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mai 2005

Recombinaison : reproduction sexuée sans sexe

Le VIH-1, comme tous les autres rétrovirus, est presque toujours diploïde, c’est à dire que chaque virion contient deux copies complètes du génome présentes sous forme de deux brins d’ARN. Après infection d’une cellule, la transcriptase inverse s’associe à l’un des brins d’ARN et retranscrit cet ARN génomique en ADN proviral. Au cours de ce processus, la transcriptase inverse transportant l’ADN proviral en cours de fabrication, peut quitter le brin d’ARN auquel elle est associée pour s’attacher à l’autre copie d’ARN. Ainsi on estime que, dans des cellules immunitaires en culture, la transcriptase inverse alterne au moins trois fois entre les deux ARN génomiques au cours d’un cycle de réplication. Si le virion responsable de l’infection transporte deux brins d’ARN distincts, alors le processus d’alternance de la transcriptase inverse d’un brin d’ARN à l’autre peut conduire à la production d’un ADN proviral dit recombinant. Un virion transportant deux ARN génomiques distincts est dit hétérozygote. Il peut être produit si une cellule est infectée simultanément par au minimum deux virus distincts. En fait, la recombinaison chez les rétrovirus peut être vue comme une forme de reproduction sexuée puisque les virions « fils » produits résultent d’une redistribution au hasard des génomes des deux virus « parents ». Cependant, à la différence de la reproduction sexuée telle qu’elle existe chez les organismes supérieurs, il n’y a pas de sexes distincts chez les rétrovirus. Plus important, chez les rétrovirus, la recombinaison de gènes parents nécessite l’infection multiple d’une même cellule, condition a priori difficile à réunir dans l’organisme humain. Par ailleurs, il faut savoir que la recombinaison n’est pas forcément bénéfique pour le virus. Ainsi deux virus particulièrement agressifs pour l’organisme peuvent conduire par recombinaison à un virus beaucoup plus inoffensif, mais bien sur le contraire est tout aussi vrai. Enfin, et ce n’est pas le moindre des problèmes, il est tout à fait raisonnable d’imaginer que la recombinaison intervenant entre deux virus porteurs chacun d’une résistance à un antirétroviral différent produise un virus recombinant multirésistant. Autrement dit, théoriquement, la recombinaison chez le VIH-1 peut être perçue comme un facteur favorisant l’apparition de virus multirésistants aux antirétroviraux.

Une chose est sûre, le nombre de formes recombinantes issu du groupe M ne cesse de croître et cela constitue la meilleure preuve de l’existence de la surinfection. Au total, la présence d’une quinzaine de virus recombinants, noté CRF01 à CRF15 de l’anglais circulating recombinant form, sévissant actuellement dans les différentes régions du monde, contribue largement à étendre l’hétérogénéité globale du génome du VIH-1. De plus, ces formes recombinantes très répandues en Chine, Asie du Sud-Est et dans une moindre mesure en Afrique et en Russie, risquent dans un futur proche de provoquer l’émergence dans ces régions du monde de nouveaux virus recombinants. Si l’on prend en compte le fait que 10 % des virus VIH-1, actuellement responsable de la pandémie à l’échelle de la planète, sont des recombinants et que les régions où la fréquence des recombinants est élevée vont d’ici peu devenir le lieu de nouvelles épidémies, les efforts d’identification géographique des différents recombinants en vue de la mise au point d’un vaccin risquent de devenir une mission impossible.

A retenir

Il existe une quinzaine de virus recombinants qui peuvent être envisagés comme la « progéniture » issue d’une forme de reproduction sexuée qui intervient entre deux virus « parents » dont le génome diffère [1]. Ces virus recombinants sont une preuve indiscutable de la surinfection. Leur répartition géographique dans le monde est très inégale. Peu présent, tout au moins pour l’instant, en Europe occidentale, en Amérique du Nord et en Australie, ils sont en revanche largement représentés en Afrique, en Russie et dans certaines parties de l’Asie. Bien sûr, leur apparition est indissociable du phénomène de surinfection, mais surtout, il ne faut pas oublier que la recombinaison peut conduire à l’émergence de virus multirésistants.

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[1Par exemple parce qu’ils appartiennent à deux sous-types distincts.