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élections 2002

ce que Act Up demande à Lionel Jospin

samedi 23 mars 2002

A la suite d’une rencontre organisée le 12 mars dernier entre les associations de lutte contre le sida et Lionel Jospin, Act Up-Paris a transmis au premier ministre-candidat ses demandes d’engagements.

Déclaration Obligatoire de Séropositivité (DOS)

Rappel : le décret portant sur Déclaration Obligatoire de Séropositivité a été publié le 16 mais 2001. Le dispositif devait être mis en place en janvier 2002 mais l’arrêté ministériel n’était toujours pas signé à cette date. Début février, le cabinet de Bernard Kouchner s’est engagé au nom du gouvernement à ce que l’arrêté soit signé avant le 15 mars.
 Mesure à prendre : signature de l’arrêté dès réception de l’autorisation de la CNIL

Couverture Médical Universelle (CMU)

Rappel : deux millions de personnes bénéficiaires de l’Allocation Adulte Handicapé (AAH, d’un montant de 569,38 € par mois) ou d’un revenu équivalent (minimum vieillesse) ont été exclues du régime complémentaire gratuit de la CMU dont le plafond est fixé à 548,82 €. Cela les oblige, malgré leurs très faibles revenus, à cotiser auprès d’une mutuelle ou d’une assurance pour assurer la couverture du forfait hospitalier et des soins les plus coûteux (notamment les soins dentaires) dont les personnes atteintes par le VIH ont fréquemment besoin. Cet effet de seuil a été largement dénoncé par des parlementaires, les associations et des professionnels de santé.
 Mesure à prendre : en urgence, Lionel Jospin doit prolonger par décret la gratuité des soins pour ces personnes comme cela a été fait jusqu’au dernier semestre 2001. Il doit également revoir, par décret, le plafond de ressources de la complémentaire gratuite afin d’y intégrer l’ensemble de ces personnes et le prévoir dans le budget de la Sécurité Sociale.

Lutte contre le sida et l’accès aux médicaments dans les pays en développement :

Premier rappel : Lionel Jospin, comme d’autres responsables politiques français, tient un discours sans ambiguïté sur la nécessité de donner accès aux médicaments contre le sida aux malades des pays en développement. A l’heure actuelle, l’OMS estime que sur les 36 millions de personnes atteintes par le sida vivant dans ces pays, environ 10 millions de personnes sont dans un état de santé qui nécessitent une mise sous trithérapie immédiate. Pourtant, les initiatives de prise en charge lancées ces dernières années dans les pays africains ne concernent, faute de moyens, qu’un nombre très restreint de malades (de quelques centaines à quelques milliers). Chaque jour 10 000 personnes meurent du sida dans le monde faute de soins. A partir des pôles médicaux existants, il est désormais possible d’accroître de façon significative le nombre des personnes traitées, si les moyens financiers nécessaires sont mobilisés. Les besoins ont été estimés par les organismes des Nations Unies à environ 12 milliards d’euros par an pour financer l’achat des traitements, le renforcement des structures de prise en charge et des initiatives d’ores et déjà opérationnelles.
 Mesure à prendre : compte tenu des moyens à disposition de l’État français, Lionel Jospin, qui communique sur ce sujet à l’occasion de sa campagne et l’a inscrit dans les priorité de son projet électoral, doit s’engager publiquement à une contribution d’au moins 1 milliard d’euros par an.

Second rappel : La France a soutenu les pays en développement lors de la conférence de l’OMC à Doha pour qu’ils puissent bénéficier des recours laissés par les accords internationaux afin d’accéder aux médicaments les moins chers. Pourtant, la possibilité pour les pays qui ne produisent pas eux-mêmes de médicaments d’importer des génériques à partir de pays intermédiaires n’a toujours pas été reconnue par l’OMC. A l’heure actuelle, la Commission Européenne tente d’imposer des restrictions draconiennes aux pays en développement qui souhaitent produire des génériques ou en importer, et ce dans le seul but de satisfaire le lobby des compagnies pharmaceutiques détentrices de brevets.
 Mesure à prendre : Lionel Jospin doit exprimer le soutien de la France aux pays en développement. Il doit d’urgence favoriser la production locale et l’importation de génériques, en affirmant le droit des pays producteurs à exporter des génériques, en développant le transfert de technologies et en finançant la mise en place d’unités de production.

Troisième rappel : l’aide au développement constitue un des modes de financement des systèmes sanitaires et de la lutte contre le sida dans les pays pauvres. Dans son projet électoral, Lionel Jospin prend la peine d’écrire qu’« un effort des pays industrialisés en faveur du développement, à hauteur de 0,7% de leur produit intérieur brut, doit rester notre objectif ». Les pays membres de l’OCDE s’étaient effectivement engagés à cela en 1969. Pourtant au même moment, lors de la conférence de Monterrey sur le financement du développement, les pays européens (dont la France) viennent de se fixer 0,39% pour 2006.
 Mesure à prendre : Lionel Jospin doit clarifier ses positions sur l’aide au développement dans les plus brefs délais.

Etrangers sans-papiers atteints de pathologies graves

Premier rappel : depuis quelques mois, les DDASS et les préfectures demandent, en toute illégalité, aux assistantes sociales hospitalières un certificat confirmant que la personne n’est pas venue en France spécifiquement pour se soigner. Faute de ce certificat, les administrations refusent d’ouvrir l’Aide Médicale d’Etat.
 Mesure à prendre : une circulaire doit dans les plus brefs délais doit rappeler l’article L251 du code de l’Action Sociale et de la Famille qui rappelle que tout étranger a droit à l’aide médicale d’Etat.

Second rappel : Tout étranger régularisé au titre de l’article 12 bis-112 a droit à une Carte de Séjour Temporaire (CST) de 1 an renouvelable et ouvrant différents droits élémentaires. Sauf les étrangers vivant en France depuis moins de 1 an et les étrangers représentant un trouble à l’ordre public qui se voient attribuer à la place une Autorisation Provisoire de Séjour (APS) - qui elle n’ouvre aucun droit.

Tout étranger régularisé au titre de l’article 12 bis-11 peut exercer un emploi. Mais les personnes ayant une APS dépendent de l’arbitrage des préfectures qui depuis quelques temps délivrent quasi systématiquement des APS avec la mention « n’autorise pas à exercer un emploi ».

Tout étranger ne pouvant travailler pour raison de santé, a droit, après accord de la COTOREP, à l’Allocation Adulte Handicapé (AAH). Sauf les personnes qui ont un titre de séjour inférieur à un an, donc une APS.

Toute personne démunie et vivant avec le VIH/sida peut faire une demande d’appartement thérapeutique. Ceci permet de ne pas rester à la rue et, entre autres, de suivre son traitement dans des conditions décentes. Sauf les personnes ayant un titre de séjour inférieur à un an, donc une APS.

 Seconde mesure à prendre : Lionel Jospin doit fixer par décret l’octroi systématique d’une Carte de Séjour Temporaire donnant accès aux droits élémentaires en matière d’emploi, d’AAH et d’hébergement aux étrangers sans-papiers atteints de pathologies graves et inexpulsables au titre de l’article 12 bis -112.

Concernant la directive européenne relative à la publicité directe aux consommateurs en matière de médicaments pour les malades du sida, du diabète et de l’asthme

Rappel : la Commission Européenne a émis en juillet dernier une directive visant à autoriser la publicité à destination des patients pour trois pathologies (VIH / sida, diabète et asthme) pour une période d’essai de 5 ans. Jusqu’à présent, l’« information » directe au consommateur pour les médicaments soumis à prescription est interdite dans tous les pays de l’Union Européenne. Cette directive, qui émane de la Direction Générale du Commerce et non de la Direction Générale à la Santé et à la Protection des consommateurs, amalgame information et marketing. Elle a été proposée dans l’intérêt des industriels, et non dans l’intérêt des patients.
 Mesure à prendre : Lionel Jospin doit rapidement prendre position publiquement contre cette directive. Il est essentiel que le candidat à la présidentielle se prononce clairement sur un enjeu de santé publique aussi déterminant et avance sans ambiguïté la position que la France doit tenir au sein de l’Union européenne.

Prévention du VIH/sida

Premier rappel : en juin 2001, Lionel Jospin a demandé le retrait d’une campagne de prévention montrant explicitant des pratiques sexuelles au motif que le gouvernement ne pouvait assumer ce discours sur la sexualité qu’il jugeait trop choquant. Depuis 1999, tous les indicateurs existants témoignent d’une reprise des pratiques à risques et des contaminations en France. Comme le fait remarquer Lionel Jospin dans son projet électoral : « il faut combler notre retard en matière de prévention ».
 Mesure à prendre : Lionel Jospin doit s’engager à la mise en place dans les mois à venir d’une campagne de prévention explicite, et renoncer à imposer sa conception personnelle de la sexualité au détriment de la santé publique. Une prévention efficace ne peut faire l’économie d’un discours sans tabou sur les modes de contamination, donc sur la sexualité.

Second rappel : la prévention du sida et des MST dans le milieu scolaire est réduite à deux heures en 4ème et en 3ème ; il n’existe pas d’éducation sexuelle et affective. Le 19 décembre 2001, lors d’une conférence de presse, Jack Lang et Bernard Kouchner ont annoncé le lancement d’un « plan d’éducation affective et sexuelle ». Le gouvernement ne peut s’en tenir à une incitation des établissements scolaires à mettre en oeuvre ce plan. Une fois encore, comme le fait remarquer Lionel Jospin dans son projet électoral : « il faut combler notre retard en matière de prévention ».
 Mesure à prendre : Lionel Jospin doit annoncer dans les plus brefs délais la mise en place de moyens au niveau national pour permettre à ce plan d’être mis en application dès la rentrée scolaire 2002. Ce plan doit prévoir au moins 3 heures d’éducation sexuelle et affective par an et par niveau scolaire depuis l’école primaire et la mise à disposition de préservatifs féminins et masculins et de gel dans tous les établissements scolaires.

Lutte contre l’homophobie

Rappel : en 2001, plusieurs personnes ont trouvé la mort suite à des agressions homophobes en France. La loi française est muette sur ce sujet. A aucun moment, le candidat Lionel Jospin ne se prononce sur l’insécurité à laquelle les homosexuels sont confrontés en France alors même que plusieurs parlementaires ont soulevé la question.
 Mesure à prendre : Lionel Jospin doit proposer des mesures concrètes de lutte contre l’homophobie et s’engager à inscrire à l’agenda parlementaire un projet de loi de pénalisation de l’homophobie.

Concernant la prison et les conditions de détention

Rappel : Comme le fait remarquer Lionel Jospin dans son projet électoral : « le gouvernement [doit] porter une attention particulière dans le cadre d’une réforme pénitentiaire au conditions de détention qui sont encore trop souvent indignes ». Ces conditions ne sont pas seulement indignes, elles tuent : 500 suicides en détention depuis 1997 et plusieurs dizaines de morts liées à des pathologies graves chaque année.
 Mesure à prendre : Lionel Jospin et ses services doivent intervenir immédiatement pour accélérer les demandes de grâces médicales de détenus atteints de pathologies graves actuellement maintenus en prison et qui doivent être libérés avant les élections présidentielles. Il doit également réformer par décret le dispositif des grâces médicales (en nommant deux médecins et un juge indépendants chargés d’examiner les demandes en un temps minimum et de transmettre leur avis au Président de la République pour accord).

L’accès aux assurances pour les personnes atteintes de pathologies graves

Rappel : Les séropositifs n’ont pas accès à l’assurance dès lors que les compagnies ont connaissance de leur statut sérologique. Or, les formulaires des contrats comportent systématiquement un questionnaire médical dans lequel il est demandé de signaler celui-ci. Une convention a été signée par les associations de malades et de consommateurs, des organismes de crédit et les pouvoirs publics. Elle vise à améliorer l’accès à l’assurance des personnes atteintes de pathologies graves. Cependant, cette convention ne comporte aucune clause permettant d’en assurer le respect par les organismes de crédit.
 Mesure à prendre : le candidat Lionel Jospin doit s’exprimer publiquement sur cette question et engager les professionnels de l’assurance à respecter leurs engagements.