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En revenant de Casa

mai 2010

La 5ème conférence francophone qui s’est tenue du 28 au 31 mars 2010 à Casablanca (Maroc) a montré que si certains progrès ont été obtenus dans quelques pays du Sud, les questions qui concernent la qualité de la prise en charge et la pérennité des moyens ne sont pas encore résolues.

La question de l’accès universel aux traitements reste criante. En effet, la prise en charge des personnes vivant avec le VIH au Sud nécessite de pouvoir répondre à l’ensemble de leurs besoins comme, entre autres, la possibilité de faire des analyses biologiques performantes et régulières dans le cadre du suivi, la possibilité d’avoir accès aux traitements de deuxième ou troisième ligne pour tous, et enfin d’avancer sur la question de la lutte contre la stigmatisation et la discrimination.

La conférence francophone a pour objectif de permettre un large débat avec tous les acteurs de santé : médecins, institutionnels, associatifs et malades du Nord et du Sud. Cette année, elle se tenait au Maroc, ce qui a permis de découvrir les avancées concernant la prise en compte et la prise en charge des personnes séropositives dans certains pays d’Afrique. Après les succès présentés pendant les 4 jours, le programme de clôture de la conférence en a montré les limites et « l’autre visage du sida », grâce à l’intervention de Othoman Mellouk, de l’Association de lutte contre le sida (ALCS), sur La stigmatisation et la discrimination. La démonstration était claire : le vécu de la maladie doit aussi supporter le cumul de certaines situations, cumul lié au genre, à l’orientation sexuelle et/ou au statut social. Et comme un approfondissement, la présentation de Homosexualité et VIH en Afrique de Cheikh Ibrahima Niang, de l’Institut des sciences de l’environnement de Dakar a permis d’appréhender les enjeux d’une épidémie trop souvent ignorée.

Mais vieillir...

Mais s’il ne fallait retenir qu’une session, ce serait Vieillissement et VIH, de Jacqueline Capeau, de la Faculté de Médecine Saint-Antoine (Paris) et responsable du groupe du travail “vieillissement” de l’ANRS. Cette présentation, très scientifique, nous a rappelé que si certains d’entre nous ont la chance de vieillir avec le VIH, force est de constater que nous vieillissons beaucoup plus vite que la population générale. Les nombreuses informations présentées confirment l’existence de ce phénomène et en explorent les mécanismes. Ce n’est pas seulement le corps dans son ensemble, mais bien nos cellules qui vieillissent plus rapidement, on estime la différence entre 15 et 20 ans si on compare avec le reste de la population.

Cette présentation, hormis son côté angoissant, nous explique le processus de ce vieillissement prématuré où intervient, une fois de plus, l’état inflammatoire permanent provoqué par le virus, le rôle de celui-ci et celui des traitements antirétroviraux. La démonstration est faite : on peut affirmer que les personnes atteintes par le VIH sont sujettes à un vieillissement prématuré, mais aussi que la mortalité des personnes séropositives est supérieure à celle de la population générale. L’accélération du vieillissement varie en fonction du nombre de CD4, de la durée de prise d’un traitement efficace et du fait que l’on soit un homme ou une femme.

En effet, plus l’efficacité du traitement antirétroviral perdure, plus il permet de conserver un taux de CD4 supérieur à 500 copies/mm3, et plus la mortalité chez les hommes séropositifs se rapproche de celle observée dans la population générale. Mais pour les femmes séropositives, la mortalité reste deux fois plus importante que chez les femmes séronégatives, même en cas de taux de CD4 élevé.

Au-dessus de 200 CD4, on meurt moins du sida que des conséquences du phénomène de co-morbidité qui en découle. Ces troubles du vieillissement et des risques encourus sont d’ordre cardio-vasculaire, hépatique, rénal, osseux et même cancéreux.

Sans prendre en compte l’effet des traitements, l’immunodéficience liée au VIH, provoque un dysfonctionnement mitochondrial [1] qui entraîne un stress oxydatif [2] et induit aussi une insulinorésistance [3]. Ces phénomènes jouent un rôle important dans l’accélération de la sénescence des cellules de l’organisme.

Cette démonstration ouvre la piste de nouvelles orientations à prendre pour prévenir la survenue de ces complications et pour la prise en charge du vieillissement des personnes séropositives lors de la modification des fonctions de l’organisme.


[1De mitochondrie : micro-structure présente dans le cytoplasme de la cellule, ayant un rôle essentiel dans les phénomènes d’oxydation

[2Stress oxydatif : un environnement très oxydant à l’intérieur des cellules peut-être à l’origine d’une réplication accrue du VIH, causée par une perte de contrôle du système de régulation cellulaire

[3Insulino-résistance : état physiopathologique au cours duquel une augmentation du taux d’insuline est nécessaire pour maintenir la glycémie à une valeur normale. L’insulino-résistance fait partie des troubles métaboliques constatés chez les personnes séropositives traitées par une association d’antirétroviraux ou chez des personnes atteintes d’hépatites virales. Elle est sans doute le phénomène central de ces anomalies.