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brèves de comptoirs ou débats d’éluEs ?

mercredi 1er juin 2005

Le 12 avril 2005 s’est tenu à l’Assemblée nationale un débat sur l’adoption. L’occasion pour certainEs députéEs de nous rappeler leurs sincères convictions homophobes.
Retranscription commentée.

Martine Billard - verts - 75
L’amendement 14 vise à inscrire dans la partie législative de l’article 225-4 du code d’action sociale et des familles des dispositions générales qui reprennent celles formulées à l’article 9 du décret de 1985 relatif à l’agrément. Celui-ci précise en effet qu’aucun refus d’agrément ne peut être motivé par la seule constatation de l’âge ou de la situation matrimoniale du demandeur ou de la présence d’enfants à son foyer. Je propose d’ajouter que le refus ne peut être motivé par la constatation de l’orientation sexuelle du demandeur ou de sa situation conjugale, qu’il soit célibataire, marié, en concubinage ou lié par un PaCS. La loi de 1966 a donné individuellement aux célibataires de plus de 28 ans le droit d’adopter et le décret du 23 août 1985 exclut qu’il soit allégué de la situation matrimoniale du candidat pour refuser un agrément. Pourtant, celui-ci, hors les départements de Paris et de l’Hérault, est quasi systématiquement refusé aux homosexuels. Un tel refus peut donc être considéré comme discriminatoire alors même que l’article 13 du traité d’Amsterdam, ratifié par la France, précise que les états signataires doivent combattre toutes discriminations fondées sur l’orientation sexuelle. Des études démontrent en outre que les enfants issus de couples homoparentaux ne souffrent d’aucun problème spécifique. Mettons fin à l’hypocrisie régnante !

Michèle Tabarot, Rapporteure de la commission des affaires culturelles, familiales et sociales - UMP 06
Avis défavorable. D’une part, nous débattons aujourd’hui d’un texte technique et non politique et d’autre part, la loi ne doit pas brider la liberté d’appréciation des conseils généraux. Enfin, il est sage d’attendre la fin des travaux de la mission d’information sur la famille.
 Voir le communiqué de presse de l’Inter-LGBT : Adoption par une personne célibataire - Pour la majorité, il est trop tôt pour lutter contre les discriminations.

Philippe Douste-Blazy, Ministre des solidarités, de la santé et de la famille
Avis défavorable. La question de l’homoparentalité est très importante mais elle n’a pas sa place dans un texte technique relatif à l’adoption internationale et qui doit donc tenir compte de la législation des pays d’origine.
  Oui et alors ?
Oui, pas d’hypocrisie, et tenons compte des travaux de la mission d’information sur la famille !
  Reporter pour mieux faire sauter ?

Pierre-Louis Fagniez - UMP 94
Très bonne argumentation.

Patricia Adam - PS 29
Il s’agit d’un amendement important. Certes, il serait possible d’aborder la question de l’homoparentalité à l’issue des travaux de la mission d’information sur la famille, mais on pourrait en dire autant de cette proposition de loi, discutée dans le cadre d’une niche parlementaire alors que la mission ne rendra ses conclusions qu’à la fin de l’année.
En outre, le rapport déposé par la défenseure des enfants précise que l’homosexualité ne saurait constituer un critère de refus d’agrément et que les appréciations diffèrent en la matière selon les départements, ce qui crée une rupture d’égalité ; enfin, la loi permet depuis 1966 la création d’un lien de filiation entre un enfant et un célibataire, quels que soient les choix sexuels de ce dernier.
Je suis donc favorable à cet amendement sur lequel je demande un scrutin public.

Muguette Jacquaint - PC 93
Il s’agit en effet d’un amendement important. Certes, M. le ministre évoque les conclusions de la mission d’information sur la famille mais alors, comme l’a dit Mme Adam, pourquoi avoir précipité l’inscription à l’ordre du jour de la proposition dont nous débattons ?
Qu’est-ce qui est essentiel pour des parents candidats à l’adoption ? L’amour de l’enfant. Or, aucune étude n’affirme que des parents homosexuels en seraient moins capables.

Christine Boutin - UMP 78
Il n’existe aucune étude.
 Faux ! voir les différentes études publiées sur le site de l’APGL

Muguette Jacquaint
Il faut adopter cet amendement car la sexualité des parents adoptants ne saurait constituer un critère en vue de l’obtention ou non de l’agrément.

Christine Boutin
C’est reparti !

Richard Mallié - UMP 13
Pauvre France !

Yves Nicolin - UMP 42
Cette proposition de loi concerne les modalités techniques de l’adoption, non l’adoption en elle-même. Nous ne saurions aujourd’hui, au détour d’un amendement, trancher le débat de l’homoparentalité, ce qui serait d’ailleurs faire peu de cas de la communauté homosexuelle : attendons en effet les conclusions de la mission d’information sur la famille. En outre, si tous les couples peuvent aimer leurs enfants, nous devons prendre en considération les intérêts supérieurs de l’enfant et non le droit supposé de chacun à l’adoption.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
 Ce sous entendu selon lequel l’intérêt supérieur de l’enfant serait contradictoire avec celui du droit des homosexuelLEs à adopter est homophobe.
De surcroît, ne vous prévalez pas d’études qui n’existent pas. Les études existent. Enfin, cette proposition vient en son temps puisque nous travaillons sur ce sujet depuis plusieurs mois.
 Tout en excluant la question de l’homoparentalité.
Ne prenez donc pas en otage les candidats à l’adoption, ...

Martine Billard
Soyez respectueux des vrais otages !

Yves Nicolin
... les homosexuels et les enfants.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP)

Pierre-Christophe Baguet - UDF 92
Cet amendement n’est pas à sa place et je regrette son introduction tardive qui ne vise qu’à faire un coup politique.

Richard Mallié
Très bien.

Pierre-Christophe Baguet
Je rappelle en outre que la mission famille n’a pas vocation à ratifier les propositions de Mme Billard : les droits de l’enfant, oui, le droit à l’enfant, non.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
 Les droits de l’enfant à avoir des parents quelque soit leur genre ou orientation sexuelle ?

Jean-Marc Nesme - UMP 71
Les droits de l’homme ne reflètent pas l’air du temps et ne sont pas l’expression d’une partie seulement du peuple qui identifierait ses droits au droit : ils appartiennent à l’humanité tout entière et leur universalité ainsi que leur intemporalité font leur force. L’homoparentalité est incompatible avec les droits universels de l’homme. (Protestations sur les bancs du groupe socialiste et du groupe des députés communistes et républicains). Le droit international, depuis la déclaration des droits de l’enfant de 1923 jusqu’à la convention de New York de 1989 et la convention de La Haye sur la protection des enfants, repose sur trois fondements : la famille est constituée d’un père et d’une mère, Les familles monoparentales et homoparentales ne sont alors pas des familles ? l’enfant a droit à une famille, Les enfants des homosexuels pourraient ils donc avoir le droit à voir leur famille reconnue ? l’intérêt supérieur de l’enfant doit être garanti par la société. En quoi les homosexuels nuiraient à l’intérêt supérieur de l’enfant et les hétérosexuels mariés non ? Une famille est donc formée d’un homme et d’une femme.

Jean-Marie Le Guen - PS 75
Dans quel texte ?

Jean-Marc Nesme
Reprenant l’article 16 de la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 (Interruptions sur les bancs du groupe socialiste), les deux grands pactes de l’ONU, le pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans son article 23, et le pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, dans son article 10, rappellent que : « la famille est l’élément naturel et fondamental de la société ». Ce postulat a pour corollaire le suivant : « le droit de se marier et de fonder une famille est reconnu à l’homme et à la femme ».
 Donc à l’homme et la femme quelque soit leur orientation sexuelle !
L’humanité ne procède pas de la génération spontanée.
 Les homosexuelLEs ne sont pas stériles et font déjà des enfants.
Notre pays a signé et ratifié ces traités. Or une loi qui autoriserait un couple, ou un célibataire, revendiquant une orientation sexuelle, à adopter priverait radicalement l’enfant du droit d’avoir un père et une mère.
(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste)
 Et le droit d’avoir deux pères, deux mères, juste unE parent ou plus de deux ?

Annick Lepetit - PS 75
Ce n’est pas dans le texte !

Jean-Marc Nesme
L’enfant adopté ne deviendrait alors que le simple objet de substitution auquel un adulte prétend avoir droit, alors que, selon le droit international, c’est à une famille de substitution qu’il peut prétendre.
 Dire que les homosexuelLES considèrent leurs enfants comme de simples objets de substitution et qu’ils, elles ne constituent pas une famille pour leurs enfants est faux et homophobe !

Jean-Jacques Descamps - UMP 37
Très bien !

Serge Blisko - PS 75
C’est honteux !

M. Richard Mallié
Nous parlons de l’intérêt de l’enfant.
(Interruptions sur les bancs du groupe socialiste).
 Les hétérosexuelLEs n’ont pas le monopole de l’intérêt de l’enfant. Les homosexuelLEs ne sont pas un danger pour qui que ce soit, leur enfant y compris. Supposer le contraire est faux et homophobe.

Paulette Guinchard-Kunstler - Présidente de la séance - PS 25
J’ai accepté, à titre exceptionnel, que sept orateurs s’expriment sur cet amendement. Je vous remercie de bien vouloir les écouter : vous aurez l’occasion de vous exprimer dans la suite de la discussion.

Richard Mallié
Imaginons cet enfant qui arrive de l’étranger dans une famille et un pays qu’il ne connaît pas. Père de trois enfants, je n’ai pu que constater combien les enfants, et même les jeunes, sont durs vis-à-vis de ceux qui sortent de la « normalité ».
 Alors pourquoi refuser une éducation à la sexualité et contre les discriminations par l’Education Nationale ? Pourquoi ne pas éduquer vos propres enfants contre les discriminations homophobes ?
Qu’arrivera-t-il à cet enfant étranger, si de surcroît il a deux parents de même sexe ?
(Rires et exclamations sur les bancs du groupe socialiste).
 La même chose qu’aux enfants des hétérosexuelLEs excepté qu’ils, elles risqueraientt en effet de souffrir d’une homophobie à laquelle vous contribuez en refusant de reconnaître sa famille. Le handicap dont il est question n’est pas celui d’avoir des parents homosexuelLEs mais l’homophobie en général et pas seulement celle de vos enfants.
Ce handicap supplémentaire est-il vraiment dans son intérêt ?
 Le vécu de l’homophobie est en effet un handicap dont beaucoup d’enfants souffrent et nous le savons bien puisque nous avons dû l’affronter nous-mêmes. Pourquoi alors ne pas lutter contre cela au lieu de le renforcer en maintenant une discrimination homophobe dans le droit à l’adoption ?
Je ne le pense pas : c’est pourquoi je vous demande de rejeter cet amendement pour le moins inopportun.

Martine Billard
« Au détour d’un amendement », dites-vous. Mais c’est le rôle de tout parlementaire de déposer des amendements !

Yves Nicolin
C’est un cavalier !

Martine Billard
Et sur les licenciements économiques, combien en avez-vous défendus ?

Christine Boutin
L’enjeu n’est pas le même !

Martine Billard
Cet amendement n’a d’ailleurs rien d’un cavalier, puisqu’il porte sur l’agrément. M. Baguet parle de « coup politique ». Mais notre proposition est dans la droite ligne de ce que défendent les Verts depuis des années. Quant à M. Nesme, il est certes cohérent, mais sa vision de la famille devrait, en toute logique, conduire à interdire le divorce et l’adoption par des célibataires !
(Applaudissements sur les bancs du groupe socialiste).
Que la commission famille doive débattre de ce sujet, soit. Mais alors pourquoi l’UMP nous propose-t-elle ce texte dès aujourd’hui ?

Jean-Jacques Descamps
Les enfants n’attendent pas !
 Alors pourquoi les faire attendre quand ils/elles pourraient avoir des parents... homosexuelLEs ?

Martine Billard
Le rapport ne dénonce-t-il pas les différences de critères pour l’obtention de l’agrément d’un département à l’autre comme un obstacle à l’adoption internationale ? Je propose justement que la loi supprime ces discriminations !

Michèle Tabarot
Je regrette que ce débat se soit invité dans l’hémicycle et que vous tentiez ainsi de faire d’un texte technique une tribune politique.
 Les députéEs ne doivent pas faire de politique maintenant ?
J’aimerais donc que nous refermions cette parenthèse.
(Applaudissements sur les bancs du groupe UMP).
Il y a plus de deux ans que nous travaillons avec le CSA, les OAA, les associations et les trois ministres qui se sont succédé sur ce dossier ; un groupe d’études qui compte soixante-dix parlementaires de toutes sensibilités a procédé à de nombreuses auditions. Ce texte pouvait donc parfaitement être examiné dès aujourd’hui.
La mission famille - dont certains d’entre vous sont membres et qui a consacré, je vous le rappelle, deux séances à la définition de son champ d’investigation - s’est attelée à un travail de longue haleine. Sans doute n’y a-t-il pas de vérité ou de recul suffisant sur le sujet que vous évoquez. Mais adopter aujourd’hui un tel amendement, en oubliant qu’il ferait se fermer de nombreux pays à l’adoption par des français, c’est prendre à la légère une décision qui suppose une réflexion d’une tout autre envergure. _ (Applaudissements sur les bancs des groupe UMP et UDF)

A la majorité de 69 voix contre 20, sur 91 votantEs et 89 suffrages exprimés, l’amendement 14 n’est pas adopté.