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Négociations à l’OMC : la vie de millions de malades aux mains de Pascal Lamy
lundi 3 février 2003
Aujourd’hui, lundi 3 février 2003, des militants d’Act Up-Paris ont interrompu la remise du titre de docteur honoris causa à Pascal Lamy, Commissaire Européen au Commerce à l’Université Catholique de Louvain, Belgique.
Act Up-Paris conteste cette récompense bien injustifiée et demande à Pascal Lamy de cesser immédiatement de défendre la position des multinationales pharmaceutiques pour défendre celle des malades des pays pauvres.
En décembre 2002 et après un an de négociations, l’OMC n’est pas parvenue à trouver une solution concernant l’accès aux génériques dans les pays en développement et cela malgré l’objectif clairement fixé durant la conférence de Doha en novembre 2001 Cet échec cuisant s’explique simplement. Pendant un an, un certain nombre de pays riches n’ont poursuivi qu’un objectif : revenir sur le principe acquis à Doha selon lequel la santé publique doit primer sur les intérêts commerciaux.
Plus de 40 millions de personnes atteintes par le sida n’ont pas d’accès aux traitements. Cette année 15 millions de personnes sont mortes de maladies infectieuses pour lesquelles existent des médicaments, plus de 3 millions sont mortes du sida en l’absence de tout accès aux traitements. Or, la grande majorité des pays les plus touchés par ces maladies ne sont pas en mesure de produire eux-mêmes les traitements nécessaires et existants. Les médicaments génériques sont essentiels parce qu’abordables dans les pays en développement où les gens ne peuvent payer les prix exorbitants imposés sur le marché international par les multinationales pharmaceutiques.
Il a été démontré que l’application aveugle des règles de protection intellectuelle qui prévalent dans les pays du Nord est inadaptée aux pays en développement et a des conséquences néfastes sur leurs populations. Dans le domaine de la santé, les multinationales n’ont pas besoin des marchés des pays en développement pour rentabiliser la recherche et le développement de leurs produits et faire d’énormes profits. En revanche, leurs monopoles tuent !
C’est pourquoi les États-membres de l’OMC doivent permettre au plus vite, aux uns de produire, vendre et exporter des génériques, aux autres de les importer en quantités nécessaires et dans les meilleurs délais.
Pourtant, les négociations se poursuivent actuellement à l’OMC dans des conditions inadmissibles. L’Union Européenne, représentée par Pascal Lamy, non contente de laisser les Etats-Unis mener librement leur politique d’intimidation, maintient elle aussi la pression contre les pays du Sud.
Bafouant ses propres engagements pris il y un an et malgré ses déclarations rassurantes, Pascal Lamy tente d’imposer aux pays en développement un consensus qui, dans les faits, ne facilitera en rien l’accès aux génériques
Ainsi, Pascal Lamy utilise son mandat public pour défendre à l’OMC les intérêts privés des grandes multinationales pharmaceutiques visant à :
– limiter l’accès aux médicaments génériques des pays pauvres aux seules maladies qui menacent la survie même du pays, excluant ainsi 99% des médicaments, qui seront alors réservés aux seuls habitants des pays riches ;
– refuser aux pays pauvres le droit d’importer des versions bon marché des tests de diagnostic et des dispositifs médicaux, sans lesquels il est impossible aux médecins de soigner les malades ;
– transformer l’OMC en une police mondiale des médicaments génériques, en forçant les pays sous-développés qui doivent importer leurs génériques à notifier l’OMC et obtenir une permission, alors que les pays les plus développés comme les États-Unis ou le Japon qui n’ont pas besoin d’importer pourront fabriquer des génériques sans en référer à qui que ce soit ;
Dernièrement et étant donné la brièveté des échéances, la stratégie médiatique adoptée par Pascal Lamy auprès de l’OMC - consistant à faire appel à la médiation de l’OMS pour sortir de l’impasse actuelle - risque très fortement de continuer à reporter aux calendes grecques la mise en place des engagements pris lors de la conférence de Doha, alors même que les échéances se succèdent et que la perspective d’une moratoire se fait sentir plus que jamais. Au lieu d’invoquer la médiation d’autres instances il est urgent que l’Union Européenne face front de manière claire et déterminée au côté des pays en développement pour que les engagements pris à Doha soient respectés. Invoquer la médiation d’une autre instance - qui aux dires de ses propres responsables n’a pas à assumer un tel rôle - constitue à cet égard un signal insuffisant et une preuve supplémentaire du double jeu hypocrite de l’Union Européenne qui met en péril imminent la vie de millions de personnes.
Si M. Lamy choisit une nouvelle fois, au mépris des valeurs humaines les plus élémentaires, de continuer sur la voie meurtrière, consistant à bloquer l’accès des pays pauvres aux médicaments génériques, il appartiendra alors aux chefs d’État et aux gouvernements des 15 de mettre fin à ses agissements criminels, avant la fin des négociations en cours à l’OMC.