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Honte aux labos

jeudi 23 janvier 2014

13 ans après le scandaleux procès de Pretoria, l’industrie pharmaceutique s’attaque de nouveau aux médicaments génériques en Afrique du Sud.

La semaine dernière, le journal Mail&Guardian a publié un document dans lequel les plus grands laboratoires pharmaceutiques mondiaux détaillent la campagne de pression qu’ils projettent de mettre en œuvre pour contrer un projet qui faciliterait la production de médicaments moins chers en Afrique du Sud. Quelques jours plus tard, un mail publié par KEI et envoyé par Michael Azrak, directeur général du laboratoire Merck en charge l’Afrique australe et orientale, confirme l’implication de IPASA (équivalent du Leem en Afrique du Sud) qui avait nié s’être engagée dans le projet.

PhARMA et IPASA ont bien engagé l’agence de lobby américaine Public Affairs Engagement (dirigée par l’ancien ambassadeur américain James Glassman) pour dénigrer auprès de l’opinion publique le projet de réforme de la loi sur les brevets qui a pour finalité d’améliorer l’accès aux médicaments génériques [1]. Le montant total de la campagne s’élève à 600 000 US$ sur l’année 2014.

Une fois encore, Big Pharma nous montre que rien n’a changé depuis le temps où les industriels du médicament traînaient Nelson Mandela devant les tribunaux pour avoir voulu sauver les séropositifVEs sud-africainEs. N’en déplaise à Robert Sebbag, vice-président du laboratoire français Sanofi (également impliqué dans la campagne [2]), qui aime à parler du procès de Pretoria comme d’une époque révolue. Les compagnies pharmaceutiques sont et restent des entreprises dont l’objectif est d’accroître leurs chiffres d’affaire et non d’assurer l’accès universel aux soins. Pourtant, des millions de vies en dépendent. Il est temps que les pouvoirs publics s’interrogent sur la viabilité d’un système dans lequel les médicaments sont des biens commerciaux comme les autres.

Le Ministre de la santé sud-africain, Aaron Motsoaledi, a dénoncé un complot « de dimension satanique » et « génocidaire » [3]. Le Ministre du commerce et de l’industrie, Rob Davies, le soutien [4]. A notre connaissance, aucune autre personnalité politique ne s’est prononcée publiquement. Le gouvernement "socialiste" de François hollande sera-t-il le complice silencieux de cette initiative criminelle ?

Act Up-Paris exige des pouvoirs publics français :
  qu’ils condamnent avec la plus grande fermeté la campagne planifiée par l’industrie pharmaceutique
 qu’ils soutiennent le gouvernement sud-africain dans son projet de réforme de la loi sur les brevets
 qu’ils organisent un sommet international sur l’accès aux médicaments pour apporter des solutions décentes aux problèmes posés par les brevets

 qu’ils interviennent auprès de la Commission européenne pour que celle-ci cesse sa politique de renforcement des brevets qui risque d’entraver l’accès aux médicaments génériques abordables dans les pays du Sud

 Réaction des militantEs sud-africainEs de TAC : http://www.tac.org.za/news/tac-responds-big-pharma-plan-derail-patent-law-reform-south-africa et http://www.tac.org.za/news/leaked-pharmagate-emails-prove-big-pharma-involvement-scandal
 Analyse de Brook Baker, enseignant-chercheur et activiste de l’association américaine Health Gap : http://infojustice.org/archives/31986#more-31986

Mise à jour : le laboratoire danois Novo Nordisk a annoncé se retirer de IPASA par désaccord avec la campagne de dénigrement

#PharmaGate
@Act_Up_Nord_Sud


[1L’actuel système sud-africain se contente d’enregistrer les brevets pharmaceutiques sans examiner si le produit remplit bien les critères de brevetabilité, au premier titre desquels le caractère innovant. Les laboratoires peuvent ainsi prolonger artificiellement leurs monopoles pendant bien plus longtemps que la durée légale. Le projet de réforme, soutenu par les associations TAC, Section 27 et MSF, vise à limiter ces abus et à permettre un meilleur accès de la population aux médicaments.

[2Voir la liste des compagnies pharmaceutiques impliquées dans la campagne de dénigrement