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10ème conférence internationale sur la Réduction des Risques liées aux drogues.

mai 1999

On peut faire un bilan mitigé de la conférence qui s’est tenue à Genève du 21 au 25 mars. Les différentes sessions n’ont pas apporté de grande nouveauté scientifique ou sociologique sur la toxicomanie, en restant le plus souvent au niveau du simple constat, que ce soit sur l’échec des produits de substitution, la question de l’accès aux soins ou les problèmes spécifiques au Tiers Monde et aux Pays de l’Est. Cependant, l’importante présence d’usagers venus du monde entier permet d’espérer une évolution vers un discours plus radical, tournant le dos à la médicalisation et axé sur les droits de l’homme.

Une seule session était consacrée aux modes de consommation des gays et lesbiennes.

Une étude issue d’un sondage mené dans une clinique londonienne à forte clientèle pédé est venue appuyer les constatations faites en France sur l’évolution des modes de consommation ces derniers mois : retrait de l’ecstasy au profit de la cocaïne, apparition de la kétamine et du crystal, ainsi que du crack, et développement de la polytoxicomanie.

Cette étude reflète aussi le besoin d’information sur les interactions entre ecstasy et antiprothéases, ainsi que le besoin de prévention : 25% des répondants, consommateurs occasionnels ou réguliers, ont déclaré avoir rencontré des problèmes causés par ces interactions. Une deuxième étude venait appuyer cette nécessité de prévention : menée dans une autre clinique londonienne, elle montrait par des statistiques que oui, bien sûr, les gays qui prennent des drogues suivent moins régulièrement leur traitement que les gays qui n’en prennent pas.

Egalement présentée lors de cette session, une étude menée à New York sur les lesbiennes usagères de drogues injectables -première du genre à être financée aux USA - enfonçait d’autres portes malheureusement bien connues comme ouvertes : les lesbiennes toxicomanes ne trouvent pas de lieu d’accueil parce qu’elles sont rejetées et dans le cadre de la communauté, et dans le cadre des structures d’accueil des toxicomanes (avec cette anecdote tout de même délicieuse : une gouine très butch s’est fait un jour conseiller par son psy de porter une jupe au moins une fois par semaine si elle espérait avoir accès à la substitution.). Moins que des informations, il s’agissait donc tout juste d’études corroborant ce que tout le monde sait et tente de faire entendre. Lors de cette session comme lors de la plupart, c’est surtout le manque de volonté politique des intervenants qui frappait, l’absence de proposition de solutions aux différents problèmes énoncés les uns après les autres.

Mais parce que cette conférence a aussi donné la parole aux usagers,

Elle a tout de même pu être l’occasion de véritables échanges de savoirs et de la mise en place d’une problématique de l’usage et des usagers de drogues sous l’angle des droits de l’homme.

Droit de l’homme : l’éducation. Le groupe Aciga, de Barcelone, a présenté un exposé passionnant sur le travail d’alphabétisation et de cours d’adultes mené par l’association. Juan Trujols, leur représentant, a parfaitement expliqué comment une telle démarche se faisait à un double niveau : d’une part pour les toxicomanes en leur permettant de se réinsérer sur la base d’un apprentissage à leur rythme, ce qui en soi est une remise en cause du système scolaire hiérarchique traditionnel, d’autre part par la sensibilisation des intervenants formateurs à la toxicomanie.

Droit de l’homme : accès aux soins. En Russie, la définition de la toxicomanie comme déviance, issue de l’ex-URSS, prévaut toujours dans la prise en charge des toxicomanes.Il y aurait actuellement 150 000 usagers de drogues injectables et 250 000 cas de sida, qui à court terme vont vers 400 000 usagers et 500 000 cas de sida faute de prévention, de seringues disponibles et de possibilité de prise de parole, donc de citoyenneté, par les usagers.

Droit de l’homme : usage. Suleman Ahmed, ancien policier somalien aujourd’hui membre du East London & City Drug Services, consommateur régulier de khat, a découvert lors de son immigration à Londres que sa consommation était vue en Grande Bretagne comme une toxicomanie. Il s’est alors lancé dans un vaste projet en direction de la communauté somalienne sur les modes de consommation et les dangers du khat. Ce projet a permis d’éviter que le khat ne soit rendu illégal en Grande-Bretagne (comme c’est le cas en France).

Mat Southwell, de l’association anglaise Respect, a mis en avant cette problématique du droit à l’usage lors d’une plénière très applaudie par les usagers. Son intervention a été la seule à clairement se situer pour la légalisation de toutes les drogues, axée sur une différenciation entre usage et abus plutôt que sur les substances ou la loi existante. Bien évidemment, une telle problématique ne peut être prise en charge, défendue et illustrée que par les usagers. Ce fut le cas lors de la session sur les magazines d’U.D présentés par Fabrice Olivet, président d’Asud. la volonté de déplacer le discours d’un usage à moindre risque pour aller vers la définition beaucoup plus radicale d’un mode de vie positif a également été l’occasion de débats informels organisés entre associations d’U.D. Ces réunions ont été sans aucun doute un des points les plus positifs de la conférence, puisque les décisions prises devraient se concrétiser à court terme, avec la mise en place d’un réseau international des associations d’usagers via e-mails et internet, ainsi que l’élection par les associations d’un représentant au sein du Comité de Programme de la Conférence.