération.