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Les personnes trans aussi sont victimes des violences policières !
De l’invisibilisation des luttes queer au sein du militantisme français
lundi 10 octobre 2016
Le samedi 15 octobre aura lieu à Paris la vingtième édition de l’Existrans, la marche des personnes trans et/ou intersexes et de celles qui les soutiennent. C’est un moment important dans l’année pour la visibilité trans et pour la défense de leurs droits bafoués par la société patriarcale. C’est aussi un moment important de militantisme dans les communautés lgbti (Lesbiennes, Gais, Bi.e.s, Trans et Intersexes), montrant par leur présence leur solidarité avec les personnes trans et intersexes ignorées par l’Etat et souvent minorées par les personnes cisgenres [1] de ces communautés elles-mêmes, notamment par les représentants associatifs officiels.
Cette manifestation nationale est aussi l’occasion de dépasser les Prides – les « fiertés » – pour porter des revendications plus matérialistes sur les conditions de vie et d’existence des personnes trans et intersexes et de l’urgence d’y répondre [2]. Cela fait maintenant plusieurs mois que la date a été annoncée et plusieurs jours que le parcours a été confirmé par les organisateurs.
Action, réaction : de façon toute à fait consciente et provocatrice, la Manif pour « tous » a décidé d’y répondre en déposant en préfecture une demande de manifestation pour le lendemain. Le 16 octobre défilera donc le gratin de l’extrême droite française avec son lot de réactionnaires. Son but ? Peser sur le débat public – comme elle l’a fait contre le mariage pour tous et en obtenant l’enterrement de la PMA [3] – pour faire reculer les droits des lgbti à la veille des présidentielles et des personnes trans en particulier au moment où le Sénat examine le projet de loi Justice du XXIème siècle concernant les procédures de changement de mention du sexe à l’état civil (C.E.C.). Ce sont pour toutes ces raisons qu’il est important d’être nombreuses et nombreux à la Marche Existrans cette année.
Les mobilisations contre la loi Travail ont vu émerger de nouvelles alliances, c’est ce qu’on a appelé sur la place de la République la « convergence des luttes ». Cette notion souvent invoquée avec de bonnes intentions a pourtant été l’objet de vives critiques, dénoncée comme étant en réalité, sur le même mode que le soit disant « universalisme » républicain, une convergence des luttes blanche et petite bourgeoise. La question des violences policières a cependant permis de trouver un terrain d’entente et d’unir les forces de classes différentes pour dénoncer et s’organiser contre le racisme d’Etat et la répression policière des habitants des quartiers populaires et maintenant des manifestants. Cet été, suite à la mort d’Adama Traoré – PAIX A SON ÂME – nous avons donc pu assister à une grande mobilisation chez lui à Beaumont-sur-Oise, où la barrière spatiale et sociale du périphérique avait été écorchée le temps d’une journée. Ces alliances nouvelles ont abouti à la récente décision d’organiser une nouvelle manifestation le 15 octobre. Le même jour que l’Existrans.
La convergence des luttes sera-t-elle une convergence cisgenre et hétérosexuelle ? Nous sommes conscients de l’importance d’une telle initiative et qu’en cette période de crise politique majeure les mobilisations se multiplient et parfois se chevauchent. Mais nous regrettons qu’une nouvelle fois, l’agenda militant se divise entre d’un côté les mobilisations cis-hétéros et de l’autre les mobilisations sur des sujets dont sont principalement victimes les minorités sexuelles et de genre, les femmes et les travailleur-ses du sexe, que nous pourrons provisoirement regrouper sous l’appellation « militantisme queer ». Mais qu’en est-il des personnes lgbti des quartiers populaires ? Qu’en est-il des travailleur-ses du sexe migrant.e.s ? Qu’en est-il des personnes séropositives racisées ? Qu’en est-il le 15 octobre des personnes trans, régulièrement victimes de violences policières, de harcèlement policier, de délit de faciès et de transphobie par toutes les institutions publiques ? Pourquoi les discriminations envers les lgbti ne sont-elles jamais abordées dans les mouvements contre la loi Travail ? Depuis plusieurs mois, Kara, une jeune femme trans états-unienne, est également emprisonnée à Fleury-Mérogis pour l’affaire de la voiture de flic brûlée du 18 mai ; Kara a été interpellée aux abords d’une manifestation ultérieure [4].
Cette négligence quant à leurs combats – quand ce n’est pas de l’hostilité pour ce qu’ielles sont – par leurs propres sœurs, par leurs propres frères et par leurs propres camarades est une réalité douloureuse. La non prise en compte de l’intersectionnalité de leurs différentes oppressions (de classe, de genre, de sexualité et de race), que ce soit par les communautés lgbti elles-mêmes ou par les milieux militants en général, est un obstacle dans leurs résistances et leur émancipation. Le capitalisme et le repli sur soi ont également fait leur chemin chez les lgbti, il est assez difficile de les mobiliser autour de questions politiques aujourd’hui. Mais à la dépolitisation de nos communautés s’ajoute aussi la difficulté souvent éprouvée d’être accueillies sereinement dans les mobilisations, scandées par des injonctions type « sales pédés », « enculés », ou « fils de pute » aux forces de l’ordre bourgeois, colonial ET PATRIARCAL – ce qui a parfois conduit à la nécessité d’organiser des Pink Blocs (cortège de minorités sexuelles et de genre afin de créer de la visibilité et un rapport de force contre ces diverses oppressions) au sein des manifestations.
Être lesbienne, être gai, être bi.e, être trans, être intersexe, être queer [5], être pute, être séropo, et subir les discriminations, les violences, et la répression, en particulier policières, ne sont ni un choix ni un luxe.
La manifestation contre la répression policière étant à 12h30 à République et celle de l’Existrans à 14h au métro Belleville : le 15 octobre, la convergence est toujours possible.
Un.e membre d’Act Up-Paris, signataire des deux appels à manifester
[1] Se dit d’une personne dont le genre correspond à celui qui lui a été attribué à la naissance par le corps médical (qui n’est pas transgenre).
[2] Liste des revendications 2015 du collectif Existrans : http://existrans.org/?page_id=255
[3] Yagg, « PMA : De la promesse à l’oubli », http://yagg.com/2015/10/20/pma-de-la-promesse-a-loubli/
[4] Site de soutien pour Kara avec une cagnotte pour financer ses frais de justice : https://freekarawild.org/ Kara a récemment obtenu l’accès à son traitement hormonal mais reste détenue chez les hommes, ce qui va violemment à l’encontre de son genre.
[5] Terme parapluie et inclusif pour parler des minorités sexuelles et de genre, il prend aussi un sens politique positif en incluant certains féminismes, les pensées non-assimilationnistes ou les personnes ne se reconnaissant pas dans les catégories cloisonnées et/ou restrictives « lgbti ».