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Liberté d’expression pour les personnes détenues

vendredi 25 octobre 2002

Qu’on se le dise : la prison est un lieu de non-droit. À Marseille, Yves Peyrat l’a appris à ses dépens. Condamné pour avoir tenté de plastiquer des locaux du FN, il se retrouve placé depuis le 1er octobre en quartier d’isolement pour avoir diffusé un tract demandant la libération de tous les détenus malades.

Yves Peyrat, militant anti-fasciste a été condamné à 5 ans d’emprisonnement dans le cas de l’affaire FTP, une série d’actions-sabotage contre des locaux du Front National. Il est emprisonné au centre de détention de Salon.

A la suite de la diffusion du tract retranscrit ci-derrière, Yves Peyrat a été placé en quartier d’isolement le 1er octobre dernier. La commission disciplinaire l’a condamné le 4 octobre à 12 jours de prison supplémentaires avec sursis.

Suite au battage médiatique récent autour des prisons, en particulier à cause de l’affaire Papon, il n’a pas été condamné par rapport à sa liberté d’expression, mais pour avoir utilisé à des fins « personnelles » le matériel informatique de la prison. On lui reproche également que le tract se soit retrouvé dans un bâtiment auquel il n’a pas accès.

Yves Peyrat risque un ralentissement de remise de peine et la suppression de ses permissions de sortie. Il devait être libérable en 2003, cela peut être également remis en question. Enfin, il risque d’être transféré dans un autre établissement, plus éloigné de Marseille et donc de sa famille. Tout cela pour avoir demandé la même justice pour tous.

Voici le tract du délit :

Même justice pour tous !

Une fois de plus, la prison revient au 1er plan de l’actualité. Après l’été chaud dû à la surpopulation carcérale, consécutive à la politique sécuritaire menée par le nouveau gouvernement, sur les traces du précédent, c’est le cas de Papon qui défraye la chronique. Notre propos n’est pas de prendre position sur ce qui l’a conduit entre 4 murs. L’Histoire, et les hommes l’ont déjà jugé, et nous espérons que ses nuits seront hantées par les visages de ses victimes.

Ce qui nous importe, c’est le motif de sa remise en liberté, fondé sur son grand âge et son état de santé, incompatible avec la détention. Pour autant ils sont des centaines de détenus (plus de 400 selon le rapport de la commission d’enquête parlementaire sur les prisons) a dépassé les 80 ans et plusieurs milliers à souffrir de maladies graves type sida, leucémies, cancers, etc., etc. quand ils ne sont pas en fin de vie. Pour eux pas de comité de soutien, ni de remise en liberté, mais très souvent l’hôpital où on les laisse partir pour y mourir, histoire de ne pas avoir à comptabiliser leur décès dans les statistiques des morts en prison.

Salon n’échappe pas à ce phénomène, qui transforme depuis plusieurs années, les prisons en asile psychiatrique ou en dispensaire pour personnes âgées. C’est ainsi qu’au 3ème étage du Bat. A, on peut trouver un détenu de 83 ans, ne se déplaçant qu’avec une canne et très difficilement ou un autre de 73 ans quasi aveugle, qui ne sort pratiquement jamais de sa cellule, si ce n’est que pour des allers retours dans le couloir. Toutefois il n’est pas suffisant de se scandaliser dans les seuls moments où la prison occupe les 1ères pages des médias. Il faut aussi pointer du doigt, la responsabilité de l’institution judiciaire dans la question de la surinflation carcérale.

Entre 1978 et 1998, les peines de 5 ans ont augmenté de 1020%, les condamnations de plus de 10 ans de 233 % et les perpétuités de 100%. Ceci s’explique entre autre, par une diminution très importante des libérations conditionnelles, plus aucune commutation et le peu d’aménagement des peines et alternatives à celles-ci.

Depuis Janvier 2002, le CDR de Salon a hérité d’une Procureur, Mme Zentar, qui quasi systématiquement, fait appel sur les décisions de libérations conditionnelles prises par la JAP, Mme Blin, alors que les dossiers des détenus s’inscrivent dans le cadre de critères définis par la loi pour en bénéficier. Exemple d’un détenu demandant à bénéficier d’une conditionnelle parentale, ayant 2 enfants de moins de 10 ans, et moins de 4 ans de peine à effectuer et dont la femme est morte dans un accident de voiture. Même chose, pour les permissions qui selon la loi sont accessibles à tiers de peine, mais qui dans la réalité ne sont accordées qu’à partir de la mi-peine.
Quant à la réinsertion, elle reste le parent pauvre de l’institution pénitentiaire et pénale. Aucun service social aux CDR de Salon et Tarascon. Au point que les détenus du Bâtiment C de Salon ont du entreprendre un boycott du SPIP pour que leurs demandes soient prises en compte. Quelle réinsertion par le travail, quand celui qui est proposé est peu payé et n’ouvre aucune demande à une couverture sociale. Quand au droit du travail et syndical, n’en parlons pas. Le détenu reste taillable et corvéable à merci, sans aucun droit. Il y a peu, le juge Halphen, un magistrat faisant le constat que la justice fonctionne à deux vitesses. Pour notre part, il y a longtemps que nous savons que les lois ne s’appliquent pas de la même manière à tout le monde.

C’est pour cela que nous demandons :

  1. L’application de la remise en liberté immédiate de tous les détenus âges, malades ou en fin de vie.
  2. L’application réelle des libérations conditionnelles ainsi que de toutes les mesures d’aménagement des peines.
    Ces 2 revendications immédiates étant tout simplement deux des mesures préconisées par les commissions du parlement et du Sénat dans leurs rapports sur l’état de prisons.
  3. Ainsi que le réajustement des salaires carcéraux sur ceux pratiqués à l’extérieur avec tous les droits y afférent, y compris le droit syndical. (Proposition contenue dans le récent rapport du Sénateur Paul Lorident, intitulé « Prison : le travail à la peine »)

Des détenus du CDR de Salon