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focus sur la surinfection

Entre doutes et certitudes

mai 2005

Ce qui est certain

Les études réalisées chez l’animal, la démonstration de cas avérés chez l’homme et l’existence d’une quinzaine de formes circulantes recombinantes sont autant d’arguments prouvant la réalité de la surinfection par le VIH-1 chez l’homme. Ce phénomène, récemment établi, met à mal l’idée qu’une réponse immunitaire spécifique induite par une infection primaire constitue une protection contre la surinfection ultérieure par une autre souche du VIH-1. Cependant, il n’est pour l’instant pas possible de déterminer la fréquence à laquelle intervient la surinfection. Les premiers cas de surinfection par le VIH-1 concernant des usagerEs de drogue par voie intraveineuse, il était raisonnable de penser que l’inoculation intraveineuse directe, en contournant la barrière que constitue la réponse immunitaire associée aux muqueuses, était la seule façon pour le virus de passer outre la réponse immunitaire effective de l’organisme. Cependant, la description de cas de surinfection faisant suite à une exposition sexuelle démontre que ce n’est malheureusement pas le cas. Une réponse immunitaire spécifique contre le virus, même lorsqu’elle est suffisamment puissante pour contrôler la réplication du virus responsable de l’infection initiale, n’exerce pas d’action croisée capable d’empêcher la surinfection par une deuxième souche virale. La surinfection peut donc avoir lieu au cours d’un rapport sexuel non protégé. Enfin tous les cas décrits de surinfection sont associés à une évolution délétère de l’état de santé des malades concernéEs.

Questionnement

Bien que des cas attestent que la réponse immunitaire primaire ne parvienne parfois pas à empêcher la surinfection par un second virus, on est incapable de dire à quelle fréquence peut survenir une surinfection. S’agit-il de cas anecdotiques, reflets de la malchance de quelques personnes, ou au contraire est-ce le sommet de l’iceberg ? La réponse immunitaire spécifique du VIH-1 protège-t-elle la majorité des personnes déjà infectées par le VIH-1 ou bien l’activation générale du système immunitaire en réponse à l’infection chronique par le VIH-1 offre-t-elle autant de cibles supplémentaires facilitant la surinfection ? Obtenir des réponses à ces questions est urgent, et cela ne pourra se faire qu’en mettant en place des études prospectives de grande ampleur comparant l’incidence de l’infection primaire à celle de la surinfection.

Vaccin prophylactique et espoir

Echafauder des conclusions quant à la mise au point d’un vaccin prophylactique à destination des personnes séronégatives en se fondant sur l’absence de protection croisée observée chez quelques personnes infectées par le VIH-1 n’est pas très réaliste. Le VIH-1 infecte et détruit de préférence les CD4, portant ainsi atteinte à une arme fondamentale de la réponse immunitaire spécifique de l’hôte. De plus, alors que chez une personne séropositive, la capacité des CD8 spécifiques du
VIH-1 semble fortement diminuée, cette même réponse immunitaire pourrait être suffisante chez une personne séronégative pour prévenir l’infection.

Vaccin prophylactique et désespoir

Cependant, une des caractéristiques du VIH-1 qui force l’étonnement est sa diversité génétique en continuelle progression. Rien qu’à l’intérieur du groupe M, le groupe VIH-1 principalement responsable de l’épidémie de sida, sévissent une multitude de sous-types et virus recombinants. Bien que de nombreuses études décrivent une reconnaissance croisée de différents sous-types ou recombinants par les cellules T spécifiques et anticorps du virus, on ne sait finalement rien de l’aptitude de cette réponse immunitaire croisée à prévenir la surinfection. Lorsqu’on sait que la diversité génétique globale du VIH-1 excède largement celle du virus influenza, responsable de la grippe et dont la protection nécessite la mise au point annuelle d’un vaccin, on a peu de peine à comprendre que le développement d’un vaccin contre le VIH-1 capable de prévenir l’infection contre une telle multitude de souches ne sera pas chose facile. On imagine aussi que la vaccination dans des régions du monde où sévissent plusieurs sous-types et CRF du VIH-1 nécessitera probablement la mise au point de plusieurs vaccins spécifiques de chacun de ces sous-types et CRF.

Responsabilité pour soi-même

Parce qu’il est démontré qu’héberger deux virus entraîne une progression beaucoup plus rapide de l’infection par le VIH, parce qu’il est prouvé que la transmission de virus multirésistants aux antirétroviraux existe, parce que l’on sait, depuis le cas de New York, qu’un virus multirésitant peut être particulièrement agressif et conduire au sida en quelques mois, même si aujourd’hui la surinfection n’a été décrite que chez un petit nombre de personnes qui n’était pas sous traitement au moment de la surcontamination, chacun doit être convaincu qu’il est indispensable de suivre les recommandations de prévention que l’on soit séronégatifVE ou vivant avec le VIH. Et cela concerne autant une co-infection au VIH-1, au VIH-2, aux différentes hépatites.

Responsabilité pour les autres

Ce qui est peut-être le plus frappant avec la surinfection, c’est qu’elle permet à ce virus d’accroître encore un peu plus vite sa diversité génétique pour produire des virus toujours plus variés, toujours plus agressifs et toujours plus résistants aux traitements. Ne pas se protéger, se surinfecter, c’est aussi rendre plus difficile la mise au point d’un vaccin, c’est aussi contribuer à l’apparition de virus de plus en plus résistants aux traitements, c’est contribuer à ce que la pandémie se porte un peu mieux chaque jour. Rappelons que la dimension collective d’une pandémie est aussi la résultante de nos comportements individuels.

A retenir

Les cas de surinfection chez l’homme ne sont documentés que depuis quelques années. L’impossibilité supposée d’une surinfection par le VIH-1 pouvait laisser espérer la mise au point d’un vaccin permettant de prévenir l’infection par un grand nombre de souches de ce virus. Aujourd’hui, on ne sait pas vraiment ce qu’est une réponse immunitaire efficace, malgré les progrès réalisés dans ce domaine. Par conséquent, en attendant les résultats d’essais cliniques vaccinaux, étudier la réinfection par le VIH-1 permet de juger de la capacité de l’organisme à prévenir l’infection au moyen de la réponse immunitaire. Même si ces cas individuels ne permettent pas de prédire la probabilité de surinfection en cas d’exposition à une autre souche du VIH-1, ils ont des implications directes dans la mise au point d’un vaccin prophylactique capable d’offrir une protection croisée pour le plus grand nombre de souches virales. La possibilité d’une surinfection par une autre souche du VIH-1, notamment par une souche résistante aux traitements antirétroviraux, a aussi et surtout des implications en terme de santé publique.

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