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Le bilan calamiteux de Hollande en matière de lutte contre le sida

Act Up-Paris évalue 16 des 60 engagements du candidat Hollande

vendredi 3 mai 2013

En matière de lutte contre le sida, comme dans tant d’autres, le bilan de François Hollande après un an de mandat est calamiteux

Fermeture de services hospitaliers, précarisation accrue des malades et des personnes handicapées, maintien des franchises pour soins, baisse des subventions aux actions de prévention, de dépistage et d’aide aux personnes, répression maintenue, parfois accrue, sur des publics particulièrement exposés au VIH (étrangErEs, travailleurSEs du sexe, usagErEs de drogues),maintien en prison de personnes gravement malades, baisse de la contribution française à la lutte contre le sida dans les pays pauvres, maintien de l’interdiction des soins funéraires pour les séropos, maintien du dépistage obligatoire dans certaines situations, aucune action menée contre les discriminations dont souffrent les personnes malades, refus de faciliter le changement d’état civil des personnes trans, une des populations les plus frappées par l’épidémie, etc.

Celui qui avait promis « le changement maintenant » a continué la politique de son prédécesseur, quand il ne l’a pas accélérée. Au bout d’un an, Hollande a démontré qu’il se moquait du sida, qu’il n’était préoccupé que par la justification des politiques d’austérité qu’il rabâche contre toutes les évidences de terrain. En Grèce, les coupes menées au nom de l’austérité ont amené à une quasi-annulation des subventions à la lutte contre le sida. Résultat : une augmentation de 200 % du taux de prévalence en 2011 ! François Hollande sera-t-il prêt à assumer une augmentation des contaminations en France, et une baisse de la qualité des soins, au nom de la politique qu’il mène depuis un an ? Ou, comme d’autres socialistes en leur temps, dira-t-il qu’il ne savait pas, qu’il est responsable, mais pas coupable ?

Entre les deux tours des présidentielles de 2012, nous avions appelé à voter François Hollande. Il s’agissait pour nous d’en finir au plus vite avec Nicolas Sarkozy. Le soir de sa victoire, le 6 mai 2012, nous brandissions une pancarte gigantesque place de la Bastille : « Hollande, le changement ce doit être vraiment maintenant". Nous n’avions aucune illusion sur le slogan de François Hollande. Nous avions dénoncé, au cours des mois précédents, l’indigence de son programme et de celui du PS en matière de santé, de droits humains et de lutte contre le sida. Nous avions par ailleurs dénoncé les engagements pris par lui ou son parti, désastreux en matière de santé, comme le maintien de la répression sur les sans-papiErEs, ou la pénalisation des clients de prostituéEs [1].

6 mai 2012 : pancarte brandie à Bastille
Le soir de l’élection de François Hollande, les militantEs d’Act Up-Paris ont brandi une pancarte "François Hollande, le changement ce doit être vraiment maintenant" lors du rassemblement place de la Bastille.

Bien sûr, le bilan calamiteux de François Hollande menace directement les responsables socialistes. Qui votera pour elles et eux aux prochaines élections ? Mais, si nous saurons au cours des prochains mois utiliser la menace électorale pour faire entendre à des personnes censées nous représenter ce qu’elles n’entendent pas autrement, nous nous soucions assez peu de l’avenir politique de ces gens. Car le bilan calamiteux a des conséquences bien plus graves et bien plus directes pour les personnes malades, handicapées et précaires. Et que François Hollande et sa majorité « socialiste » aient oublié cette évidence est une obscénité que nous ne sommes pas prêtEs d’accepter.

Engagements non tenus, dérobades et erreurs politiques

A Accès aux soins et à la santé, service public hospitalier

Les « 60 promesses » ne concernaient qu’à la marge les questions de santé. François Hollande avait présenté des propositions sur la santé dans un discours à Paris, le 2 février 2012. Elles étaient d’une rare indigence, comme nous l’avions remarqué alors. La plupart de ces propositions sont restées lettre morte. Concernant les « 60 » promesses, le bilan est maigre.

Engagement 5  : « Je demanderai à ce que soit adoptée, au sein de l’Union Européenne, une directive sur la protection des services publics.  »

Engagement non tenu. Non seulement François Hollande s’est assis sur cette promesse, mais il a en plus fait adopter, en l’imposant à sa majorité parlementaire, un traité d’austérité européen qui met gravement à mal les services publics d’éducation et de santé.

Engagement 19 : « Je réformerai la tarification pour mettre fin à l’assimilation de l’hôpital avec les établissements privés. Je le considérerai comme un service public et non comme une entreprise. Pour lutter contre les déserts médicaux, je je favoriserai une meilleure répartition des médecins par la création de pôles de santé de proximité dans chaque territoire. Je fixerai un délai maximum d’une demi-heure pour accéder aux soins d’urgence. (...)

Engagement non tenu. Certes, le PLFSS 2013 a mis fin à la convergence tarifaire entre public et privé. Mais on est bien loin des mesures nécessaires qui constituent une véritable défense de l’hôpital comme service public. Rien n’a été fait contre les déserts médicaux. Bien loin d’améliorer l’accès aux urgences, les socialistes, au gouvernement comme dans les collectivités territoriales, s’acharnent à faire fermer des services. L’exemple qu’Act Up-Paris a le plus dénoncé est l’Hôtel Dieu, à Paris.

Engagement 20 : « Je sécuriserai l’accès aux soins de tous les Français en encadrant les dépassements d’honoraires, en favorisant une baisse du prix des médicaments (…) et en supprimant le droit d’entrée dans le dispositif de l’aide médicale d’État. »

Engagement non tenu. 16,2 % des Français déclaraient, en 2010, avoir renoncé aux soins pour raisons financières. La baisse du prix des médicaments est une voie indispensable pour faire des économies à l’Assurance maladie et supprimer les franchises pour soins et les restes à charge, promesse que François Hollande avait faite à Bruno-Pascal Chevalier lorsque ce dernier s’était mis en grève des soins pour protester contre cette mesure discriminatoire et dangereuse. Là encore, cette promesse n’a pas été intégrée dans le programme de campagne du candidat à l’Elysée. Les engagements de Hollande pour les malades sont fluctuants, et systématiquement revues à la baisse. Bruno-Pascal Chevalier est mort en décembre dernier, trahi par François Hollande.


Engagement 20 (suite
) : « et en supprimant le ticket d’entrée pour l’Aide Médicale d’État »

Engagement tenu. Mais cette promesse, minimum, était insuffisante pour assurer un véritable accès aux soins des personnes exclues. L’Observatoire du droit à la santé des étrangers (ODSE), qui comprend notamment Médecins du monde, Aides, la Cimade, Act Up-Paris ou le COMEDE, demande une intégration des sans-papiErEs à la CMU.


Engagement 27
 : « Je maintiendrai les services publics dans nos banlieues  »

Engagement non tenu. Pour ne donner qu’un exemple parmi d’autres, 40 postes sont supprimés à l’hôpital Delafontaine à Saint-Denis (93).

B Droits sociaux, droits des minorités

 Handicap


Engagement 32
 : « Je garantirai l’existence d’un volet handicap dans chaque loi. Et je renforcerai les sanctions en cas de non-respect des 6% de travailleurs handicapés dans les entreprises, les services publics et les collectivités locales.  »Engagement non tenu. Dans une interview à Séronet, François Hollande ne se mouillait pas trop sur la question de la précarité des personnes handicapées. A propos de l’Allocation Adulte Handicapée, il affirmait : « Sa revalorisation doit être un objectif, même si je ne peux prendre d’engagement pour l’immédiat.  ». La vie quotidienne des handicapéEs n’est pas une priorité de François Hollande.

 LGBT

Engagement 31 : « J’ouvrirai le droit au mariage et à l’adoption aux couples homosexuels. »

Engagement tenu en en faisant payer le prix fort aux homos et leur famille, en sacrifiant les lesbiennes et les trans. Les concessions faites à de multiples reprises (voir par exemple ici ou ici) aux opposantEs de l’égalité ont contribué à banaliser l’homophobie. En recevant Frigide Barjot à l’Elysée, François Hollande a lancé le signal fort que tenir les homos pour inférieurEs était un discours légitime. En refusant d’intégrer la PMA dans une loi, son gouvernement a sacrifié les lesbiennes et donné raison aux homophobes. Ce qui aurait pu être une grande victoire socialiste, peut-être la seule du quinquennat, s’est transformée en une épreuve pour les homos.

D’autre part, François Hollande avait ouvertement promis une amélioration des droits pour les personnes trans, notamment le changement d’état civil sans passer par un acte de chirurgie. Il l’a écrit dans un courrier à des associations trans et l’a affirmé dans une interview de Têtu (numéro d’avril 2012). Les personnes trans sont parmi les personnes les plus exposées à l’épidémie de VIH, notamment du fait des discriminations qu’elles subissent – sujet que Najet Vallaud-Belkacem a refusé d’aborder dans les auditions des associations LGBT de l’automne dernier. Pourquoi Hollande a-t-il renoncé à cet engagement, comme à celui de l’accès à la PMA ? Un engagement pris auprès d’associations LGBT et dans un média homo n’a-t-il donc aucune valeur pour le Président de la République ?

 EtrangErEs

Engagement 30 : «  Je lutterai contre le « délit de faciès » dans les contrôles d’identité par une procédure respectueuse des citoyens, et contre toute discrimination à l’embauche et au logement. Je combattrai en permanence le racisme et l’antisémitisme. »

Engagement non tenu.

Engagement 50 : « J’accorderai le droit de vote aux élections locales aux étrangers résidant légalement en France depuis cinq ans (...) »

Engagement non tenu.

Engagement 50 (suite) : « Je conduirai une lutte implacable contre l’immigration illégale »

Engagement malheureusement tenu. La politique d’expulsion menée par le gouvernement, à la hauteur de celle conduite sous Nicolas Sarkozy, précarise les étrangErEs, gêne les actions de prévention et d’incitation au dépistage, et réprime les soutiens des sans-papiers. Elle se paie au prix fort : l’ODSE a alerté sur la reprise d’étrangErEs gravement malades dans des pays où ils et elles ne pourront pas se soigner – alors que ces personnes sont inexpulsables. Cela n’avait pas été vu depuis 2010. La principale responsable de ces expulsions est Marisol Touraine qui n’a démontré aucune implication dans ce dossier. C’est un élément significatif du peu de cas que le gouvernement Hollande fait de la santé.


Engagement 50 (fin)
 : « Je sécuriserai l’immigration légale. Les régularisations seront opérées au cas par cas sur la base de critères objectifs »

Engagement non tenu. Sa formulation est par ailleurs très insuffisante. Une régularisation au cas par cas ne résoud aucun des problèmes que rencontrent les sans-papiErEs. Elle est au contraire source d’arbitraire. Dans le cadre de sans-papiers gravement malades, les socialistes avaient combattu le démantèlement du titre de séjour pour soins organisé par la droite. Répondant à une interview sur Séronet, le candidat Hollande avait même qualifié ce démantèlement d’hypocrite. Ils et elles ne semblent pas décidéEs à revenir sur ce démantèlement maintenant qu’ils et elles sont au pouvoir.

 Prisonniers

Engagement 53 : « les prisons seront conformes à nos principes de dignité. »

Engagement non tenu. L’état sanitaire des prisons est une catastrophe largement documentée. La privation de liberté est contraire aux impératifs sanitaires, comme le prouve le maintien en prison de nombreux prisonniErEs gravement malades. La Garde des Sceaux vient d’annoncer une simplification de la suspension de peines pour raisons médicales. C’est une avancée, mais qui risque d’être insuffisante. Par ailleurs, la promesse ne concerne pas les centres de rétention, qui transgressent eux aussi « nos principes de dignité ».

C Solidarité internationale

En 2005, la France s’était engagée avec les pays du G8 à assurer pour 2010 l’accès universel aux traitements. Cette promesse n’a pas été tenue par Nicolas Sarkozy. 15 000 personnes meurent chaque jour du sida, du paludisme et de la tuberculose. Le Fonds mondial, dont l’impact positif n’est plus à démontrer, estime que chaque pays devrait augmenter sa contribution de 25 %. La France donne aujourd’hui 360 millions d’euros par an. Or, François Hollande menace de baisser ce budget.

Engagement 57 : « J’agirai pour une aide accrue aux pays en développement et pour un renouveau du multilatéralisme. » Engagement 58 : « Je romprai avec la « Françafrique », enproposant une relation fondée sur égalité, la confiance et la solidarité. »

Engagements brisés. En fait d’ « aide accrue » (engagement 57) et de « solidarité » (58) François Hollande diminue les crédits à la coopération. Plus précisément sur les questions de sida, François Hollande avait bien dit à Séronet : « Nous devrons faire plus, avec nos partenaires, pour assurer l’accès universel des malades du sida aux traitements disponibles » ; une fois élu, il avait réaffirmé cet objectif devant l’association Elus locaux contre le sida : « C’est donc une des priorités que j’assigne à la politique de la France : contribuer à un accès universel aux traitements. ». Pendant que Hollande trahit sa promesse et compte ses sous à la baisse, l’Afrique compte ses morts à la hausse.

Engagement 7  : « (…) Je proposerai la création d’une taxe sur toutes les transactions financières (...) »

Engagement formellement tenu, dans les faits contourné. Cette taxe devait être destinée à la solidarité internationale, et venir notamment en financement supplémentaire de la contribution française à la lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose dans le monde. A la conférence internationale sur le sida, à Washington, en juillet dernier, le président Hollande avait adressé un message applaudi par les 30 000 malades, chercheurSEs et médecins du monde entier : « Nous voulons créer des financements innovants, supplémentaires. C’est le sens de la taxe sur les transactions financières que mon pays a décidé de mettre en place dès le 1er août 2012. » Il s’engageait donc à ce que la taxe serve à la solidarité internationale, notamment la lutte contre le sida. Quelques jours plus tard, Laurent Fabius annonçait que seuls 10 % des revenus de la taxe seraient dédiés à la solidarité internationale. Pour 2013, rien de ces 10 % ne revient à la lutte contre le sida. En 2014, selon nos informations, dans le meilleur des cas, une partie de la taxe servira à compenser la baisse de la contribution française au Fonds mondial de lutte contre le sida, le paludisme et la tuberculose. On est donc bien loin des financements « supplémentaires » promis. La taxe va servir de tour de passe-passe comptable. Mais Hollande a été applaudi et félicité par les activistes du monde entier. C’est l’essentiel.

D Politique fiscale

La fatalité de l’austérité est opposée à chacune de nos revendications. Les fermetures de services hospitaliers, le maintien des franchises pour soins, la baisse de la contribution française à la lutte contre le sida dans le monde, tout cela serait inévitable. Or, François Hollande avait fait des promesses pour mobiliser des ressources et se donner une marge des manoeuvres. Déjà insuffisantes, ces idées ont été abandonnées. Quelle crédibilité François Hollande entend-il avoir quand il rabâche l’argument de l’austérité ?


Engagement 7
 : « Je taxerai les bénéfices des banques en augmentant leur imposition de 15 %. » ; engagement 14  : «  Les revenus du capital seront imposés comme ceux du travail » ; engagement 17 : « Je renforcerai les moyens de lutter contre la fraude fiscale » ; engagement 35  : « Pour dissuader les licenciements boursiers, nous renchérirons le coût des licenciements collectifs pour les entreprises qui versent des dividendes ou rachètent leurs actions  »

Engagements non tenus. Bien au contraire, François Hollande a accordé 20 milliards d’euros de cadeaux fiscaux aux entreprises, sans contrepartie. 20 milliards en moins sur le budget 2014, 20 milliards en moins pour la Sécurité sociale, le soutien aux hôpitaux ou la solidarité internationale.


[1Lire par exemple notre analyse du bilan du PS au pouvoir ou encore nos critiques après le discours de Hollande présentant ses engagements en matière de santé