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Aide médicale d’État : une victoire incomplète

jeudi 1er mai 2003

En décembre 2002, un article du nouveau du projet de loi de finances rectificative pour 2002, préconisait la réduction de l’Aide Médicale d’Etat qui permet aux étrangers sans-papiers d’avoir accès gratuitement à des soins. La forte mobilisation des associations a permis un arrêt provisoire de ce processus.

Jeudi 19 décembre 2002, une quinzaine de militants d’Act Up-Paris occupent le ministère de la Santé pour protester contre l’inertie de Jean-François Mattéi face à cette régression de l’AME.

Lundi 23 décembre 2002, par voie de communiqué de presse, Act Up-Paris interpelle les députés et sénateurs socialistes, afin de leur rappeler les délais permettant la saisine du Conseil constitutionnel en vue de l’abrogation de cet article de loi.

Mercredi 31 décembre 2002, une quinzaine de militants investissent le siège du PS, autour d’une banderole « Trahison Socialiste », pour manifester le dégoût et la colère que leur inspirent les élus PS, n’ayant pas été capables de saisir le Conseil Constitutionnel.

Février, les associations se mobilisent activement contre cet article : l’ODSE diffuse massivement un communiqué de presse, Médecins du Monde et Médecins sans Frontière lancent une pétition à grande échelle.

Jeudi 13 mars, Dominique Versini annonce officiellement que le gouvernement renonce provisoirement à appliquer l’article de loi remettant en cause l’AME et la gratuité des soins pour les étrangers sans-papiers. Ce recul est une victoire pour tous ceux qui se sont mobilisés contre l’article 31-A de la loi de finances rectificative pour 2002.

Victoire incomplête

Cette victoire est pourtant loin d’être complète. Le gouvernement a reculé devant les associations, mais n’a pas renoncé à appliquer une politique de santé fondée sur la préférence nationale, selon laquelle les sans-papiers n’ont pas accès aux mêmes soins que le reste de la population : l’article de loi de décembre 2002 réformant l’AME n’est pas abrogé, des mesures contre les sans-papiers sont annoncées, les bénéficiaires de l’AME sont toujours présentés comme d’éventuels fraudeurs.

Le gouvernement, en refusant d’abroger l’article de loi, peut à tout moment publier des décrets d’application pour faire payer le ticket modérateur et le forfait hospitalier : dans quelques mois, dans un an ou plus, bref, quand la vigilance des associations et de l’opinion publique sera retombée. Le gouvernement a annoncé des mesures de contrôle supplémentaires visant les demandeurs de l’Aide Médicale d’État. Il faut donc s’attendre, dans les semaines qui viennent, à des pratiques vexatoires supplémentaires envers les sans-papiers, qui auront pour conséquence de les détourner un peu plus des structures de soins mais aussi de prévention et de dépistage.

Le gouvernement, en particulier Dominique Versini, chargée de la lutte contre l’exclusion, continue de parler du « surcoût » de l’AME, de ses « dérives » et de ses « abus ». Or, les bénéficiaires de l’AME touchent moins de 562 euros par mois. Ils n’ont pas accès à la médecine de ville. Ils ne viennent consulter en hôpital qu’en cas de maladie grave, une situation qui aurait pu être prévenue ou prise en charge plus tôt s’ils avaient été intégrés à un dispositif de droit commun, comme la CMU. Parler d’abus, de dérives ou de fraudes est donc obscène. Là où les associations luttent contre la précarité, les inégalités et la détresse, le gouvernement continue de vouloir lutter contre des « fraudes » et pointe les sans-papiers comme responsables des déficits publics. Ce dossier n’est pas clos, nous resterons vigilants sur la réforme de l’AME.