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observatoire du pacs

rapport - mars 1999

mai 1999

A la veille de l’examen en seconde lecture de la proposition de la loi relative au Pacte Civil de Solidarité à l’Assemblée nationale, l’Observatoire du PaCS a rendu public son premier rapport. Ce document (consultable sur internet : http : // www.chez.com/obspacs) présente en détail les revendications communes aux associations de futurs usagers qui le composent (AC !, Act Up-Paris, Aides Fédération nationale, Aides Paris Ile de France, APGL, ARDHIS, Centre Gai & Lesbien de Paris, Prochoix-Paris, SOS Homophobie). L’extrait qui suit rappelle comment la création d’un observatoire s’est imposée, les objectifs qu’il s’est donnés, et sa position sur le PaCS, le mariage et le concubinage...

Les futurs usagers sont unanimes

L’Observatoire du PaCS est un collectif d’associations de futurs usagers du PaCS qui entend dénoncer les insuffisances du texte et porter des revendications communes. Son objectif : améliorer le Pacte civil de solidarité, avant et après son adoption.

Sa création s’est imposée en octobre 1998, lors de la première lecture de la proposition de loi à l’Assemblée nationale, au cours de laquelle a été votée la motion d’irrecevabilité. Dans ce débat qui s’annonçait, « experts », spécialistes et professionnels nous abreuvaient de leurs considérations sur ce qu’il serait bon ou non d’envisager pour nous.

Personne ne semblait décidé à entendre la voix des principaux intéressés : les futurs usagers du PaCS. Au mieux, jugeait-on que notre point de vue - supposé inconditionnellement pro-Pacs - allait de soi. Au pire, on renvoyait nos réflexions, diverses, plurielles mais rarement contradictoires, d’un revers de main au motif que les associations homosexuelles étaient divisées et donc incapables de se mettre d’accord. Faux ! Au fil des mois et des projets successifs, des associations ont effectivement débattu dans les règles de l’art, sans ménager les points de vues. Mais, plus la discussion à l’Assemblée s’approchait, plus l’apparente et brouillonne cacophonie de nos revendications semblait fredonner le même refrain.

La volonté gouvernementale de « dématrimonialiser » le texte, les coupes sombres infligées au projet comme autant de concessions faites par avance à des lobbies intégristes ont achevé de nous convaincre. Suppression de la signature en mairie, délais inadmissibles, droit au séjour et à la nationalité de nos partenaires rendus à l’arbitraire des préfectures... Il nous a fallu nous rendre à l’évidence : le PaCS, par lâcheté, abandonne des catégories entières d’usagers. Nous sommes :

 Des homosexuel/les, exclu/es du mariage et du concubinage,
 Des sans-papiers et des couples binationaux, rendus à l’arbitraire des préfectures,
 Des malades du sida, qui peuvent mourir avant d’avoir acquis aucun droit,
 Des parents et des futurs parents gays et lesbiens privés de droits pour leurs familles,
 Des usagers précaires, allocataires des minima sociaux, qui devront choisir entre le PaCS et le maintien de leurs allocations.

Nous sommes ceux dont le PaCS devait améliorer les vies. En l’état actuel, ce projet ne le fera pas.

L’après-PaCS

Face au manque de courage politique du gouvernement, nous devons d’ores et déjà envisager l’après-PaCS et les multiples problèmes d’application que poseront ses carences.

 Il s’agira, en premier lieu, d’enregistrer la diversité des difficultés rencontrées par les usagers. Des couples binationaux maintenus dans la clandestinité et sous la menace de l’expulsion. Des beaux-parents homosexuels, privés du droit de garde des enfants qu’ils ont élevés, à la suite d’une rupture ou du décès du parent biologique, parce que le PaCS ne prévoit rien en matière de droits familiaux. Des pacsés aux faibles revenus, qui perdront leurs minima sociaux avant même de pouvoir bénéficier des éventuels avantages d’une imposition commune. Des veuf/ves dont le/la partenaire a eu l’indécence de mourir avant la deuxième année consécutive à la signature du PaCS, et que la belle-famille peut déposséder, une fois son ami/e enterré/e...

 L’Observatoire du PaCS constituera, pour tous les usagers, un relais d’information et d’orientation vers une aide sociale et juridique.

 A partir de ces témoignages d’usagers, l’Observatoire du PaCS interviendra auprès des institutions compétentes pour faire évoluer la législation, et travaillera à la constitution d’une jurisprudence en formulant des recours.

 Enfin, par ses publications, l’Observatoire portera à la connaissance du public et du législateur les insuffisances et les incohérences apparues dans l’application du texte.
En anticipant l’après-PaCS, nous voulons, en outre, mettre à profit le temps qui nous sépare du vote définitif du texte. Tout est encore possible si l’on veut bien écouter, sans tabou ni calcul, les principaux intéressés.

Ce que nous voulons

Aujourd’hui, les couples homosexuels sont exclus du concubinage (un arrêt de la Cour de cassation en limite la définition aux partenaires hétérosexuels), et exclus du mariage. Nous revendiquons l’égalité devant le choix de son mode d’union. A savoir le droit pour tous de choisir entre union libre, PaCS et mariage. L’égalité, tout simplement. Tous les citoyens, quels que soient leur sexe, leur race, leur religion ou leur orientation sexuelle, ont les mêmes devoirs et les mêmes droits. Dans les faits, tous remplissent bien les mêmes devoirs, paient des impôts et risquent la prison en cas de manquement à ces devoirs. En revanche, ceux qui ont des relations avec des personnes de même sexe, les homosexuel/les, sont une catégorie à part, que l’on souhaiterait différente pour mieux justifier les interdits qui les frappent. Interdits de mariage. Interdits d’adoption... Notre histoire est peuplée de ces interdits, qu’ils soient religieux, raciaux ou sexuels, à l’encontre d’une catégorie souvent renvoyée à son appartenance communautaire pour mieux la dénigrer.

Pourtant, en principe, tout le monde s’accorde pour considérer que le droit au mariage est un droit inaliénable. Et si un homme politique proposait d’interdire le droit au mariage à certains couples en raison de leur couleur de peau ou de leur religion, tout le monde s’accorderait pour le dénoncer. A juste titre. En quoi, est-ce moins choquant de refuser ce même droit aux couples homosexuels ?

Aujourd’hui des juristes justifient l’inégalité de traitement des homosexuel/les dans le droit civil au motif que des situations différentes n’appellent pas les mêmes réponses. Mais de quelle différence parle-t-on ? L’argument généralement avancé pour interdire l’accès au mariage des couples de même sexe consiste à souligner leur infécondité. Pourtant, personne ne songe un instant à refuser le droit au mariage à des couples hétérosexuels stériles ou qui ne souhaitent pas avoir d’enfants. En quoi un couple de même sexe est-il plus socialement infécond que ces derniers ? Enfin, doit-on ignorer indéfiniment les parents homosexuels et leurs familles ?

Bien en peine d’argumenter, certains ont même tenté d’enfermer les unions de même sexe dans la sphère privée, expliquant que le législateur n’avait pas à prendre en compte une homosexualité relevant, selon eux, de la seule vie intime. Mais en quoi l’intimité des couples homosexuels est-elle plus privée que celle des couples hétérosexuels ?

En 1994, le Parlement européen a adopté une résolution incitant les pays membres de l’Union à ouvrir le mariage aux homosexuels ou à les faire bénéficier de droits équivalents. L’article 13 du traité d’Amsterdam (de valeur supra constitutionnelle) s’est également prononcé en ce sens, à savoir l’ouverture de tous les droits aux couples quelle que soit leur orientation sexuelle :

 droit des biens (concerne le patrimoine) ;
 droit des personnes (concerne les individus et les membres du couples) ;
 droit de la famille (concerne les ménages, les biens de la famille et la filiation).
Nous réclamons l’application de ces consignes européennes. Ni plus ni moins.

Notre soutien critique au PaCS

Malgré ses insuffisances, le PaCS marque une avancée : il implique la reconnaissance des couples homosexuels et un statut ouvrant de nouveaux droits pour tous les couples. Nous n’entendons pas nous contenter du concubinage ou de l’union libre, simple constat, sans consécration, ni effet. Dans un débat public où les positions les plus tranchées sont toujours les mieux entendues, nous avons fait le pari d’un position commune, précise mais nuancée. Oui au PaCS, mais pas à n’importe quelles conditions :

 Oui à l’idée d’un contrat universaliste, ouvert aux couples homosexuels comme hétérosexuels.
 Oui au PaCS, comme alternative au mariage et au concubinage.
 Oui au PaCS, comme premier pas vers l’égalité.
 Non à l’inégalité consacrée par les insuffisances et les contradictions d’un texte mal conçu.

Oui à un PaCS universel
En dépit des accusations de communautarisme, les associations homosexuelles se sont toujours opposées à un partenariat spécifique dans lequel les « experts » ont tenté de les enfermer, au nom de leur différence. Elles ont toujours revendiqué un PaCS ouvert à tous, aux couples homosexuels comme hétérosexuels. Notre logique est égalitariste et universaliste.

Oui à une solution contractuelle
Si nous sommes favorables à un concubinage étendu à tous les couples, qu’ils soient de mêmes sexes ou de sexes différents, nous refusons de nous contenter d’une solution « de fait ».

1) Le concubinage n’est qu’une constatation tandis que le PaCS est une reconnaissance du couple homosexuel. En autorisant le concubinage homosexuel, la loi ne ferait que constater un fait auquel elle accordera plus ou moins de droits selon les évolutions de sa jurisprudence et la bonne volonté des tribunaux. Le PaCS au contraire, par la possibilité qu’il offre à deux partenaires de s’engager l’un vis à vis de l’autre dans une logique de droits et de devoirs, constitue une étape symbolique et juridique indispensable dans la reconnaissance par l’État du lien de couple homosexuel.

2) Alors que le PaCS ouvre un certain nombre de droits en un contrat simple, améliorer le concubinage appelle une multitude de dispositions.
Par leur mode de vie, les couples hétérosexuels ont démontré qu’ils aspiraient à un nouveau type d’union qui ne soit ni le mariage ni le concubinage. Pour les couples homosexuels, il n’en va pas de même. Puisqu’ils n’ont pas le choix entre ces deux options, il est nécessaire de mettre fin à cette situation de non droit. Même ouvert aux homosexuels, même avec des droits étendus, le concubinage ne saurait remplacer l’engagement contractuel global que représente la signature d’un PaCS. Le seul concubinage amélioré implique que les concubins manifestent leur volonté de façon précise dans chaque domaine de leur vie quotidienne : succession, sécurité sociale, bail... D’où une multitude de démarches juridiques et administratives complexes et parfois coûteuses que le PaCS a le mérite de centraliser en un seul contrat.

3) Le concubinage et le PaCS ne sont pas incompatibles et ne doivent pas être concurrents.
Si le concubinage doit évoluer vers une forme plus contractuelle offrant la possibilité de bénéficier des droits des biens et des droits sociaux, pourquoi continuer à appeler concubinage ce qui sera finalement, à quelques détails près, un frère jumeau du PaCS. Le concubinage a une histoire, l’union libre aussi. Par respect pour ses deux formes de vie en commun, et pour pouvoir continuer à les choisir en tant que telles, nous ne souhaitons pas donner un cadre juridique au concubinage au point d’en faire un concurrent du PaCS. Cela reviendrait à réduire l’espace de liberté et le nombre d’options offertes aux couples alors que ces deux voies, si elles gardent leur esprit respectif, ne sont pas incompatibles.

Non à l’inégalité consacrée par les insuffisances du PaCS
Tant que les couples homosexuels restent exclus du mariage, le PaCS demeure leur unique possibilité de s’unir. C’est pourquoi, ils ne peuvent se contenter d’un texte frileux et imparfait. Loin de toute considération symbolique, idéologique ou morale, nous entendons présenter les modifications qu’il nous semble indispensable d’apporter au texte adopté en première lecture par l’Assemblée nationale.

Enfin, nous serons particulièrement vigilants quant aux éventuels « retours de bâtons » que pourrait entraîner cette timide avancée. Donner certains droits n’est pas encore l’égalité des droits. Et si l’octroi de quelques droits patrimoniaux devait entraîner, par la suite, la privation de tous droits familiaux pour les couples de même sexe ou une définition restrictive du mariage dans le code civil (par l’introduction de l’obligation d’hétérosexualité), nous ne saurions l’accepter. C’est pourquoi, quelle que soit la teneur du texte adopté en définitive, nous serons particulièrement attentifs à la réforme du droit de la famille et veillerons à ne permettre sous aucun prétexte l’institutionnalisation de l’exclusion des couples de même sexe.



Auditionné en janvier dernier par la commission des lois du Sénat, l’Observatoire du PaCS a défendu les améliorations qu’il souhaitait voir apporter au texte. La suppression des délais de carence pour les droits de succession adoptée mercredi 7 avril à l’Assemblée nationale constitue une première victoire. Pourtant, le texte comporte encore de graves insuffisances qui, si elles devaient perdurer, ne lui permettraient pas de répondre à l’attente des futurs usagers.
Nous revendiquons :

 la signature du PaCS en mairie et l’alignement sur le régime fiscal matrimonial, pour une reconnaissance pleine et entière des couples homosexuels exclus du mariage.
 un droit au séjour sans restriction pour nos amant-es sans-papiers, un accès rapide à la naturalisation, la reconnaissance du droit à la vie privée pour les couples bi-nationaux, mariés, concubins ou pacsés.
 la suppression des délais pour l’imposition commune, inacceptables pour les malades du sida, et symptomatiques d’une suspicion à l’égard de nos couples.
 l’individualisation des minima sociaux : l’ouverture et le maintien des droits ne doit plus dépendre des ressources du conjoint.
 l’accès à l’adoption, à la procréation médicalement assistée et à la co-parentalité pour les futurs pacsés, qu’ils soient hétérosexuels ou homosexuels.