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Du PIRES au protocole de soins

mars 2009

Le témoignage rapporté ici illustre à merveille la différence entre « l’esprit de la loi » et son application au jour le jour. Exemple d’autant plus d’actualité, que le gouvernement actuel ne demande pas mieux que de faire exploser notre système de prise en charge basée sur une solidarité publique.

Du PIRES au protocole de soins

Pour pouvoir bénéficier d’une prise en charge dite, à tort, « à 100% », et administrativement appelée Affection longue durée (ALD), le/la malade avec son/sa médecin traitantE doit remplir un document détaillé, appelé le protocole de soins, Celui-ci permet à la Sécurité sociale d’ouvrir pour ce/cette malade tous les droits liés à sa maladie. Ces protocoles de soins font occasionnellement l’objet de réformes et de mises à jour. S’en suit alors, une période transitoire où touTEs les malades chroniques et leurs médecins sont tenuEs de remplir le nouveau protocole de soin afin que la situation administrative soit à nouveau à jour.

En juillet 2008, suite à la mobilisation des associations, la période transitoire de validité des anciens protocoles de prise en charge (PIRES) des ALD était prolongée jusqu’en décembre 2009. Si les associations membres du TRT-5 ont lancé l’alerte, c’est que rien n’avait été fait par le ministère de la Santé pour informer les malades et leurs médecins, et que la Caisse nationale d’assurance maladie (CNAM) n’avait rien prévu pour prévenir les caisses primaires (CPAM) du traitement à venir de plus de 4,5 millions de PIRES à transformer en nouveaux protocoles de soins, le tout, en moins de deux mois.

Nous avions également demandé qu’il y ait une large diffusion d’instructions, claires et dénuées d’ambiguïté, aux CPAM afin d’assurer la continuité de la prise en charge et une diffusion aux assuréEs, aux médecins et aux établissements de santé d’une information complète et précise sur les démarches à entreprendre pour faire établir un nouveau protocole de soins.

Les pouvoirs publics n’ont toujours pas effectué les démarches nécessaires pour informer les assuréEs et les médecins. Il est à redouter que la même panique ne se déroule en décembre prochain. Les réformes pourquoi pas, encore faut-il que le ministère de la Santé soit capable de les mettre en œuvre sans pénaliser les malades. C’est à se demander si ce n’est pas là le but recherché. Si vous êtes confrontéEs à une impasse, appelez-nous.

Les droits de base dans la vase

Le cas présenté ci-dessous cumule les complications. En plus des difficultés liées au renouvellement du protocole de soins, il met en exergue l’importance d’une mise à jour régulière des informations nous concernant auprès de la Sécurité sociale.

Avant même de vouloir obtenir des droits spécifiques aux malades chroniques, encore faut-il déjà avoir des droits de base à la sécurité sociale. En France, ces droits s’acquièrent grâce aux cotisations à la CPAM, soit en ayant travaillé, soit en étant bénéficiaire d’une allocation. Dans le cas du VIH, la caisse d’allocations familiales (CAF) peut verser l’allocation adulte handicapé (AAH), qui de fait ouvre donc les droits de bases. Mais la communication entre ces deux organismes, CPAM et CAF, n’est ni automatique ni interactive. Si la CPAM n’est pas informée du versement d’une allocation par la CAF, elle considère donc que les droits de base n’ont pas à être maintenus. De même quand on touche un salaire, même ponctuel, la CAF se basant aussi sur les revenus pour le calcul des allocations versées, peut les diminuer, voir les supprimer. Les fichiers se croisent mais avec une logique propre à l’administration, c’est-à-dire tout à fait incompréhensible pour ses administréEs. Pour éviter les erreurs ou les bugs, il est important de tenir au courant les administrations dont on dépend des évolutions de sa situation. D’autant plus que malgré le fameux croisement des fichiers administratifs, fait pour entretenir la paranoïa de la « chasse aux fraudeurSEs », les informations parcourent les circuits dans un sens, mais pas systématiquement dans l’autre.

Aujourd’hui, les difficultés liées à une prise en charge sociale défaillante se multiplient, pour le constater, il suffit de voir le nombre grandissant de personnes qui nous contactent pour des problèmes de cet ordre. C’est le cas de Madame M, qui nous a appelés en février.

Au bon vouloir de la sécurité sociale

Fin décembre 2008, Madame M, séropositive depuis 1994, va chercher ses médicaments comme chaque mois à la pharmacie de l’hôpital, dans lequel elle est suivie pour le VIH. Un mois après, elle reçoit la facture à régler par le service des traitements externes, et par la même occasion elle apprend que sa carte vitale ne fonctionne plus ou plutôt que « sa lecture ne donne aucune date d’ouverture de droits ». Le service administratif de l’hôpital lui donne huit jours pour régulariser sa situation sous peine de poursuite. Avoir à débourser plus de 1 200 euros relève de l’impossible quand on touche 652,60 euros (l’AAH), et le fait qu’elle arrive à la fin de la délivrance mensuelle de son traitement rendait la situation encore plus tendue. Dans un premier temps, le centre de Sécurité sociale contacté, n’a pas su résoudre le problème, supposant que le problème venait de l’utilisation de plusieurs cartes, ce qui n’est pas le cas. Après examen « plus attentif », la CPAM a conclu que la fermeture de ses droits était due au fait que durant l’étude du renouvellement de l’AAH, la couverture sociale est suspendue et que son médecin traitant n’avait sans doute pas renouvelé à temps le protocole de soins (alors que le ministère s’était engagé pour que cela n’arrive pas).

Le service des encaissements de l’hôpital a accepté un délai d’un mois supplémentaire pour régler la note. Mais devant continuer à se soigner, elle a dû avancer la totalité des frais pour une consultation en dermatologie et les médicaments annexes. De plus, il ne lui était pas possible de s’inscrire à une mutuelle complémentaire, en ce début d’année, ne pouvant justifier d’une couverture sociale de base. Ballottée d’un avis à un autre, chaque fois différent, la situation était ubuesque et risquée, d’autant que cette malade, non informée elle aussi, faisait tout pour chercher à comprendre en multipliant les démarches et demandes d’informations.

Son médecin traitant a rédigé rapidement le nouveau protocole de soins qui a été remis en mains propres au centre de sécurité sociale. Pourtant cela n’a pas suffit. Il a fallu finalement l’intervention d’Act Up-Paris pour solutionner le problème. A Paris, un engagement a été obtenu il y a quelques années pour que la CPAM maintienne la couverture sociale des assuréEs dont le renouvellement du dossier MDPH était en cours, et tant que l’AAH est versée. Nous avons obtenu de la CNAF que la CAF de Paris maintienne le versement de l’AAH et de l’APL pendant 12 mois après son échéance, pour pallier aux délais anormalement longs de l’instruction des dossiers. Cet « accord » est propre à Paris uniquement. Hélas car les cas de cessation de prise en charge par les CPAM des autres départements sont fréquents. Nous avons donc demandé à la CNAMTS d’appliquer l’accord obtenu à Paris selon lequel les droits sociaux ne doivent pas être suspendus pendant le temps du renouvellement de l’AAH tant qu’elle est versée aux allocataires.

Mais, aussi incroyable que cela puisse paraître, le problème administratif ne se situe pas seulement à ce niveau-là. La CPAM dont dépend Madame M n’était pas au courant qu’elle touchait l’AAH pendant les périodes récentes. Evidemment, puisqu’elle ne le lui avait pas demandé. Après avoir copieusement hurlé de rage pour obtenir unE responsable compétentE et attentifVE, nous avons pu comprendre que la « simple » présentation des copies prouvant qu’elle avait reçu l’AAH pendant l’année précédente suffisait pour éclaircir encore un peu la situation.

Madame M, sans en être fautive, a donc accumulé dans le même mois, les problèmes suivants : renouvellement des droits de l’AAH + renouvellement des droits d’ALD pour le VIH + renouvellement des droits de base à la CPAM.

Quand l’informatique s’y rajoute

Le problème de Madame M se situe sans doute au delà de ces questions et pourrait concerner rapidement beaucoup d’autres personnes. Depuis quelques temps, l’ALD30 n’apparaît plus sur les serveurs informatiques des caisses des services de l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris. Le changement des logiciels rend la carte vitale muette, les dates d’inclusion et de fin du PIRES ne sont plus lues par le présent dispositif informatique construit pour déchiffrer les dates des protocoles de soins et de l’ALD uniquement. L’informatique a dépassé le suivi effectif de la mise en place du dispositif par le ministère de la Santé, créant ainsi un hiatus entre le terrain et les dispositions légales laissées en souffrance, le tout au détriment des malades qui ignorent encore, malgré nos divers communiqués, l’existence même du nouveau protocole de soins. Les personnes n’ayant pas renouvelé leur protocole de soins ne sont donc plus considérées comme étant prises en charge à 100 %. L’appel à la CPAM a permis à l’hôpital de constater qu’elle avait bien une prise en charge dans le cadre d’une ALD, et de rétablir la situation.

Il y a donc urgence que les personnes dépendant encore d’un ancien PIRES voient rapidement leur médecin traitantE afin de faire établir un nouveau protocole de soin, et ce pour éviter des « désagréments » qui, même s’ils sont rattrapables (les remboursements sont rétroactifs sur les deux années civiles précédentes) peuvent provoquer de graves complications financières pour les assuréEs, pouvant les amener à refuser des soins trop coûteux, s’ils ne sont pas remboursés.

Pour Madame M, la situation est rétablie. Un nouveau déplacement à la CPAM lui a permis d’obtenir une attestation papier ; elle est maintenant en attente de sa nouvelle carte vitale.

Sortie du chapeau

Augmentation de l’AAH : le montant mensuel de l’allocation aux adultes handicapéEs est aujourd’hui d’un montant total de 652,60 euros. Il augmentera à 666,96 euros (+ 2,14 %) à compter du 1er avril 2009, puis à 681,63 euros (+ 2,19%) à compter du 1er septembre 2009.

A retenir

De façon évidente, chaque assuréE socialE doit être vigilantE sur son dossier, mais il ne peut maîtriser les informations contradictoires, voire erronées qui émanent des professionnelLEs chargéEs de l’informer de manière juste. La communication doit se poursuivre afin d’éviter les risques de ruptures de prise en charge à 100 % des soins des personnes vivant avec le VIH. Si vous dépendez d’un ancien protocole de soins (PIRES), il est important et urgent de demander à votre médecin traitantE d’en établir un nouveau en concertation avec vous [1].


[1Informations dans Protocoles 42 et sur le site du trt-5.