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Protocoles 67-68 - nouvelle molécule

rilpivirine

nouvel inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse

samedi 1er octobre 2011

Une nouvelle molécule (Edurant®) et un nouveau « 3-en-1 » (Complera®) sont sur le point d’être mis sur le marché (voir actu des traitements). Retour sur les deux essais cliniques de phase III [1] qui ont évalué ce nouvel inhibiteur non nucléosidique de la transcriptase inverse (INNTI), la rilpivirine (Edurant®). Les deux essais ont montré que l’effet de cette molécule sur la charge virale chez des personnes naïves de traitement n’était pas inférieur à celui de l’efavirenz (Sustiva®), un autre INNTI couramment employé. Quoique présentant un profil de résistance moins favorable que l’efavirenz, le traitement à base de rilpivirine était mieux toléré et présentait un profil de sûreté d’emploi plus favorable.

La classe des INNTI

La rilpivirine (TMC278 ou Edurant®, présente aussi dans le comprimé trois en un Complera®, voir conclusion) appartient à la classe des antirétroviraux inhibiteurs de la transcriptase inverse de type non nucléosidique (INNTI). Elle vient de recevoir l’AMM européenne. Elle avait été approuvée par les autorités américaines (Food and Drug Administration ou FDA) en mai 2011, suite aux résultats favorables des deux essais THRIVE et ECHO dont le Lancet a publié le détail dans le numéro du 16 juillet 2011.

Les molécules INNTI de première génération incluent la névirapine (NVP ou Viramune®) approuvée par la FDA en 1996 et autorisée sur le marché français en 1998, la delavirdine (Rescriptor®) approuvée par la FDA en 1997, mais pas en France, et qui s’est avérée en fait moins efficace que son successeur, l’efavirenz (EFV ou Sustiva®) approuvé par la FDA en 1998 et mis sur le marché français en 1999. Une molécule de seconde génération, l’étravirine (TMC125 ou Intelence®) a été approuvée en 2007 par la FDA et en 2008 en France. Elle est indiquée pour les personnes en échappement thérapeutique et ayant des résistances aux autres INNTI.

Pourquoi une nouvelle molécule dans la classe des INNTI ?

Pour le premier traitement antirétroviral, les recommandations françaises du groupe d’experts pour la prise en charge médicale des personnes infectées par le VIH indiquent de recourir préférentiellement à une trithérapie comportant deux inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse (INTI, mais il est aussi possible de prendre un inhibiteur nucléotidique). Quand le choix se porte sur l’utilisation d’un INNTI, les experts recommandent l’efavirenz – les deux INTI recommandés sont alors le tenofovir (TDF ou Viread®) et l’emtricitabine (FTC ou Emtriva®), disponibles sous forme combinée dans Truvada® – les trois inhibiteurs de la transcriptase inverse sont aussi disponibles en combinaison dans Atripla®.

Si l’efavirenz est l’INNTI de choix en combinaison avec deux INTI et s’il est relativement bien toléré, il présente néanmoins des effets secondaires de type cutané pouvant être sévères (rash). Sa prise peut s’accompagner aussi de sensations d’ébriété, de vertiges, de cauchemars et d’hallucinations qui peuvent être transitoires. En plus de ses effets neurologiques et psychiques, il peut augmenter les concentrations des triglycérides et du cholestérol de type LDL. Il est aussi tératogène [2] et, à ce titre, contre-indiqué pendant la grossesse. Enfin, côté profil de résistance virale, si la prise d’efavirenz s’accompagne de l’apparition de virus résistants à cette molécule, la résistance sera aussi effective pour les deux autres molécules de première génération, la névirapine et la delavirdine.

Rappelons que, comme pour tout médicament, c’est l’équilibre entre les risques (effets indésirables) et le bénéfice (ici baisse de la charge virale) qui détermine s’il y a lieu de continuer le traitement. Cela étant, il y a donc tout de même un intérêt pour identifier des molécules de la même classe qui seraient mieux tolérées globalement, surtout si la mise sous traitement de façon précoce devient la norme. Le développement de la rilpivirine du laboratoire Tibotec Pharmaceuticals s’inscrit dans une démarche de recherche d’un INNTI d’efficacité au moins aussi bonne que celle de l’efavirenz, avec des atouts supplémentaires au niveau tolérance et sûreté d’emploi.

Design des essais THRIVE et ECHO

Nous avions présenté la fiche essai ECHO (TMC278-C209) de l’évaluation de la rilpivirine dans le numéro 53 de Protocoles (octobre 2008). L’essai THRIVE (TMC278-C215) est un essai indépendant, mais de même design, visant aussi à comparer la rilpivirine à l’efavirenz. Dans ces essais, chaque INNTI faisait partie d’une trithérapie comprenant deux autres antirétroviraux inhibiteurs de la transcriptase inverse : le tenofovir (inhibiteur nucléotidique de la transcriptase inverse) et l’emtricitabine (INTI) pour ECHO et deux inhibiteurs nucléosidiques ou nucléotidiques au choix des cliniciens investigateurs pour THRIVE.

Ces essais faisaient suite aux résultats encourageants de phase II. Leur design était  :

 une phase III (nombre important de participants [3]),
 randomisée (l’attribution du type de trithérapie est faite de façon aléatoire),
 en double aveugle (ni les personnes participant à l’essai, ni les investigateurs ne connaissaient l’INNTI choisi, rilpivirine ou efavirenz),
 avec contrôle actif, c’est-à-dire connu pour être efficace (il s’agit du groupe recevant une trithérapie à base d’efavirenz et donc comparé au groupe recevant celle à base de rilpivirine),
 dite de non-infériorité, car le but est de montrer que la rilpivirine fait au moins aussi bien que l’efavirenz en terme d’efficacité sur la charge virale.

Les essais THRIVE et ECHO incluaient des participants adultes naïfs de traitement et infectés par le VIH-1 (mais pas par le VIH-2) provenant de divers pays : Etats-Unis et Porto-Rico, Canada, Australie, Europe, Afrique du Sud, Asie et Amérique Latine. THRIVE a débuté le 22 mai 2008 et ECHO le 21 avril 2008.

Résultats des essais THRIVE et ECHO

En résumé, les deux essais montrent que la trithérapie incluant la rilpivirine n’est pas inférieure à celle à base d’efavirenz chez les personnes naïves de traitement : les pourcentages de réussite de contrôle de la charge virale à 48 semaines sont similaires, autour de 83%. De plus, la prise de rilpivirine est mieux tolérée que celle d’efavirenz : 16% d’effets secondaires modérés ou graves dans le groupe rilpivirine par rapport à 31% dans le groupe efavirenz dans les deux essais. En particulier, il y a moins souvent apparition de rash ou de troubles du système nerveux central. L’abandon de la trithérapie proposée suite à ces effets secondaires est moins fréquente avec celle incluant la rilpivirine : 3% d’abandons contre 7% dans le groupe avec efavirenz dans l’essai THRIVE et 2% contre 8% dans l’essai ECHO.

Pour en savoir plus sur les aspects précédents, vous pouvez consulter les encadrés. Vous y verrez que l’analyse des pourcentages de succès en fonction de la charge virale en début d’essai fait apparaître des différences sur lesquelles nous reviendrons dans le chapitre suivant, avant de porter un regard particulier sur les résistances en cas d’échec thérapeutique.

Non-infériorité de la rilpivirine par rapport à l’efavirenz dans THRIVE et ECHO

On notera que la trithérapie avec rilpivirine n’apparaît pas supérieure
à celle avec efavirenz dans les deux essais.

Les investigateurs ont aussi analysé les pourcentages de réussite de contrôle de la charge virale en fonction des valeurs initiales de cette charge au recrutement. Ainsi, en combinant les chiffres publiés pour les deux essais, pour une charge initiale inférieure à 100 000 copies par millilitre, il apparaît que la trithérapie incluant la rilpivirine présente un pourcentage plus élevé de contrôle viral par rapport au groupe efavirenz, à savoir 90% (332 sur 368 personnes) contre 84% (276 sur 330). Par contre, les résultats vont dans le sens inverse quand la charge initiale était supérieure à 100 000 copies par millilitre, à savoir 77% (246 sur 318) contre 81% (285 sur 352) – si l’on stratifie en plus ce dernier groupe par rapport à plus ou moins 500 000 copies, les pourcentages sont de 80% contre 83% (entre 100 000 et 500 000 copies) et 70% contre 76% (>500 000 copies).

En termes de nombre de CD4, au cours des 48 semaines de l’essai THRIVE, ceux-ci remontaient de 189 cellules par microlitre (intervalle de confiance à 95%, IC 95% de 174 à 203) et 171 cellules par microlitre (IC 95% de 155 à 187) pour les groupes avec rilpivirine et efavirenz, respectivement, sans différence statistiquement significative entre les deux groupes. Les chiffres sont comparables pour l’essai ECHO :
+ 196 CD4 (IC 95% de 179 à 212) pour le groupe rilpivirine
et + 182 CD4 (IC 95% de 165 à 198) pour le groupe efavirenz.

Échecs virologiques dans les essais THRIVE et ECHO

L’analyse combinée des deux essais – telle que rapportée à la conférence internationale sur le sida (IAS) à Vienne en 2010 – fait apparaître un succès comparable pour les trithérapies utilisées à base de rilpivirine ou d’efavirenz, soit 84,3% de succès avec rilpivirine et 82,3% avec efavirenz (détails par essai indiqués dans le premier encadré). Parmi les personnes restantes (15,7% et 17,7%, respectivement), on peut distinguer trois principaux groupes : celles qui ont arrêté le traitement à cause d’effets secondaires ou de leur décès (voir encadré), celles qui l’ont arrêté pour d’autres raisons (personnes perdues de vue, inéligibles pour continuer le protocole ou retirées du protocole suite à la décision des sponsors des essais, protocole non suivi, retrait de consentement) et celles qui sont en échec virologique. Pour les effets adverses, les pourcentages sont de 2,2 et 7,2%, et pour les autres raisons, de 4,5 et 5,7% (groupe rilpivirine et efavirenz, respectivement).

Les échecs virologiques dans les deux essais correspondent donc à 9% dans le groupe rilpivirine et 4,8% dans le groupe efavirenz. L’analyse détaillée des chiffres publiés permet aussi de calculer les pourcentages de personnes n’ayant jamais eu de charge virale indétectable, soit 5,5% dans le groupe rilpivirine contre 2,6% dans le groupe efavirenz. Les autres (3,5% et 2,2%) ont présenté des rebonds de charge virale, c’est-à-dire qu’après un contrôle de la charge, celle-ci est redevenue détectable. Les investigateurs suggèrent un lien avec l’observance pour expliquer ces différences. L’autre élément à prendre en compte est la charge virale à la mise sous traitement. Comme indiqué dans le premier encadré, une charge virale supérieure à 100 000 copies par millilitre au départ coïncide avec de moins bons résultats d’une trithérapie initiée avec rilpivirine par rapport à celle contenant l’efavirenz.

Résistances dans les essais THRIVE et ECHO

On parle de résistance quand un traitement devient inactif contre le virus. Cela fait suite à l’adaptation de la population virale à la présence d’un médicament et repose sur la grande variabilité du virus lors de sa multiplication (apparition de mutations). Rappelons aussi qu’une contamination avec un virus déjà résistant est possible. Un des problèmes des résistances est ce que l’on nomme la résistance de classe : ainsi, pour ce qui nous intéresse, si un virus présente une mutation qui le rend résistant à un INNTI donné, il est possible qu’il devienne résistant à d’autres antirétroviraux de cette même classe. En conséquence, les options thérapeutiques s’amenuisent. Il était donc particulièrement intéressant d’étudier le profil de résistance éventuel suite à un traitement avec ce nouvel INNTI, la rilpivirine.
Pour les deux essais THRIVE et ECHO, au moment de l’échec virologique, il y avait globalement plus de personnes dans le groupe rilpivirine qui développaient des résistances aux INNTI que dans le groupe avec efavirenz. Le type de mutations observées dans la cible virale, la transcriptase inverse, différait aussi entre les deux groupes. Ces mutations apparaissant chez certaines personnes pourraient donc laisser moins d’options thérapeutiques alternatives dans la classe des inhibiteurs de transcriptase inverse (INNTI, mais aussi INTI, inhibiteurs nucléosidiques de la transcriptase inverse) après la prise de rilpivirine qu’avec celle d’efavirenz (voir détails dans l’encadré “profils de résistance”).

Conclusions et perspectives

On pourra s’étonner du fait que deux essais quasiment identiques dans leur esprit aient été menés indépendamment. Cela renforce assurément la confiance que l’on peut avoir dans les résultats. En fait, cette stratégie de mener deux essais de phase III indépendants permet de répondre aux exigences des autorités américaines (la FDA) pour – en cas de résultats favorables – accélérer le processus d’autorisation de mise sur le marché (AMM). La FDA a effectivement approuvée l’utilisation de la rilpivirine chez les personnes naïves de traitement le 20 mai 2011, avant même la publication officielle des résultats. Les investigateurs annoncent aussi qu’ils publieront des résultats complémentaires intégrant les observations des deux essais combinés, ce qui permettra aussi de donner plus de poids aux futures conclusions grâce à des effectifs plus importants pour des analyses portant sur des sous-groupes de participants définis selon certains critères (type de traitement de base par exemple, laissé libre dans l’essai THRIVE).

Par ailleurs, d’autres essais sont en cours avec la rilpivirine. L’essai PAINT de phase II vise à évaluer la pharmacocinétique, la sécurité d’emploi, la tolérance et l’efficacité anti-VIH1 chez des personnes adolescentes naïves de traitement. Toujours chez les personnes naïves de traitement, mais chez les adultes cette fois, un essai de phase III évalue deux groupes, l’un prenant un comprimé trois en un contenant efavirenz, emtricitabine et tenofovir (Atripla®) et l’autre prenant aussi un comprimé trois en un, mais cette fois avec la rilpivirine remplaçant l’efavirenz. Deux autres essais visent à déterminer le bénéfice éventuel d’un changement de traitement chez des personnes déjà sous traitement efficace pour contrôler la charge virale (toujours VIH-1). Dans le premier essai (États-Unis), il s’agit de passer d’une thérapie efficace à base du comprimé contenant efavirenz, emtricitabine et tenofovir (Atripla®) à l’utilisation du comprimé à dosage fixé contenant l’emtricitabine, la rilpivirine et le tenofovir. Pour le second essai de phase III (international, dont la France), le passage s’effectue d’une thérapie efficace à base d’un inhibiteur de protéase boosté au ritonavir (Norvir®) combiné à deux INTI à l’utilisation du comprimé à dosage fixé contenant l’emtricitabine, la rilpivirine et le tenofovir.

Ce dernier comprimé, né de la collaboration entre Gilead et Tibotec, a obtenu son autorisation de mise sur le marché au mois d’août 2011 par la FDA. L’autorisation vaut pour les personnes naïves de traitement. Ce sera le second comprimé trois en un de Gilead. Le nom américain choisi est Complera®, où la rilpivirine (Edurant®) en association avec Truvada® (emtricitabine/Emtriva® et tenofovir/Viread®) fait le pendant de l’efavirenz (Sustiva®) associé avec Truvada® dans Atripla®. Côté européen, Edurant® vient d’obtenir l’AMM ; celle de Complera® devrait arriver d’ici la fin de l’année.

Tolérance et sécurité d’emploi de la rilpivirine dans les essais THRIVE et ECHO

Dans l’essai THRIVE, le nombre de personnes qui ont arrêté le traitement proposé était plus faible dans le groupe avec rilpivirine que dans celui avec efavirenz, qu’il s’agisse d’arrêts suite à des effets secondaires ou pour d’autres raisons (protocole non suivi, retrait de consentement, etc.). 4% des participants (15 sur 340) dans le groupe recevant la rilpivirine et 7% (25 sur 338) dans le groupe avec efavirenz ont stoppé le traitement initialement proposé suite à des événements adverses, qu’ils s’agissent d’effets secondaires ou de décès – les décès sont rapportés comme indépendants des traitements (une bronchopneumonie dans le groupe rilpivirine, une toxoplasmose cérébrale avec dysenterie, un accident vasculaire cérébral et un arrêt respiratoire dans le groupe efavirenz).

Les observations de sécurité d’emploi sur 48 semaines et au-delà pour l’essai THRIVE indiquent que les effets indésirables sont en général légers à modérés (grades 1 et 2, sur une échelle allant jusqu’à 4 [4]). L’apparition d’événements secondaires de grade 2 à 4 possiblement liés au traitement était moindre dans le groupe avec rilpivirine que dans celui avec efavirenz. En particulier, alors que l’apparition d’un rash (éruption cutanée) a conduit à l’arrêt du traitement proposé chez cinq des 30 personnes concernées prenant la trithérapie incluant l’efavirenz, aucun arrêt n’a été constaté sous rilpivirine pour cause de rash (un seul rash répertorié). Le rash concernait 3% des personnes sous traitement incluant la rilpivirine (grade 1 ou 2) et 13% avec efavirenz (99% de grade 1 ou 2, 1% de grade 3). Mises à part les 5 personnes sous efavirenz dont le rash a conduit à cesser la prise, toutes les autres l’ont vu régresser.

Les anomalies de grade 3 ou 4 associées à un dosage biologique donné à 48 semaines concernaient en général moins de 3% des effectifs de chaque groupe, à l’exception du cholestérol LDL, élevé chez 6% des personnes du groupe efavirenz, contre 1% dans le groupe rilpivirine. Si l’augmentation du cholestérol (total, HDL et LDL) et des triglycérides au cours de l’essai était moindre en cas de prise de rilpivirine par rapport à la prise d’efavirenz, l’évolution du rapport du cholestérol total au cholestérol HDL ne différait pas entre les deux groupes.

De même, pour l’essai ECHO, les effets secondaires étaient généralement de grade 1 ou 2. Le nombre d’effets de grade 2 ou plus était aussi plus important dans le groupe efavirenz. Qualitativement, il s’agissait principalement de vertiges, rêves anormaux et cauchemars, insomnies, nausées et de rash. Nous ne détaillerons pas les chiffres cette fois, ni pour les paramètres biologiques (cholestérol, etc.), car les tendances sont globalement semblables à celles de l’essai THRIVE. Les événements dits graves touchaient à peu près la même proportion dans les deux groupes (7 et 9%) – avec une mort constatée dans le groupe efavirenz due à un lymphome de Burkitt, sans lien avec le traitement, et aucune dans le groupe rilpivirine. Comme précédemment, les discontinuations de traitement étaient plus fréquentes avec efavirenz (8% contre 2% avec rilpivirine).

Profils de résistance dans les essais THRIVE et ECHO

Un commentaire accompagnant la publication des résultats des deux essais dans le Lancet du 16 juillet résume ce que les investigateurs ont publié pour chaque essai à propos des résistances croisées. Pour les personnes en échec thérapeutique dans les essais THRIVE et ECHO, 63% dans le groupe rilpivirine ont développé au moins une mutation associée à la résistance aux INNTI. Il s’agit principalement de la mutation qui touche l’acide aminé 138 de la transcriptase inverse identifiée comme E138K, mais d’autres positions dans la séquence de l’enzyme peuvent aussi être affectées : K101E, H221Y, V189I, Y181C ou V90I (chaque nombre indique la position de l’acide aminé, l’élément de base du chapelet constituant la séquence d’une protéine ; les lettres renvoient aux noms des acides aminés eux-mêmes, la première lettre correspondant à l’acide aminé dans la séquence originale du virus et la seconde à l’acide aminé remplaçant dans la séquence mutée). Dans le groupe efavirenz, 54% des personnes en échec thérapeutique ont développé au moins une mutation associée à la résistance aux INNTI, principalement avec une mutation K103N, les autres étant V106M, Y188C ou K101E.

Les auteurs du commentaire notent que pour les personnes en échec virologique sous rilpivirine qui avaient une résistance phénotypique [5] à la rilpivirine, 45%, 87% et 90% présentaient une résistance croisée à la névirapine, à l’efavirenz et à l’étravirine, respectivement. Cela exclut alors le recours à un autre INNTI pour ces personnes. Par contre, en cas de résistance à l’efavirenz, il y aurait toujours la possibilité de recourir à l’étravirine et sans doute à la rilpivirine, comme nouvelle option thérapeutique – l’emploi du conditionnel est de rigueur, des études complémentaires étant nécessaires pour s’en assurer.

Enfin, les deux essais révèlent qu’il y a une proportion plus élevée sous rilpivirine que sous efavirenz de personnes en échec thérapeutique qui développent des mutations conférant une résistance aux INTI : 68% contre 32%. La principale position affectée est la même dans les deux groupes, mais l’acide aminé substituant diffère : M184I et M184V, respectivement.

Les auteurs de ce commentaire déplorent qu’une analyse combinée des résultats n’ait pas été publiée, vu l’importance des enjeux de résistance croisée.


[1Phase I :
tolérance, toxicité,
Phase II :
efficacité, pharmacologie,
Phase III : comparaison (avec placebo ou traitement de référence),
Phase IV :
effets indésirales,
plus rares ou tardifs.

[2tératogène  : on dit d’une substance qu’elle est tératogène quand elle est susceptible d’être à l’origine d’anomalies au cours du développement de l’embryon ou du fœtus.

[3comme à l’accoutumée, nous déplorons le faible nombre de femmes recrutées - moins de 28% - d’autant plus que dans les remarques finales de leur publication dans le Lancet, les investigateurs de l’essai THRIVE notent qu’une des limitations de leur essai – partagée par la plupart des essais cliniques portant sur des populations séropositives pour le VIH, écrivent-ils de surcroît – est de sous-représenter certaines populations de malades, et ils citent les femmes comme exemple…

[4grade 1, anomalie légère (effet sans conséquence), gène légère ou transitoire sans limitation de l’activité quotidienne habituelle ;
grade 2 = anomalie modérée, limitation partielle de l’activité quotidienne habituelle ; une intervention médicale ou un traitement correcteur ne sont pas nécessaires pour le grade 1 ou obligatoirement nécessaires pour le grade 2 ;
grade 3 = anomalie sévère avec limitation de l’activité quotidienne habituelle nécessitant une intervention médicale et un traitement correcteur, hospitalisation possible  ;
grade 4 = menace vitale (pouvant entraîner le décès), nécessitant une intervention médicale ou un traitement correcteur, presque toujours en milieu hospitalier

[5on parle de test de résistance génotypique quand on évalue les séquences mutées et de test de résistance phénotypique quand on évalue la capacité effective du virus muté à être résistant à un traitement lors de la réalisation d’expériences au laboratoire avec le virus isolé en dehors de notre organisme et confronté au traitement.