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UNITAID, génériques et patent pools

Kouchner et Sarkozy bloqueront-ils une possibilité d’améliorer l’accès aux médicaments ?

lundi 14 décembre 2009

Le Conseil d’administration d’UNITAID, réuni à Genève ce lundi 14 décembre 2009, doit valider à cette occasion un plan de mise en œuvre du patent pool, c’est-à-dire une communauté de brevets sur des médicaments antirétroviraux, qui lui permettrait de mettre à disposition plus facilement des médicaments contre le sida. UNITAID en avait déjà validé le principe dans sa constitution [1] lors de son CA de juillet 2008. Les contraintes juridiques et techniques des patent pools sont discutées et éclaircies depuis longtemps [2]. Aucun membre du CA d’UNITAID ne peut donc aujourd’hui affirmer en ignorer les enjeux.

Or, nous venons d’apprendre que le représentant de la France au CA d’UNITAID, Patrice Debré, ambassadeur sida, entend demander un nouveau délai pour la mise en place de ce dispositif, voire s’y opposer, suivant ainsi les consignes données par Bernard Kouchner et Nicolas Sarkozy, consignes relayées par le chef de cabinet adjoint de l’Elysée, Grégoire Verdeaux. Un nouveau report serait interprété par les opposants des patent pools comme le signe que ce dispositif, courant dans l’informatique et l’électronique, n’est pas transposable quand il s’agit de sauver des vies. Le patent pool d’UNITAID serait frappé de nullité, et la France devrait en porter la responsabilité.

En s’opposant à l’utilisation immédiate des patent pools, Verdeaux, Debré, Kouchner et Sarkozy empêchent UNITAID de mettre sous traitements des milliers de personnes. Ils empêchent des milliers d’autres, qui bénéficient déjà de traitements, mais chez qui les molécules disponibles ne sont plus efficaces, de bénéficier de médicaments de dernières générations, qui n’existent pas en génériques et dont le prix auprès de l’industrie de marque est exorbitant. Ils condamnent donc toutes ces personnes à mort.

Bernard Kouchner et Nicolas Sarkozy s’étaient engagés à assurer l’accès universel aux traitements d’ici 2010. Un refus de lancer les patent pools dès lundi serait un nouveau reniement, criminel.

Act Up-Paris rappelle par ailleurs que les pays en développement peuvent et doivent promouvoir les génériques, par exemple en émettant — comme les accords de l’OMC sur la propriété intellectuelle le leur permettent — des licences obligatoires [3] sur les médicaments de marque, en complément du patent pool d’UNITAID et à plus forte raison si la France, à cause de Verdeaux, Debré, Kouchner et Sarkozy, bloque ce dispositif.


UNITAID et les patent pools :

UNITAID est la structure créée pour répartir les ressources issues de la taxe sur les billets d’avion mise en place en 2006 pour des programmes de lutte contre le sida.

Patent pools ou communauté de brevets
Certains grands laboratoires se sont dits prêts à entrer dans cette communauté de brevets promue par UNITAID. Dans ce cadre, chacun accorderait des licences volontaires sur certains de leurs médicaments - des molécules brevetées récemment dans les pays industrialisés, et dont la durée du délai d’exploitation de 20 ans n’est pas encore tombée dans le domaine publique - contre le reversement de royalties.

La mise en place d’un patent pool pourrait avoir bien des avantages. Elle permettrait de mettre à disposition de PMA et pays intermédiaires, comme la société civile le demande depuis des années, des antirétroviraux de dernières générations. Cela permettrait également de favoriser la recherche, en combinant des molécules qui ne l’avaient jamais été parce que leur brevet était détenu par des labos différents.


[1Le texte est disponible ici.

[2Voir par exemple la résolution 9 du CA d’UNITAID des 2 et 3 juillet 2008 et les documents afférents :

[3Les accords ADPIC/TRIPS sur la propriété intellectuelle autorisent les pays, en cas de crise sanitaire grave, à faire sauter le brevet d’un médicament de marque quand celui-ci est trop coûteux, donc à produire ou importer des génériques beaucoup moins cher. Par rapport aux patent pools, cette disposition est bien plus intéressante puisqu’elle ne nécessite pas d’accord avec le laboratoire breveteur. Pourtant, peu de pays l’utilisent, alors qu’elle est légale, car l’industrie pharmaceutique, et les pays qui défendent ses intérêts comme les Etats-Unis ou l’Union Européenne, exercent des mesures de rétorsion contre les états qui émettent des licences obligatoires.