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Édito

décembre 1999

En 1995, nous avions largement participé à l’élaboration de la Charte du Patient Hospitalisé, premier texte formalisant réellement les droits des malades dans les établissements de santé et tentant de corriger le déséquilibre d’une relation patient/médecin où le malade n’avait qu’à se taire. On sait combien, déjà à l’époque, les résistances du corps médical avaient été grandes et combien le malade était considéré comme incapable de participer au choix, à la mise en place et au déroulement de son traitement.

Les choses ont quelque peu changé, notamment grâce aux malades du sida qui ont montré, depuis le début de l’épîdémie, qu’ils étaient non seulement capables de prendre en charge leur pathologie, mais également qu’ils pouvaient être à l’origine d’un savoir sur la maladie que les personnels médicaux n’étaient pas toujours à même de mettre au point. Cela dit, nous constatons aujourd’hui que certains problèmes ne sont toujours pas réglés et qu’une certaine régression dans la relation patient/médecin risque de s’instaurer avec les thérapies qui maintiennent beaucoup plus souvent le malade à domicile.

La loi sur le droit des malades que le gouvernement prépare, née d’une promesse de Lionel Jospin faite aux Etats Généraux de la Santé, devra aller dans le sens d’un renforcement de la parole, de la participation et du pouvoir décisionnel du patient. C’est sur ce point que seront abordés des sujets tels que l’accès au dossier médical, le consentement éclairé ou les voies de recours en cas de conflits dans un établissement de santé. On sait que les Affaires Sociales et la Santé s’opposent sur l’accès au dossier médical.

Pour l’instant, et malgré les assurances de certains conseillers, Dominique Gillot, secréataire d’Etat à la Santé, ne s’est pas montrée particulièrement combative face aux positions de Martine Aubry. et ses déclarations aux assises de AIDES n’ont rien d’encourageant. Quand, par exemple, elle exprime ses doutes quant au risque qu’il peut y avoir pour un patient d’apprendre sa pathologie à la lecture de son dossier, elle montre qu’elle n’a pas saisi l’impératif d’une mesure qui doit donner au malade le droit d’accès direct à son dossier, pas l’obligation. Sur le consentement éclairé, il reste également beaucoup à faire Il sera notamment nécessaire de définir les modes de transmission de ce consentement et les alternatives au cas où le patient ne pourrait pas le donner lui-même. Il n’est pas possible que la famille persiste à être la seule sollicitée, sachant à quel point certains patients refusent d’intégrer leur famille dans la gestion de leur pathologie, surtout quand d’autres personnes (conjoint, amis) sont bien plus à même de le faire.

Enfin, les moyens de recours en cas de conflit demeurent toujours aussi faibles, ce qui incite la majorité des malades à ne pas s’en servir. Ils savent bien que les personnes actuellement habilités à gérer ces plaintes appartiennent aux établissements critiqués. Face à une médiation contrôlée par des gens à la fois juges et parties, les malades préfèrent ne pas faire appel à ce qui est pourtant une possibilité légale mais trop inégalitairement mise au point.

La loi devra également s’emparer des différents problèmes de discrimination qui touchent certaines catégories de patients. En effet, les prisonniers et les toxicomanes, entre autres, demeurent les victimes soit des modes de fonctionnement des structures de soins, soit des rejets de la part de certains personnels soignantsjetant sur eux un regard moral primant sur l’impératif de santé. L’accès à la santé dans les prisons est particulièrement malmené dans la majorité des établissements. L’univers carcéral demeure une sphère de service minimum en matière de qualité de soins, rde refus ou d’impossibilité de respect du secret médical, d’arbitraire en matière d’accès aux produits de substitution ; en résumé, un vrai danger pour la santé des malades incarcérés. Quant aux toxicomanes, ce numéro, qui leur est consacré, montrera comment les usagers de drogue sont souvent maltraités dans certains établissements de santé, et comment la qualité des soins dépend de la volonté des services de se cantonner à leur rôle de soignants.

La loi devra enfin mettre en place des structures d’observation ou de décision auxquelles les malades ou leurs représentants participeront, sans pour autant enfermer les associations dans un système qui tenterait de les priver de leurs propres modes d’action et de pression. Il est effectivement nécessaire que les malades puissent avoir un droit de regard et de décision chaque fois que les structures de soin, au niveau local comme national, ne correspondent pas aux nécessités de prise en charge médicale. De même, ils doivent pouvoir se faire entendre lorsque les impératifs de santé publique ne sont pas pris en compte par des institutions trop lentes, trop lourdes ou trop frileuses.

Le droit des malades est un champ sur lequel il reste bien des choses à améliorer. La bataille est loin d’être gagnée. Ce n’est pas une loi qui changera radicalement les conditions de prise en compte de l’expression et du droit des malades. La nouvelle Ministre de la Santé n’a rien montré, pour le moment, qui nous fasse penser qu’elle soit en mesure de s’opposer à sa supérieure hiérarchique des Affaires Sociales dont on connaît le peu d’entrain à défendre les patients (cf. notamment la Couverture Médicale Universelle). Mais les associations auront leur mot à dire sur l’élaboration de cette loi et nous peserons de tout notre poids de malades pour que le droit progresse dans le sens d’une réelle participation du patient au processus de soin qui le concerne.

La suite de ce numéro d’Action = Vie : L’accès aux soins des usagers de drogues