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Comment épouser un millionnaire ?

jeudi 1er mai 2003

Les pharmacies hospitalières ne vont pas bien. Dans un système hospitalier au bord de la crise de nerf, les pharmacies d’hôpital manquent particulièrement de moyens humains.

L’été dernier, les manques d’effectifs ont mené les pharmacies hospitalières à fermer plusieurs demi-journées supplémentaires par semaine. Certains pharmaciens hospitaliers ont mis un mouchoir sur leur éthique et refoulé des malades de leur salle d’attente, sous prétexte que leurs ordonnances ne provenaient pas du même hôpital.

Un vrai scandale, et une vraie instrumentalisation des malades : pour obtenir des postes supplémentaires, ces pharmaciens chefs entendaient se servir de la voix des malades en les poussant à la révolte. C’est le cas du Pr. Leverge de l’hôpital Lariboisière à Paris, président d’honneur d’un des principaux syndicats de pharmaciens de CHU (SNPHPU). Du haut de sa position « honorifique », il a même encouragé ses confrères à suivre son exemple.

Arroseur arrosé, le 1er octobre 2002, le Pr Leverge a essuyé un zap d’Act Up dans son hôpital, au moment même où nous investissions le siège de l’Assistance Publique - Hôpitaux de Paris (AP-HP) pour réclamer une enquête, des sanctions contre ces
pratiques dangereuses, et des conditions décentes d’accès aux traitements.

Mais voilà, nous n’avons toujours pas de résultats : l’enquête sur les modalités de prise en charge des malades ambulatoires en pharmacie d’hôpital semble au point mort. La seule amélioration se situe à Paris : deux postes ont été pourvus à la pharmacie de Lariboisière. Les autres pharmacies hospitalières manquent toujours autant d’effectifs et de moyens.

En réalité, les moyens financiers ont été trouvés puisqu’une jurisprudence de juillet 2002 a obligé la CPAM du Lot à verser les 15% demandés par le CHU de Montpellier. Désormais les pharmacies hospitalières peuvent donc facturer à la Sécurité sociale la rétrocession [1] des médicaments délivrés aux malades ambulatoires, dans une marge de 15%. 15% sur des médicaments aussi chers que les antirétroviraux, c’est une véritable manne financière que les hôpitaux se sont empressés de ramasser. Mais si les pharmacies, en manque de moyens, dégagent de nouvelles ressources, cet argent ne leur revient toujours pas.

Depuis plusieurs mois, la direction de l’AP-HP reçoit ainsi des sommes importantes dégagées par la rétrocession hospitalière de médicaments, mais les pharmacies n’en voient toujours pas les premiers euros, car le décret d’application de la loi de 1992 devant, entre autres, fixer le pourcentage de marge pour cette rétrocession hospitalière, n’est toujours pas publié. Les hôpitaux considèrent donc les pharmacies hospitalières, ainsi que les autres services hospitaliers, comme indépendantes de la gestion de leur établissement. En attendant que l’État statue, par décret, sur le taux à reverser aux pharmacies, les hôpitaux s’arrogent les 15% pour leur gestion hospitalière, privant du même coup toute amélioration des pharmacies. 10 ans d’attente, 10 ans de vide juridique, 10 ans de dégradation des conditions en pharmacie d’hôpital.

Nous sommes en avril et à part quelques cache-misère ici ou là, rien n’a changé : l’été verra encore des pharmacies fermées, des malades en difficulté pour suivre leur traitement et des conditions d’accès aux soins dégradées. Ce qui était un problème d’argent est devenu un problème de gestion. Il serait temps que les pouvoirs publics prennent leurs responsabilités : 10 ans pour sortir un décret alors qu’il y a urgence, c’est inadmissible.


[1On appelle « rétrocession » la délivrance dans les pharmacies hospitalières de médicaments destinés à soigner des malades non hospitalisés. Les médicaments ainsi rétrocédés ne sont plus réglés par le financement global de fonctionnement versé aux établissements de santé. Ils sont au contraire pris en
charge et remboursés directement par
l’assurance maladie.