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L’affaire Berra est loin d’être close

mercredi 6 avril 2011

Nora Berra regrette que ses propos aient pu blesser. Elle ne présente pas d’excuses et ne reconnaît aucune erreur. Elle se dit « profondément peinée » par cette polémique. Il faut donc comprendre que tout serait un malentendu qu’elle regrette, mais dont elle ne serait pas responsable et dont elle souffrirait.

De fait, la communication de Nora Berra n’a rien de satisfaisant :

 Il aura fallu une levée de protestations unanimes depuis la publication de ses propos par Yagg pour qu’elle exprime de simples « regrets ».
Il est donc permis de douter de sa sincérité.
Ce doute est d’autant plus fort que, dans un premier temps, Nora Berra a traité les premières personnes à s’être élevées contre ses propos de « professionnels de la polémique ». Elle a par ailleurs qualifié Yagg de « site communautaire » pour minimiser sa crédibilité.
Nora Berra « regrette »-t-elle aussi d’avoir utilisé ces termes pour qualifier ses interlocuteurRICEs, issuEs de la communauté homosexuelle ?
Pourquoi alors ne retire-elle pas cette expression de son blog ?

 Nora Berra s’entête à donner son passé dans la lutte contre le sida comme preuve de sa bonne foi. Elle n’a toujours pas compris qu’elle est désormais membre du gouvernement.
Ce sont ses actes présents de secrétaire d’état qui nous intéressent et non son histoire personnelle. Elle ferait mieux de donner des explications sur les piètres résultats de sa fonction actuelle.

 Dans sa déclaration, Nora Berra affirme : « Mes propos visaient à rappeler que les homosexuels masculins sont parmi les premières victimes du VIH/sida avec un nombre de nouvelles infections VIH environ 200 fois supérieur à la population française ».
Notons au passage que pour Nora Berra les homosexuels masculins ne font pas partie de la population française.
« Ce sont des données statistiques produites par l’Institut de veille sanitaire. C’est bien la notion de comportement ou de situation à risque qui doit être prise en compte et non pas évidemment le fait d’être homosexuel. »

Or, les propos qui « visaient à rappeler » tout ceci au Sénat, sont les suivants : « La loi ne discrimine personne mais prend en compte les données épidémiologiques, selon lesquelles par exemple l’homosexualité est un facteur de risque pour le VIH, donc une contre-indication de don. »
Nora Berra indiquait donc clairement que, selon les données épidémiologiques, l’homosexualité, c’est-à-dire « le fait d’être homosexuel », était un facteur de risque.
Une semaine plus tard, elle tente de nous faire croire qu’« évidemment », elle ne parlait pas du « fait d’être homosexuel » et qu’elle regrette que ses propos - sous-entendus mal compris - aient pu blesser.

Quelle langue parle donc Nora Berra ?
Une langue selon laquelle homosexualité ne veut pas dire « le fait d’être homosexuel », mais évidemment « comportement ou situation à risque ».

Est-il si compliqué de reconnaître que l’on a fait une erreur ? De présenter des excuses ?

Non, ce ne serait pas si difficile pour qui serait apte à comprendre que ses propos constituent une violence inouïe à l’égard l’ensemble des homosexuel-les, ramenant 20ans en arrière lorsque le sida était surnommé le cancer gay.
Cette violence venant d’une personne publique en charge des questions de santé nous atteint.
_ Faute de vouloir présenter ses excuses, Berra déforme la langue française et réinvente ce qu’elle a dit.
Comment peut-elle convaincre ?

 Retenue au Sénat, Norra Berra a délégué à Nadine Morano le soin de répondre à une questionposée par la députée PS Catherine Lemorton, concernant ses propos homophobes, mais également ses conflits d’intérêt.
Nadine Morano a répondu complètement à côté de la question.
Loin de reconnaître la violence des propos ou de relayer les simples « regrets », elle demande qu’on ne cède pas à la polémique « par respect pour les malades, leurs familles (…) et les associations qui sont engagées dans la lutte contre le sida ».
Parler encore de polémique, alors que nous, association de lutte contre le sida, demandons légitimement des comptes : voilà qui en dit long sur la sincérité et l’arrogance de Nora Berra, relayée par Nadine Morano.

 Nora Berra inverse les responsabilités dans la violence du débat : « cette polémique me peine profondément » ; « M’accuser aujourd’hui d’homophobie est très loin de mon état d’esprit et je trouverais cette accusation particulièrement offensante. ».

Si Nora Berra avait voulu exprimer des regrets sincères, elle n’aurait pas eu l’indécence de se positionner comme victime.
Elle aurait au contraire pensé aux conséquences de ses propos sur les LGBT, notamment sur les plus fragiles.
En affirmant au Sénat que l’homosexualité est un facteur de risque pour le VIH, elle laisse entendre que le sida est le destin tracé des gays, exhumant les amalgames du début de l’épidémie.

Se rend-elle compte de l’impact de ses propos sur la prévention ?
Même pour la Secrétaire d’état à la santé, « homo=sida » ?
A-t-elle une idée de ce que cette phrase culpabilisante peut provoquer chez une personne fragile ?

Que Berra refuse de voir cette violence et de s’en excuser, qu’elle ravive des idées dangereuses assimilant orientation sexuelle et pathologie, qu’elle utilise la stratégie usée de la victimisation : voilà qui confirme nos doutes quant à sa sincérité et révèle une homophobie bien réelle.

Ce qui n’aurait pu être qu’une simple erreur est devenu une faute politique grave.