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Les préparatifs français pour le G8

jeudi 29 mai 2003

Fin avril, en préparation du G8, la France a fait circuler auprès des institutions ce document présentant les positions qu’elle entend soutenir à Évian concernant le sida et l’accès aux médicaments. Act Up commente [1].

Global Fund

The G8 will strengthen and support the Fund in the fight against AIDS, TB and Malaria.We reaffirm our support for the Global Fund.We welcome and support the proposal to host, in collaboration with the Global Fund, an International donors Conference in Paris this July bringing together G8 and non-G8 countries, and members of civil society and the private sector active in the fight against these diseases.

Limiter l’engagement du G8 vis-à-vis du Fonds mondial à une réaffirmation de soutien de principe et à l’annonce d’une conférence des donateurs en juillet est nettement insuffisant et parfaitement en décalage avec les mesures qu’imposent la situation actuelle et les attentes dans les pays en développement. Alors que les États-Unis ont annoncé une contribution à la lutte contre le sida de 15 milliards de dollars, les autres pays du G8 ne peuvent se contenter d’envisager leur participation à une conférence des donateurs. C’est pourquoi la France doit annoncer un accroissement significatif et un changement d’échelle de sa propre contribution au Fonds mondial. Le Fonds mondial ne pourra asseoir son existence sur une dynamique de collecte de financements reposant massivement sur le secteur privé. L’implication des États est déterminante pour marquer la volonté de la communauté internationale de mettre un terme à la catastrophe sanitaire et économique que représente l’épidémie.

We shall work towards the creation of a sustainable long term financing mechanism and cost effective results-targeted management of the Global Fund.

La recherche d’un mécanisme durable pour financer le Fonds mondial ne peut occulter le problème majeur que représente le niveau particulièrement faible des contributions des États. Les discussions actuelles encouragées par certains États pour réduire ou maintenir à un niveau minimum les contributions publiques au Fonds mondial sont inacceptables. Il en est de même de la logique de gestion de la pénurie proposée par certains qui consisterait à limiter le montant des financements attribué par le Fonds, notamment en effectuant un tri parmi des propositions toutes aussi recevables et indispensables. À l’heure actuelle les fonds disponibles sont insuffisants pour satisfaire au 3ème appel d’offre qui se tiendra en octobre, ceci signifie que des contributions supplémentaires doivent être débloquées en urgence, et non que l’appel d’offre doit être différé comme il a pu être proposé.

Access to Drugs and Treatments

The G8 will continue to play a significant role in ensuring access for the neediest populations in developing countries to drugs and treatments at an affordable price. [In case no agreement is reached before Evian] We reiterate our commitment, as outlined in the Doha Declaration, to find as soon as possible, a multilateral solution agreed in the WTO to address the problems faced by countries without manufacturing capacities in the pharmaceutical sector.

Depuis le blocage des négociations à l’OMC en décembre dernier, aucune solution n’a été apportée au problème de l’accès aux « génériques » pour les pays pauvres qui ne peuvent produire eux-même de médicaments. Les tractations entre États se poursuivent de façon informelle sans qu’un quelconque fléchissement des positions des pays du Nord ne soit perceptible. Au contraire, la France qui a souhaité inscrire cette question à l’ordre du jour du 68 est en net recul et joue actuellement contre les intérêts des malades des pays pauvres pour obtenir un compromis avec les États-Unis. La volonté de sortir de l’impasse des négociations ne peut justifier d’accepter n’importe quelle « solution », de céder face aux États-unis et aux laboratoires pharmaceutiques, et de valider un dispositif qui, dans les faits, ne permettra pas aux pays en développement l’accès aux médicaments « génériques ». La France doit s’opposer à toute remise en question de ce qui a été si durement acquis à Doha. Si elle reste engagée pour permettre l’accès aux médicaments « génériques » dans les pays non-industrialisés, elle doit affirmer haut et fort que ceux-ci doivent bénéficier des mêmes facilités que les pays industrialisés pour ce faire. Chaque pays doit pouvoir recourir aux « génériques » aussi facilement que s’il était en mesure de les produire lui-même. Cela doit être vrai quelle que soit la pathologie concernée - l’exemple de la pneumopathie atypique indique clairement, si besoin était, qu’il est tout à fait aberrant de vouloir se limiter à quelques maladies et que des besoins peuvent survenir à un moment donné sans qu’il soit possible de le prévoir. Cela doit être vrai quel que soit le niveau de développement du pays dès lors que l’État estime devoir permettre la copie de produits de santé dans l’intérêt de sa population.

A fair and predictable environment is needed to incentivise further current initiatives. We will therefore take the steps necessary to avoid the diversion of medicines away from the countries or regions for which they were intended. We call on recipient governments to do the same and undertake to provide the technical assistance to do so. We shall not use the preferential prices offered to the developing world as benchmarks for pharmaceutical products on our own markets.

Il est particulièrement étonnant que ce type de formule destinée à conforter l’industrie pharmaceutique apparaisse dans ce document quand rien n’est explicitement formulé concernant les besoins des pays en développement et le principe d’équité qui doit prévaloir en matière d’accès aux génériques entre pays pauvres et pays riches. L’industrie pharmaceutique agite à dessein le spectre de la ré-exportation de génériques sur les marchés occidentaux pour pousser les pays riches à imposer des garde-fous particulièrement contraignants, aux pays producteurs comme aux pays importateurs de
« génériques », et ainsi maintenir par tous les moyens leur
situation de monopole. Outre le fait que ces risques de
ré-exportation ne sont pas avérés, il est évident que c’est aux frontières des marchés riches qu’un dispositif doit être mis en place ou renforcé pour assurer leur étanchéité. Ceci ne peut servir de prétexte pour augmenter la difficulté d’accès aux génériques des pays en développement. Concernant la question des prix différenciés, aucun modèle, accord ou dispositif concret ne se profile actuellement et il est clair que l’industrie pharmaceutique est quasi-unanimement opposée à tout système de prix différenciés. La volonté de certains responsables politiques d’inscrire artificiellement cette question à l’agenda du G8 ne peut avoir qu’un impact négatif sur l’accès aux médicaments dans les pays en développement. Aucun système de prix différenciés efficace ne pourra être mis en oeuvre, quand bien même le principe en serait imposé aux industriels, sans l’existence d’une dynamique de compétition effective entre médicaments brevetés et médicaments « génériques ». Des réductions significatives de prix sur certaines molécules dans les pays en développement n’ont été possibles qu’en raison de l’existence de copies. Tant que la question de l’accès aux « génériques » ne sera pas résolue à l’OMC et en l’absence d’une solution adéquate pour les pays en développement, aucun mécanisme ne peut assurer l’accès des médicaments aux prix les plus bas.

We call on recipient countries to develop and prioritise their own health strategy, reduce tariffs and other fees on all medicines that they import in order to make them more affordable to their consumers, and take all other steps to ensure a positive working environment.

Cette mesure n’a comme objectif que de faciliter l’entrée sur les marchés des pays en développement des produits des multinationales pharmaceutiques - et par là-même de nuire à l’accès aux médicaments « génériques » moins chers.


[1Nous avons publié par ailleurs le version intégrale de ce document. Elle est disponible derrière ce lien.