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Le marketing humanitaire des labos

juin 2000

Depuis un an, sous l’effet d’une mobilisation internationale grandissante, les laboratoires pharmaceutiques tentent de racheter leur image sans pour autant perdre le contrôle des marchés.

 En 1999, au moment où l’opinion publique s’insurge contre les chantages et les pressions que BMS exerce sur certains pays pour empêcher une production nationale de traitements à meilleur prix, le laboratoire lance son opération de marketing humanitaire " Secure the Future " . Ce programme a pour mission d’éduquer les communautés et de financer des projets de recherche mais surtout pas de s’engager sur l’accès aux médicaments. Au prix où le laboratoire vend ses traitements il est vrai que les 100 millions du programme seraient vite engloutis.
Là où les laboratoires pharmaceutiques nous intéressent c’est lorsqu’ils procurent aux malades des molécules. Leur velléité de charité contrite ne nous regarde pas.

 En mars 2000 un groupe de malades d’Afrique du Sud, à la tête d’une campagne internationale, soumet au laboratoire Pfizer l’alternative suivante : vendre le Triflucan au prix pratiqué par un producteur de génériques thaïlandais (15 fois moins cher que celui de Pfizer) ou autoriser le gouvernement à produire lui-même. Le laboratoire cherche à gagner du temps et annonce en avril une donation de Triflucan aux malades du sida sud-africains dans l’impossiblité de payer le traitement et atteints d’une méningite à cryptocoque.

En proposant des traitements gratuits à des personnes qui meurent faute de ne pas y accéder, Pfizer minimise les risques de voir son offre refusée. Autrement dit le labo fait un coup médiatique assuré. En concrétisant cette offre — ce qui n’est toujours pas fait — il mettrait sous perfusion un pays entier, tributaire de sa bonne volonté. La donation de médicaments permet aux laboratoires de jouer les grands seigneurs tout en faisant des économies (supression de taxes et autres avantages fiscaux) sans avoir à afficher des prix à la baisse. Ce n’est en aucun cas une option à long terme ni pour les pays, ni pour les malades.

 Enfin en mai, cinq laboratoires annoncent qu’ils entament une réflexion sur une éventuelle politique de réduction des prix pour les pays pauvres. Les organismes internationaux ONUSIDA et OMS se font courtiser par l’industrie pharmaceutique et en oublient de défendre la santé des malades. Plusieurs mois plus tard, aucune mesure concrète n’a été prise. Rien ne prouve que ces laboratoires sont enfin prêts à appliquer une grille tarifaire en adéquation avec les capacités de paiement des pays pauvres. En outre pour pouvoir disposer de la gamme complète des possibilités thérapeutiques il faudrait que l’ensemble des compagnies rejoigne le dispositif, ce qui n’est pas le cas.

Les annonces se succèdent et chacun tente de se dédouanner mais la réalité des malades n’a pas changé.

Il y a donc urgence pour les pays pauvres à trouver d’autres solutions, en faisant produire les médicaments génériques par des industries nationales, en constituant des marchés régionaux, en les achetant là où ils sont vendus à des prix abordables.