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Cannabis thérapeutique, salles de consommation à moindre risque

Lettre ouverte à l’Académie de médecine

lundi 7 juin 2010

En février dernier, l’Académie de médecine s’opposait une nouvelle fois à l’usage thérapeutique du cannabis. Cette institution a déjà montré qu’elle était déconnectée des réalités de terrain, préférant une idéologie sécuritaire que nous avons déjà dénoncée. Alors que l’Académie s’apprête à émettre un avis sur les salles de consommation à moindre risque, Act Up-Paris l’interpelle publiquement.

Mesdames, Messieurs,

Le 23 février 2010,vous avez pris position contre le cannabis à usage thérapeutique.

Les thèses que vous véhiculez sont archaïques. Ainsi, vous supposez fondée la « théorie » de l’escalade qui voudrait que, nous malades, en commençant la consommation du cannabis, serions indubitablement conduits à consommer par la suite d’autres drogues. Cette vision des choses n’a pas le moindre fondement sérieux. Alors que cette théorie de l’escalade a depuis bien longtemps été reléguée au rang de mythe par les professionnels de l’addictologie, vous en agitez l’épouvantail afin de valider vos « recommandations ».

Vous appuyez vos propos sur l’incertitude de la qualité et des quantités de cannabis que nous pourrions prendre, nous malades, alors qu’un accès encadré à ces produits résoudrait ces problèmes.
La légalisation de l’usage de cannabis thérapeutique nécessite la mise en place d’un système de distribution contrôlé. C’est bien ce système de distribution qui lèverait les inquiétudes que vous avez. En mélangeant les discussions sur le produit et le dispositif qui l’accompagne, vous témoignez d’un manque de rigueur consternant.

En contestant l’efficacité thérapeutique du cannabis, maintes fois prouvée par de nombreuses études et approuvée dans de nombreux pays d’Europe et au-delà, vous niez l’amélioration du confort de vie que pourrait apporter le cannabis thérapeutique à d’innombrables malades atteints du VIH/sida.
Comme si nous, personnes séropositives sous traitement antirétroviraux, avec des effets secondaires lourds, n’avions pas besoin de tout ce que la science peut nous offrir.

A la place, vous nous condamnez à la délinquance, à l’illégalité. Vous nous forcez, nous personnes malades, à aller chercher dans la rue la solution thérapeutique à laquelle nous avons droit et que notre état de santé recommande, au risque de nous faire agresser, voler, manipuler.
Outre que vous entretenez ainsi de fait les trafics et le commerce parallèle, vous nous mettez dans une situation de plus grande fragilité encore, tant économique que sociale.

La précarité dans laquelle nous nous trouvons se voit dès lors renforcée par vos propos ignorants, qui, loin du droit fondamental qu’est la Sécurité Sociale, nous forcent à recourir au marché noir pour obtenir un support thérapeutique auquel, dans d’autres pays, nous aurions droit.
Nous sommes appréhendéEs, fouilléEs, incarcéréEs, jugéEs et souvent condamnéEs au détriment de nos vies professionnelles et sociales, au détriment de notre santé.
Combien de malades sont obligés de se cacher de leurs proches, de leurs collègues, de leur médecin !

Nous n’avons choisi ni les effets secondaires de nos traitements, ni l’inefficacité des traitements plus conventionnels que le cannabis. L’usage de ce dernier à visée thérapeutique peut constituer une réponse, et nous exigeons de pouvoir en bénéficier.

Dans peu de temps, vous devrez vous positionner sur les salles de consommation de drogues à moindre risque. Nous attendons que vous dépassiez vos propres préjugés, que vous ne restiez pas piégés dans votre position moralisatrice. Nous espérons que vous sortirez de votre tour d’ivoire pour considérer la réalité de terrain et que vous baserez votre avis non seulement sur les nombreuses études existantes en la matière ainsi que sur leurs résultats probants, qui attestent incontestablement du bien-fondé d’un tel dispositif, mais aussi sur les témoignages des usagErEs de drogue et des acteurs de la réduction des risques.

Soyez-en sûrs : plus que jamais, Act Up Paris reste vigilant.